📌 Les procédures collectives concernent des entreprises rencontrant « des difficultés de nature à compromettre leur continuité » et elles ont pour objectif de tenter de régler leurs problèmes au moyen de « procédures judiciaires curatives » (coercitives). 

Il existe trois procédures collectives, prises dans l’ordre de gravité des difficultés d’une entreprise :

  1. la procédure de sauvegarde
  2. la procédure de redressement judiciaire
  3. la procédure de liquidation judiciaire

Seules les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ont vocation à permettre la continuité de l’entreprise, et ce, grâce au traitement curatif commun à ces deux procédures, à l’inverse de la procédure de liquidation judiciaire, dont l’objet est de mettre fin à l’entreprise et de la liquider.

Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire présentent donc des points communs, soit le traitement curatif de l’entreprise qui fait l’objet d’une autre note, les procédures de déclarations des créances qui font l’objet d’une autre note, la procédure suivie devant le Tribunal, mais également des différences notables qui constituent le sens de la présente note.

💡 Il est précisé que le Code de commerce utilise le terme de « débiteur » s’agissant d’une entreprise en procédure collective.

La note sera articulée autour des différences qui affectent, tant la procédure de sauvegarde, que de la procédure de redressement judiciaire.

Différences des conditions d’ouverture des deux procédures et de l’initiative des deux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire

Conditions économiques d’ouverture de la procédure de sauvegarde (Article L620-1 du Code de commerce)

Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte :

  • sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L620-2 (1) qui, (la procédure de sauvegarde n’est ouverte que si l’entreprise le demande, on ne peut l’y placer de force) ;
  • sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter (à partir du moment où l’entreprise n’est pas en cessation des paiements, n’importe quelle difficulté peut justifier la sauvegarde pour autant qu’elle n’arrive pas à les surmonter).

Conditions économique d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire (Article L631-5 du Code de commerce)

Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L631-2 (2) ou L631-3 (3) (commerçant, artisan, société) qui se trouve « en état de cessation des paiements ».

💡Définition de la notion de cessation des paiements : une entreprise est dite « en cessation de paiement » lorsqu’elle ne peut pas faire face à son passif exigible, soit l’ensemble de ses dettes immédiatement exigibles (factures arrivées à échéance, cotisations sociales exigibles, mensualités de prêt arrivées à échéance…), au moyen de son actif disponible, soit son actif immédiatement monétisable (trésorerie constituée de son compte en banque ou de son compte caisse et les effets de commerce arrivés à échéance) et que par ailleurs, elle ne peut plus bénéficier de réserves de crédit de la part de sa banque (prêt ou découvert bancaire) et que ses créanciers ne veulent pas lui consentir de délais de paiement.

La procédure de redressement judiciaire est ouverte sur demande de l’entreprise elle-même, et cela relève d’une obligation légale, dès lors que la cessation des paiements remonte à plus de 45 jours et, ce, en application de l’article L631-4 du Code de commerce (4). La procédure de redressement judiciaire peut être ouverte également, en cas de défaillance de l’entreprise en difficultés, sur demande de Monsieur le Procureur de la République, mais également  des créanciers, et ce, en application de l’article L631-4 du Code de commerce.

📌 Nota : la différence majeure entre la procédure de sauvegarde et la procédure de redressement judiciaire, réside dans le fait que l’entreprise en difficultés ne peut être placée en sauvegarde, que si elle rencontre des difficultés qu’elle ne parvient pas à surmonter, mais à condition de ne pas être en cessation des paiements, même d’une journée. La procédure de sauvegarde relève donc d’une procédure collective, mais préventive, alors que le redressement judiciaire s’applique à une entreprise déjà en cessation de paiements et par là même, se trouvant déjà à un stade avancé de ses difficultés.  

📌 Nota : l’autre différence entre la procédure de sauvegarde et la procédure de redressement judiciaire, réside dans le fait que l’entreprise qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements sera placée en sauvegarde, que si elle le demande, alors que l’entreprise en cessation des paiements sera placée en redressement judiciaire, si elle le souhaite et en réalité, elle n’en a pas le choix, mais également sur l’action judiciaire, tant de la part de Monsieur le Procureur de la République, que des créanciers de l’entreprise.

Différences quant au déroulé des deux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire

Inventaire des biens de l’entreprise

Dans le cadre de la procédure de sauvegarde, tout comme la procédure de redressement judiciaire, un inventaire des biens de l’entreprise doit être dressé immédiatement après l’ouverture de la procédure, et cet inventaire est réalisé :

  • pour la procédure de sauvegarde, au choix du chef d’entreprise, soit par lui-même, soit par un Commissaire de Justice désigné par le Tribunal, ce qu’indique l’article R621-1 du Code de commerce (5) ;
  • pour la procédure de redressement judiciaire, obligatoirement par un Commissaire de Justice désigné par le Tribunal, ce qu’indique l’article L631-9 du Code de commerce (6).

Mission de l’administrateur judiciaire

Dans le cadre de la procédure de sauvegarde, tout comme la procédure de redressement judiciaire, un ou plusieurs administrateurs judiciaires peuvent être désignés par le Tribunal avec des missions différentes selon la procédure ouverte, soit :

  • surveillance, soit surveiller l’entreprise dans sa gestion et rendre compte de cette surveillance auprès du Juge Commissaire et du Tribunal. Cette mission est possible uniquement en procédure de sauvegarde ;
  • assistance, soit l'assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d'entre eux. L’assistance implique une gestion conjointe de l’entreprise entre le chef d’entreprise et l’administrateur Judiciaire. Cette mission est possible pour la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire ;
  • administration, soit gérer l’entreprise au lieu et place du chef d’entreprise. Cette mission n’est possible pour la procédure de redressement judiciaire.

💡 Ces dispositions ressortent de l’article L622-1 du Code de commerce pour la procédure de sauvegarde (7) et L631-12 du Code de commerce pour la procédure de redressement judiciaire (8).

Cession de l’entreprise

Dans le cadre de la procédure de sauvegarde, tout comme la procédure de redressement judiciaire, la cession de l’entreprise ou d’une branche d’activité est possible selon la procédure ouverte, soit :

  • pour la procédure de sauvegarde : seule une cession partielle d’activités est possible, la cession totale de l’entreprise n’est pas possible et dans tous les cas, une telle cession n’intervient qu’avec l’accord du chef d’entreprise, ce qu’indique l’article L626-1 du Code de commerce (9) ;
  • pour la procédure de redressement judiciaire, la cession totale de l’entreprise est possible, et peut être décidée par le Tribunal, sans que le chef d’entreprise ne soit d’accord avec une telle cession, et les tiers peuvent formuler des offres d’achat à tout moment, ce qu’indique l’article L631-13 du Code de commerce (10).

Autres mesures spécifiques à la procédure de redressement judiciaire

Fixation de la date de cessation des paiements

Pour la procédure de redressement judiciaire, le Tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur, et ce, en vertu de l’article L631-8 du Code de commerce (11). La date de cessation des paiements peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

Interdiction de mouvement dans le capital social d’une société

Pour la procédure de redressement judiciaire, les mouvements dans le capital social d’une société sont interdits, sans l’accord du Tribunal, et ce, en vertu de l’article L631-10 du Code de commerce (12).

Mesures conservatoires contre les biens du chef d’entreprise

Pour la procédure de redressement judiciaire, il est possible de prendre des mesures conservatoires sur les biens du chef d’entreprise, et ce, en vertu de l’article L631-10-1 du Code de commerce (13).

Possibilité de la fixation de la rémunération du dirigeant

Pour la procédure de redressement judiciaire, Monsieur le Juge Commissaire a la possibilité de fixer la rémunération du ou des dirigeants de l’entreprise, et ce, en vertu de l’article L631-11 du Code de commerce (14).

Autorisation des licenciements économiques

Pour la procédure de redressement judiciaire, les licenciements économiques sont autorisés par Monsieur le Juge Commissaire, et ce, en vertu de l’article L631-17 du Code de commerce (15).

Eviction du chef d’entreprise lors de l’adoption du plan

Pour la procédure de redressement judiciaire, il est possible de conditionner l’adoption du plan de redressement judiciaire au départ du chef d’entreprise et cette demande doit émaner de Monsieur le Procureur de la Réplique, et ce, en vertu de l’article L631-19-1 du Code de commerce (16).

Nullités de la période suspecte

Pour la procédure de redressement judiciaire, il est possible d’annuler par le Tribunal certains actes juridiques accomplis durant la période suspecte (ce qui correspond à toute la période entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire), et ce, en vertu de l’article L632-1 à L632-4 du Code de commerce (17).

📌 Nota : les dispositions ci-évoquées ne sont possibles que s’agissant de la procédure de redressement judiciaire et ne s’appliquent pas à la procédure de sauvegarde.

illustration

Conclusion :

La procédure de sauvegarde est ouverte sur demande de l’entreprise, lorsque celle-ci ne se trouve pas en cessation des paiements et se poursuivra avec l’accord du chef d’entreprise, sans que des mesures contraignantes ne soient prises contre le chef d’entreprise. En procédure de sauvegarde, on sauvegarde l’entreprise avec le chef d’entreprise.

La procédure de redressement judiciaire est ouverte sur demande de l’entreprise ou initiée de force, lorsque celle-ci se trouve en cessation des paiements et se poursuivra avec ou sans l’accord du chef d’entreprise, sachant que des mesures contraignantes peuvent être prises contre le chef d’entreprise. En procédure de redressement judiciaire, on redresse avant tout l’entreprise.

 

Références :

Articles L620-1 à L628-8 du Code de commerce qui régissent la procédure de sauvegarde
Articles L631-1 à L632-4 du Code de commerce qui régissent le redressement judiciaire

(1) Article L620-2 du Code de commerce
(2) Article L631-2 du Code de commerce
(3) Article L631-3 du Code de commerce
(4) Article L631-4 du Code de commerce
(5) Article R621-1 du Code de commerce
(6) Article L631-9 du Code de commerce
(7) Article L622-1 du Code de commerce
(8) Article L631-12 du Code de commerce
(9) Article L626-1 du Code de commerce
(10) Article L631-13 du Code de commerce
(11) Article L631-8 du Code de commerce
(12) Article L631-10 du Code de commerce
(13) Article L631-10-1 du Code de commerce
(14) Article L631-11 du Code de commerce
(15) Article L631-17 du Code de commerce
(16) Article L631-19-1 du Code de commerce
(17) Articles L632-1 à L632-4 du Code de commerce