L’action en revendication se déroule devant le juge commissaire et est régie par les dispositions des articles L624-9 à L624-18 du Code de commerce et des articles R624-13 à R624-16 du Code de commerce (1), ce qui va nous amener à examiner les différentes étapes de cette action en revendication.

💡 Il est précisé, qu’il existe une différence entre « l’action en revendication d’un bien meuble », telle que prévue par l’article L624-9 du Code de commerce et « l’action en restitution d’un bien meuble », telle que prévue par l’article L624-10 du Code de commerce, qui concerne la restitution d’un bien en possession du débiteur qui a fait l’objet d’une publication au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). L’action en restitution pour des biens ayant fait l’objet d’une publication est plus rapide, en ce sens, qu’elle dispense le créancier d’avoir à faire reconnaître son droit de propriété. Il sera surtout étudié dans cette note l’action en revendication et assez peu l’action en restitution.

Il est précisé que le Code de commerce utilise le terme de « débiteur » s’agissant d’une entreprise en procédure collective.

Quels sont les biens visés par l’action en revendication ? Devant quelle juridiction, quelle est la procédure, dans quel délai dois-je intenter une action en revendication ? Quels sont les motifs de rejet de l’action en revendication ?

L’action en revendication ne peut porter que sur les biens meubles

📌 L’article L624-9 du Code de commerce dispose : « La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure ».

En application de la disposition citée, l’action en revendication n’est possible que pour les biens meubles et par voie de conséquence, elle est interdite pour les immeubles. La revendication des biens immeubles suit la procédure de droit commun et ne relève pas de la procédure de revendication devant le juge commissaire.

Distinction entre meubles et immeubles : catégories de bien concernés

📌 Il sera cité l’article 516 du Code civil (2) : « Tous les biens sont meubles ou immeubles », qui définit les biens comme étant soit des meubles, soit des immeubles. Il existe en droit des biens, deux catégories de biens, les immeubles et les meubles.

📌 Il sera cité l’article 527 du Code civil (3) : « Les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi ». Il existe deux catégorises de meubles : les meubles par nature et les meubles par détermination de la loi.

📌 Il sera cité l’article 528 du Code civil (4) : « Sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre ». Un meuble par nature est effectivement un bien que l’on peut déplacer sans l’endommager et que l’on peut par ailleurs toucher.

📌 Il sera cité l’article 529 du Code civil (5) : « Sont meubles par la détermination de la loi les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies. Ces actions ou intérêts sont réputés meubles à l'égard de chaque associé seulement, tant que dure la société.

Sont aussi meubles par la détermination de la loi les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l'Etat, soit sur des particuliers ». Les meubles par détermination de la loi représentent tous les titres de société et le fonds de commerce. Un meuble par détermination de la loi constitue une construction juridique du Législateur.

L’action en revendication est possible pour les meubles par nature, soit que l’on peut « toucher », « appréhender » et surtout remettre à une personne physique ou morale pour possession. L’action en revendication est également possible pour les meubles par détermination de la loi, tels les titres de société ou le fonds de commerce (6).

Meubles incorporés à un immeuble : un cas particulier

Il est à noter, qu’il existe une disposition particulière pour les meubles qui sont incorporés à un immeuble et qui de ce fait, deviennent un immeuble et qui ne peuvent donc plus être revendiqués.

📌 Il est cité à ce titre l’article 551 du Code civil (7) : « Tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, suivant les règles qui seront ci-après établies ». Cela concerne un meuble qui est uni de manière indissociable à un immeuble et qui de ce fait ne peut plus être revendiqué par le vendeur dans la mesure où cela devient un immeuble.

Nota : l’action en revendication doit porter sur un bien meuble, mais dont le propriétaire devra apporter la preuve de son droit de propriété, ce qui constitue une différence avec l’action en restitution prévue par l’article L624-10 du Code de commerce, où le bien ayant fait l’objet d’une publication au RCS, la preuve du droit de propriété n’a pas à être rapportée par le demandeur à la procédure.

Nota : l’action en revendication n’implique pas comme condition de recevabilité, de démontrer sa qualité de créancier envers l’entreprise en procédure collective. La revendication implique d’apporter la preuve de la propriété du bien dont on veut revendiquer, mais pas sa qualité de créancier, même si souvent le revendiquant est en même temps créancier de l’entreprise en procédure collective. 

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Devant quelle juridiction & quelle est la procédure à suivre pour l’action en revendication & dans quel délai doit-on intenter l’action ?

Délai de l’action en revendication

En application de l’article L624-9 du Code de commerce, « La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure ».

L’action en revendication doit donc être initiée par le revendiquant dans un délai de trois mois à compter de la publication au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC), de l’ouverture de la procédure collective.

Nota : le délai de trois mois est le même, quel que soit la procédure collective, sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire. Le délai de trois mois relève d’un délai préfix insusceptible de suspension ou d’interruption.

Nota : le délai de trois mois ne s’applique pas aux créanciers dont le bien a été remis au débiteur en procédure collective, alors qu’un contrat a été publié au RCS avant l’ouverture de la procédure collective. L’action en restitution n’implique pas de respecter le délai de trois mois, et ce, en vertu des articles L624-10 du Code de commerce et R624-15 du Code de commerce.

Procédure de l’action en revendication

L’action en revendication procède, dans un premier temps, d’une procédure pré judiciaire, suivie dans un second temps, d’une procédure judiciaire, en cas d’insuccès de la procédure amiable.

Saisine préalable de l’administrateur judiciaire, du débiteur ou du liquidateur judiciaire (articles R624-14 et R641-31 du Code de commerce)

La requête en revendication doit être préalablement formulée par le revendiquant, par lettre recommandée avec accusé de réception, et adressée à :

  • en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire : soit à l’administrateur judiciaire lorsqu’il y en a un, soit au débiteur directement, lorsqu’il n’y a pas d’administrateur judiciaire (le chef d’entreprise doit en adresser une copie au mandataire judiciaire) ;
  • en procédure de liquidation judiciaire : au liquidateur judiciaire.

📌 Délai de réponse de un mois : en application de l’article 624-13 du Code de commerce, l’administrateur judiciaire, ou le débiteur, faute d’administrateur judiciaire (en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire) ou le liquidateur judiciaire ont « un mois » pour répondre à cette requête en revendication. L’absence de réponse dans le délai de un mois équivaut à un refus.

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Saisine du juge commissaire

📌 Saisine du juge commissaire dans le délai de mois suivant le courrier adressé en lettre recommandée avec accusé de réception.

En application de l’article R624-13 du Code de commerce,

  • le revendiquant en cas de réponse négative, soit de l’administrateur judiciaire, ou le débiteur, faute d’administrateur judiciaire (en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire) ou le liquidateur judiciaire, ou d’absence de réponse dans le délai de un mois
  • a un mois afin de saisir le juge commissaire d’une action en revendication.

Nota : le délai de un mois afin de saisir le juge commissaire court à compter de l’expiration du délai de un mois, suivant l’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception et constituant la phase pré judiciaire, même si l’administrateur judiciaire, ou le débiteur, faute d’administrateur judiciaire (en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire) ou le liquidateur judiciaire répondent avant le délai de un mois qui leur est laissé.

📌 Saisine du juge commissaire par voie de requête (R621-1 du Code de commerce) :

Le juge commissaire est saisi par voie de requête, qui est soit déposée au Tribunal, soit adressée au Tribunal par correspondance (il est conseillé une lettre recommandée avec accusé de réception).

Nota : la postulation d’avocat n’est pas obligatoire devant le juge commissaire, sauf dans les deux départements d’Alsace et le département de Moselle, où l’avocat est obligatoire et quel que soit son barreau de rattachement, et ce, en application de l’article 760 du Code de procédure civile, lu à la lumière des articles R621-21 et R670-1 du Code de commerce. En droit local, (deux départements d’Alsace et la Moselle), il n’y a pas de Tribunal de commerce, la chambre commerciale du Tribunal Judiciaire fait fonction de Tribunal de commerce. 

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Motifs de rejet(s) de l’action en revendication

L’action en revendication ne peut aboutir, que si le bien existe en nature et se trouve dans le patrimoine de l’entreprise en procédure collective au jour de l’ouverture de la procédure collective.

Le bien doit exister en nature

L’action en revendication n’est possible et en application de l’article L624-16 du Code de commerce que si le bien revendiqué existe « en nature » dans le patrimoine du débiteur en procédure collective. Le bien ne peut être revendiqué, que s’il n’a pas été incorporé de manière définitive avec un autre bien. Le bien incorporé avec un autre bien exclut l’action en revendication, sauf s’il est possible de désunir le bien sans l’endommager (8).

Le bien doit exister dans le patrimoine de l’entreprise en procédure collective au jour de l’ouverture de la procédure

L’action en revendication n’est possible et en application de l’article L624-16 du Code de commerce, que si le bien revendiqué se trouve dans le patrimoine du débiteur en procédure collective, au jour de l’ouverture de la procédure collective, ce qui constitue par ailleurs une exigence fixée par la jurisprudence (9).

La charge de la preuve de la présence du bien dans le patrimoine de l’entreprise en procédure collective pèse sur le revendiquant.

Le poids de la charge de la preuve, de celui qui se prétend titulaire d’une action en revendication va en outre, dépendre de l’inventaire réalisé au jour de l’ouverture de la procédure collective, et il est cité l’article L622-6 du Code de commerce (10).

En vertu de l’article L622-6 du Code de commerce, dès « l'ouverture de la procédure collective, il est dressé un inventaire du patrimoine du débiteur qui constitue le gage de ses créanciers professionnels ainsi que des garanties qui le grèvent».

Dès lors, la jurisprudence a établi deux cas de figure :

  • en présence d’un inventaire des biens du débiteur en procédure collective, la charge de la preuve de la présence des biens revendiqués dans le patrimoine du débiteur incombe au revendiquant et les obligations de preuve sont renforcées pour le revendiquant (11). Il s’agit de la situation où le bien revendiqué ne figurerait pas sur la liste de l’inventaire, la revendication reste possible, mais le poids de la charge de la preuve est important sur le revendiquant (12). Si le bien ne figurait pas dans l’inventaire, il est présumé ne plus être en possession du débiteur en procédure collective, ce qui n’interdit pas d’apporter la preuve inverse ;
  • en l’absence d’inventaire des biens du débiteur en procédure collective, la charge de la preuve de la présence des biens revendiqués dans le patrimoine du débiteur incombe toujours au revendiquant, mais les obligations de preuve sont allégées, compte tenu de la défaillance des organes de la procédure. Faute d’inventaire réalisé suivant l’article L622-6 du Code de commerce, le revendiquant, tout comme l’administrateur judiciaire s’il y en a un ou le débiteur faute d’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire doivent apporter la preuve ou pas de la présence du bien revendiqué. Il s’agit dans ce cas d’une sorte de preuve conjointe.
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Conclusion :

L’action en revendication permet à un créancier de revendiquer un bien, dont il est propriétaire et qui se trouve en possession de l’entreprise en procédure collective, ce qui le dispensera de déclarer sa créance au passif de l’entreprise en procédure collective. La procédure de revendication est complexe et hasardeuse et peut aboutir à un échec, ce qui revient à envisager très sérieusement de déclarer sa créance dans tous les cas, et par la suite de retirer sa déclaration de créance, si la revendication a abouti.

Les motifs de rejets habituels de l’action en revendication sont :
- non respect du délai de trois mois de l’action en revendication ;
- absence du bien dans le patrimoine de l’entreprise en procédure collective ;
- le bien se trouve bien dans le patrimoine de l’entreprise, mais plus en nature, en ce sens qu’il a été incorporé.

Références

(1) Articles L624-9 à L624-18 du Code de commerce ; articles R624-13 à R624-16 du Code de commerce qui traitent de l’action en revendication*
(2) Article 516 du Code civil, définissant les deux catégories de biens, meubles et les immeubles
(3) Article 527 du Code civil, définissant les deux catégories de biens meubles
(4) Article 528 du Code Civil définissant les meubles par nature
(5) Article 529 du Code Civil définissant les meubles par détermination de la loi
(6) Cass. Com, du 29 février 2000, n° 97-14575, Inédit,  « Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que l'action en revendication prévue par les articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction issue de la loi du 10 juin 1994, n'est pas limitée aux meubles corporels et relève que le fonds de commerce existait en nature à la date de l'ouverture de la procédure ; qu'ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé »
(7) Article 551 du Code civil relatif à la théorie de l’incorporation d’un bien meuble à un immeuble
(8) Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 mars 2015, n° 13-23424, Publié au bulletin, « Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au revendiquant d'établir l'existence en nature des biens revendiqués dans le patrimoine du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, que la séparation des biens mobiliers incorporés dans un autre bien peut s'effectuer sans dommage, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés »
(9) Cass. com, 3 décembre 1996, n° 94-21227 et Cass. com, 8 mars 2017, n° 15-18614
(10) Article L622-6 du Code de commerce traitant de l’obligation de dresser un inventaire après l’ouverture d’une procédure collective
(11) Cass. com, 14 septembre 2022, n° 21-10759 et Cass. com, 8 mars 2023, n° 21-20881  
(12) Cass. com, 17 mai 2017, n° 15-27119