💡Définition des procédures de prévention des difficultés des entreprises : les procédures de prévention des difficultés des entreprises ont pour objectif de permettre à une entreprise rencontrant « des difficultés qui ne compromettent pas sa continuité » de tenter de régler ses problèmes par « des procédures amiables ».

Des difficultés qui compromettent la continuité d’une entreprise relèvent de difficultés, d’une gravité telle, que si on ne règle pas les problèmes ci-évoqués, la survie de l’entreprise est menacée à plus ou moins long terme.

Le Code de commerce stipule aux (1) quatre procédures traitant de la prévention des difficultés des entreprises :

  • les groupements de préventions agrées
  • les pouvoirs attribués au président du tribunal de commerce (en réalité deux pouvoirs) ; 
  • la procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » ;
  • et la procédure dite « de Conciliation ».

L’exposé qui va suivre a pour objectif de traiter spécifiquement la procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » et la procédure dite « de Conciliation », qui présentent chacune un tronc commun, mais également des différences notables.

L’exposé sera traité en trois parties, la première, devant définir la procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » et la procédure dite « de Conciliation », la seconde, devant s’attacher à mettre en lumière les points communs à ces deux procédures et enfin, la troisième partie, devant relever le particularisme attaché à ces deux procédures.

Il sera précisé que ces deux procédures seront étudiées, au travers les entreprises commerciales ou artisanales exclusivement, sans évoquer les professions dites « libérales » ou les agriculteurs.

Définition de la procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » et la procédure dite « de Conciliation »

Principe et définition du Mandat Ad’Hoc 

Le Mandat Ad’Hoc est une procédure, préventive et confidentielle, de règlement amiable des difficultés, dont le but est de rétablir la situation de l'entreprise « avant qu'elle ne soit en cessation des paiements » et elle est régit par les dispositions du Code de Commerce (2).

Fonctionnement de la procédure de Mandat Ad’Hoc : la procédure dite de « Mandat Ad’Hoc » est une procédure judiciaire qui consiste à faire désigner par un Tribunal et plus précisément le Président, du Tribunal de Commerce, une personne que l’on nomme Mandataire Ad’Hoc (il s’agit d’un professionnel des difficultés des entreprises qui est soit, un Mandataire Judiciaire, soit un Administrateur Judiciaire et éventuellement un Expert Comptable & Commissaire aux Comptes), avec une mission particulière, d’une certaine durée, dont l’objectif est d’essayer de régler les problèmes d’une entreprise en difficultés, par des procédures amiables, avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements.

Principe & définition et conditions de la procédure de conciliation

Il est institué, devant le Tribunal de Commerce (Président du Tribunal), une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les entreprises :

  • exerçant une activité commerciale ou artisanale ;
  • qui éprouvent une difficulté juridique (un procès en cours qui risque de se solder par une condamnation pour l’entreprise, une mésentente entre actionnaires ou associés qui paralyse la société), économique ou financière (perte de chiffre d’affaires, impayés clients, érosion de la marge commerciale), avérée ou prévisible (cela implique que toutes les difficultés subies par l’entreprise peuvent justifier une procédure de conciliation, que la ou les difficultés soient avérées ou alors vont arriver dans le futur) ;
  • et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours (l’entreprise peut bénéficier d’une procédure de conciliation si elle est en cessation de paiement, mais depuis moins de 45 jours).

La procédure dite « de Conciliation » est régie par les dispositions du Code de commerce (3).

Fonctionnement de la procédure de Conciliation : la procédure de Conciliation est une procédure judiciaire qui consiste à faire désigner par un Tribunal (et plus précisément par le Président du Tribunal de Commerce), un Conciliateur (il s’agit d’un professionnel des difficultés des entreprises), avec une des missions particulières prévues par la loi, durant une certaine période prévue par la loi, dont l’objectif est d’essayer de régler les problèmes d’une entreprise en difficultés, par des procédures amiables ou éventuellement coercitives, avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

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Points communs de la procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » et la procédure dite « de Conciliation »

Compétence du Président

Il est à noter que, tant la procédure dite « de Mandat Ad’Hoc », que la procédure dite « de Conciliation », relèvent de la compétence exclusive du Président du Tribunal de Commerce, qui est saisi par le biais d’une requête et qui peut rendre une décision rapidement, soit une Ordonnance, et ce, bien plus vite, que s’il s’agissait d’un jugement rendu par le Tribunal de Commerce, dans sa composition collégiale.

Convocation obligatoire de l’entreprise avant que le Président ne rende une décision

Dès réception de la demande, si elle répond aux critères légaux, le Président du Tribunal fait convoquer, par le greffier, le représentant légal de la personne morale ou le débiteur personne physique pour recueillir ses observations. Dans les deux cas, le Président ne peut rendre une décision, que si préalablement, il a auditionné le représentant légal de l’entreprise, ce qui lui permet d’apprécier la réalité des difficultés de l’entreprise.

 Désignation d’un professionnel chargé de tenter de régler les problèmes de l’entreprise en difficulté 

Dans les deux cas, le Président sera amené à désigner un professionnel, soit un professionnel de la restructuration des entreprises (Mandataire Judiciaire ou Administrateur Judiciaire) ou de manière plus rare un Expert comptable & Commissaire aux Comptes, qui seront chargés de tenter de régler les problèmes de l’entreprise en difficultés. Partant, l’ouverture d’une procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » ou dite « de Conciliation », consiste en réalité pour le Président à désigner un Mandataire Ad’Hoc ou un Conciliateur selon le cas. Le Mandataire Ad’Hoc ou le Conciliateur seront chacun investis d’une mission de la part du Président, dont l’objectif sera de tenter de régler les difficultés de l’entreprise. 

Différences de la procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » et la procédure dite « de Conciliation »

La procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » et la procédure dite « de Conciliation » présentent toutes les deux des différences notables, avec pour chacune des procédures, des avantages notables et des inconvénients gênants.

Procédure de Mandat Ad’Hoc

Avantages de la Procédure de Mandat Ad’Hoc 

Simplicité de la saisine du Président

Le Président est saisi par le biais d’une requête écrite, qui doit exposer les raisons de la demande, sans que la loi n’impose un formalisme particulier, ni de pièces justificatives nommément désignées à l’appui de la requête, l’important étant d’obtenir l’adhésion du Président.

Caractère confidentielle de la Procédure

La procédure dite « de Mandat Ad’Hoc » est totalement confidentielle, en ce sens, qu’aucune mesure de publicité n’est organisée, ni au jour du dépôt de la requête, ni au jour du prononcé de l’Ordonnance de désignation du Mandataire Ad’Hoc et pas même au cours de sa mission.

Liberté de choix du Président

Le Président dispose d’une totale liberté, quant au choix du Mandataire Ad’Hoc, de la mission qui lui sera confiée et de sa durée, et ce, en ce sens, que le Code de commerce lui permet une telle liberté. En général, la mission du Mandataire Ad’Hoc consistera en de l’audit et du conseil et la recherche d’un accord avec les créanciers, afin d’étaler la dette de l’entreprise en difficultés. La durée de la mission du Mandataire Ad’Hoc est laissée à la libre appréciation du Président, en fonction des besoins de l’entreprise. Le Président fixe les conditions de la rémunération du Mandataire Ad’Hoc. L’entreprise en difficulté peut proposer le nom du Mandataire Ad’Hoc, que le Président peut accepter ou refuser.

Inconvénients de la Procédure de Mandat Ad’Hoc

Absence de cessation des paiements pour l’entreprise en difficulté

La procédure de Mandat Ad’Hoc n’est possible, que si l’entreprise ne se trouve pas en cessation des paiements, même depuis une journée. La procédure de Mandat Ad’Hoc relève donc d’une procédure préventive par excellence.

Absence de pouvoir de coercition de la part du Mandataire Ad’Hoc

Le Mandataire Ad’Hoc n’a aucun pouvoir de contrainte sur les créanciers, qui ont le droit de refuser d’accepter un accord en faveur de l’entreprise en difficultés. Le Président du Tribunal, dans le cadre de la procédure de Mandataire Ad’Hoc n’a pas non plus de pouvoir de contrainte sur les créanciers qui peuvent refuser tout accord en faveur de l’entreprise en difficultés. La réussite de la procédure Mandataire Ad’Hoc est donc aléatoire et repose, certainement sur le talent et la force de persuasion du Mandataire Ad’Hoc, mais également et surtout du bon vouloir des créanciers.

Procédure de conciliation

Inconvénients de la Procédure de Conciliation

Complexité de la saisine du Président

Le Président du Tribunal est saisi par une requête présentée par l’entreprise en difficultés qui doit impérativement exposer « sa situation économique, financière, sociale et patrimoniale, ses besoins de financement ainsi que, le cas échéant, les moyens d'y faire face ». Le cas échéant, la requête précise la date de cessation des paiements.

La requête doit également être accompagnée des pièces justificatives suivantes :

- le numéro unique d'identification (extrait K Bis ou extrait du RNE) ;

- l'état des créances (la liste de ce qui est dû à l‘entreprise) et des dettes (la liste de ce que doit l’entreprise) ;

- l'état actif et passif des sûretés (toutes les garanties consenties par l’entreprise à ses créanciers, gage, nantissement, hypothèque) ;

- les comptes annuels, le tableau de financement ainsi que la situation de l'actif réalisable et disponible, valeurs d'exploitation exclues, et du passif exigible des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis (bilan et compte de résultat sur trois exercices) ;

- une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédant la date de la demande (une entreprise peut bénéficier de plusieurs procédures de Conciliation, mais à condition, qu’il existe un délai minimum de trois mois entre la fin de la première procédure et le début de la seconde).

Le Président est tenu par des dispositions impératives, quant à la nature de la mission du conciliateur et de sa durée

Durée de la procédure : la procédure de conciliation est ouverte par le président du tribunal qui désigne un conciliateur pour :

  • une période n'excédant pas quatre mois ;
  • mais qu'il peut, par une décision motivée, proroger à la demande de ce dernier sans que la durée totale de la procédure de conciliation ne puisse excéder cinq mois.

Délai supplémentaire afin de finaliser un accord en cours : si une demande de constatation ou d'homologation a été formée avant l'expiration de cette période, la mission du conciliateur et la procédure sont prolongées jusqu'à la décision, selon le cas, du président du tribunal ou du tribunal.

Mission du Conciliateur (trois missions possibles) :

  • conclusion d’un accord (recherche d’un accord entre l’entreprise et ses créanciers) ;
  • restructuration de l’entreprise (audit et conseil) ;
  • cession totale ou partielle de l’entreprise (préparation de la vente de l’entreprise qui interviendra dans le cadre d’une autre procédure judiciaire).
Caractère non confidentiel de la Procédure de Conciliation

La décision ouvrant la procédure de conciliation est communiquée au Ministère Public et si l’entreprise est soumise au contrôle légal de ses comptes, aux Commissaires aux Comptes. En outre, il sera indiqué que lorsque l’entreprise obtient à l’issue de la Procédure de Conciliation de la part du Tribunal un accord homologué (accord imposé), de larges mesures de publicités sont organisées, ce qui va induire, que l’environnement de l’entreprise en difficultés va connaître l’état de ses problèmes.

Avantages de la Procédure de Conciliation

Possibilité pour l’entreprise en difficulté de se trouver en cessation des paiements

La procédure de Conciliation est possible, si l’entreprise se trouve déjà en cessation des paiements, mais à condition que cela ne dure pas plus de 45 jours. La procédure de Conciliation est donc possible, si l’entreprise se trouve à un stade déjà avancé de ses difficultés.

Possibilité d’imposer un accord de conciliation, même aux créanciers de l’entreprise en difficultés qui ne veulent pas consentir un accord

La particularité de la procédure de conciliation, est que si certaines conditions légales sont réunies, le Tribunal peut imposer, aux créanciers qui n’en veulent pas, un accord de conciliation, ce qui a pour effet de leur imposer des délais de paiement.

Trois solutions sont en effet possibles à l’issue de la procédure de conciliation :

  • cas où un accord est impossible : en cas d'impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public ;
  • accord entre l’entreprise et tous les créanciers et constaté par « le Président du Tribunal » (accord constaté) : le Président du Tribunal, sur la requête conjointe des parties peut constater leur accord et donner à celui-ci force exécutoire. La décision constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours ;
  • homologation de l’accord par « le Tribunal » sur demande de l’entreprise contre les créanciers réfractaires (accord homologué et donc imposé aux créanciers) : l’entreprise en difficulté peut demander au Tribunal (et non plus au Président) d’homologuer un accord si les trois conditions suivantes sont réunies :
    - l’entreprise en difficulté ne doit pas être en cessation des paiements ou l'accord conclu doit y mettre fin ;
    - les termes de l'accord doivent être de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise (cela implique que l’accord de conciliation doit permettre d’assurer la continuité de l’entreprise) ;
    - l'accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires (cela implique que l’accord de conciliation que l’on va imposer ne doit pas mettre en difficultés les créanciers de l’entreprise en procédure de conciliation).

⚠ Attention, si la procédure de conciliation permet dans certains cas, d’homologuer un accord, soit de l’imposer aux créanciers qui n’en veulent pas, un certain nombre de mesures de publicités sont organisées afin d’informer l’environnement de l’entreprise en difficulté.

Transmission de l’accord au Commissaire aux Comptes : lorsque l’entreprise est soumise au contrôle légal de ses comptes, l'accord homologué est transmis à son commissaire aux comptes.

Dépôt du jugement au greffe : le jugement d'homologation est déposé au greffe du Tribunal où tout intéressé peut en prendre connaissance.

Publication du jugement des deux journaux : un extrait du jugement est publié dans deux journaux, soit un Journal d’Annonces Légales du Département et dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

 

💡Conclusion :

Les procédures de Mandataire Ad’Hoc et de Conciliation présentent toutes les deux des avantages et des inconvénients.

La procédure de Mandataire Ad’Hoc est simple et confidentielle, mais elle présente le lourd inconvénient, de nécessiter, pour sa réussite au final, d’obtenir l’assentiment des créanciers de l’entreprise en difficultés. L’entreprise ne peut par ailleurs pas se trouver déjà en cessation des paiements. La procédure de Mandataire Ad’Hoc doit donc intervenir à un stade précoce.

La procédure de Conciliation est entourée de garanties procédurales sévères, par ailleurs encadrée quant à son exécution par des dispositions légales strictes, et en outre donne lieu à des mesures de publicité qui vont alerter l’environnement de l’entreprise en difficultés, mais permet à une entreprise en cessation des paiements depuis moins de 45 jours d’imposer un accord à des créanciers, qui n’en veulent pas, même si au final de larges mesures de publicités sont prévues.

 

Références :
(1) Articles L611-1 à L612-5 et Articles D611-1 à R612-7 du Code de commerce
(2) Article L611-3, R611-18 à  R611-21-1 du Code de commerce
(3) Articles L611-4 à Article L611-12, R611-22 à R611-46-1 du Code de commerce