Les procédures collectives ayant pour objet la poursuite de l’activité de l’entreprise, soit la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire permettent le traitement curatif de l’entreprise, durant la période d’observation d’une durée de six mois renouvelable une fois, soit au total douze mois.

Ainsi, qu’il a été indiqué dans une note antérieure, le traitement curatif de l’entreprise en procédure collective a pour finalité, de geler la dette antérieure de l’entreprise en difficultés, de paralyser l’action des créanciers et enfin de permettre la résiliation rapide des contrats en cours qui ne seraient pas considérés comme indispensables, et ce, afin de permettre au chef d’entreprise de reprendre le contrôle de son entreprise, sans être gêné par le « passif antérieur qui l’encombre ». Cette situation transitoire de douze mois, censée donner un nouveau souffle à l’entreprise en difficultés doit laisser la place à une solution pérenne, qui permet de sortir du dispositif de la procédure collective, par l’adoption d’un plan.

Il est précisé que le Code de commerce utilise le terme de « débiteur » s’agissant d’une entreprise en procédure collective.

Cette note sera articulée, autour de la préparation et du contenu du plan, suivie de son adoption et de son exécution.

Il sera tout de suite précisé, que sauf quelques exceptions, le plan de redressement suit la même réglementation que le plan de sauvegarde, et ce, en application de l’article L631-19 du Code de commerce (1).

🔍 Consultez notre article pour en savoir plus sur les différences entre le plan de sauveguarde et le redressement judiciaire

Préparation et du contenu du plan de sauvegarde ou de redressement

Il sera examiné les différentes phases permettant la préparation du plan, jusqu’à son adoption par le Tribunal.

De l'élaboration du bilan économique, social et environnemental

Auteur du bilan économique et social

L'administrateur judiciaire, avec le concours du débiteur et l'assistance éventuelle d'un ou plusieurs experts, est chargé de dresser dans un rapport le bilan économique et social de l'entreprise (2).

Contenu du bilan

Le bilan économique et social précise l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise et constituera la base de travail, afin que le Tribunal puisse prendre sa décision, s’agissant de l’adoption ou pas du plan, en toute connaissance de cause.

💡Nota : en l’absence d’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire dresse un rapport « sensiblement identique » au bilan économique et social de l'entreprise, qui servira de base de travail au Tribunal dans le cadre de l’adoption du plan.

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De l'élaboration du projet de plan

Proposition de plan par le débiteur éventuellement assisté de l’administrateur judiciaire

Au vu du bilan économique, social et, le cas échéant, environnemental, le débiteur, avec le concours de l'administrateur, propose un plan. En l’absence d’administrateur judiciaire, le chef d’entreprise propose seul un plan (3).

Objectifs du plan

📌 Engagement de l’entreprise : le projet de plan mentionne les engagements d'effectuer des apports de trésorerie pris pour l'exécution du plan. Le chef d’entreprise va devoir préciser s’il s’engage à effectuer un apport de trésorerie à l’entreprise en difficultés (4).

📌 Perspectives de redressement : le projet de plan détermine les perspectives de redressement en fonction des possibilités et des modalités d'activités, de l'état du marché et des moyens de financement disponibles. Le chef d’entreprise va devoir expliquer en quoi le plan proposé a des chances sérieuses de succès, en fonction de l’évolution de l’activité, du chiffre d’affaires, du niveau de la concurrence. Il s’agit de la partie économique et commerciale du plan.

📌 Modalités de règlement du passif : ll définit les modalités de règlement du passif et les garanties éventuelles que le débiteur doit souscrire pour en assurer l'exécution. Le chef d’entreprise va devoir expliquer comment il compte régler le montant du passif correspondant aux créances déclarées et admises par le juge commissaire.

📌 Niveau et perspective des emplois : ce projet expose et justifie le niveau et les perspectives d'emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite d'activité. Lorsque le projet prévoit des licenciements pour motif économique, il rappelle les mesures déjà intervenues et définit les actions à entreprendre en vue de faciliter le reclassement et l'indemnisation des salariés dont l'emploi est menacé. Le chef d’entreprise va expliquer le sort réservé aux salariés de l’entreprise, si salarié il y a. Le plan doit prévoir des modalités spécifiques se rapportant aux salariés.

Modalités qui peuvent être contenues dans le plan (trois modalités sont possibles dans le cadre du plan et qui sont cumulables)

📌 Offres d’acquisitions éventuellement formulées : le projet de plan recense, annexe et analyse les offres d'acquisition portant sur une ou plusieurs activités, présentées par des tiers. La cession totale de l’entreprise n’est pas possible en procédure de sauvegarde, seule la cession partielle est possible. En redressement judiciaire, la cession totale de l’entreprise est possible, même contre l’accord du chef d’entreprise, ce qui constitue une première différence avec le plan de sauvegarde.

📌 Propositions d’arrêt ou d’adjonction d’activité : le projet de plan indique la ou les activités dont sont proposés l'arrêt ou l'adjonction. Le chef d’entreprise indique les activités qui sont arrêtées, comme n’étant pas rentables et celles qui vont débuter, comme devant permettre une évolution positive de l’activité.

📌 Propositions de règlement des dettes contenues dans le plan :

Les propositions pour le règlement des dettes peuvent porter sur (5) :

  • des délais de paiement (la créance des créanciers sera remboursée en intégralité sur plusieurs années et dans tous les cas sur la durée du plan ;
  • des remises de dettes (une remise de dettes consiste à demander aux créanciers d’abandonner tout ou partie de leurs créances) ;
  • des conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital (il est demandé aux créanciers de convertir leurs créances en parts sociales ou actions de l’entreprise en difficultés. Il est demandé aux créanciers d’abandonner leurs créances en devenant actionnaires ou associés de la société en difficultés).

💡Nota : Le Tribunal peut imposer aux créanciers des délais de paiements, mais pas des remises de dettes ou des conversions de titres en capital de l’entreprise en difficultés, où l’accord des créanciers est requis.

Consultation obligatoire des créanciers avant homologation du plan

Le mandataire interroge les créanciers qui ont déclaré leurs créances pour avis sur le projet de plan

Lorsque la proposition de plan porte sur des délais et remises, le mandataire judiciaire recueille, individuellement ou collectivement, l'accord de chaque créancier qui a déclaré sa créance. Il s’agit d’un avis demandé aux créanciers et non pas un accord.

Modes de consultation des créanciers par le Mandataire Judiciaire

Il existe deux modes de consultations, soit la consultation individuelle et la consultation collective des créanciers.

📌 Consultation individuelle

Formalisme de la proposition individuelle adressée aux créanciers (6) : envoi du projet de plan de sauvegarde par le mandataire judiciaire à chaque créancier qui a déclaré sa créance. Les propositions pour le règlement des dettes sont communiquées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par le mandataire judiciaire, à chaque créancier consulté ayant déclaré sa créance.

Défaut de réponse du créancier : en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire, vaut acceptation.

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Attention :

 Le créancier qui se voit notifier par lettre recommandée avec accusé de réception le projet plan a trente jours afin de répondre dans les mêmes formes, à défaut, son silence sera considéré comme une acceptation du plan et dès lors parfois, un abandon total ou partiel de sa créance.

📌 Consultation collective

En cas de consultation collective, elle comporte la convocation prévue à l'article R626-8 du Code de commerce.

Forme de la convocation en cas de consultation collective (7) : lorsque le mandataire judiciaire décide de recueillir collectivement l'accord des créanciers auxquels sont proposés des délais de paiement et des remises de dette, ceux-ci sont convoqués à une réunion tenue sous sa présidence, aux lieu, jour et heure fixés dans la lettre mentionnée à l'article R626-7 du Code de commerce. Un avis de convocation peut en outre être inséré dans un journal d'annonces légales du lieu du siège de la personne morale ou de l'adresse de l'entreprise ou de l'activité du débiteur personne physique.

Les créanciers peuvent se faire représenter par une personne munie d'un pouvoir spécial.

Le mandataire judiciaire fait aux créanciers un rapport sur l'état de la procédure ainsi que sur les conditions de la poursuite de l'activité du débiteur depuis son ouverture.

L'accord de chaque créancier présent ou représenté sur les propositions portant sur des délais et remises est recueilli par écrit.

Document à joindre pour la consultation individuelle et collective 

Sont joints à cette lettre ou à la convocation des créanciers :

  • un état de la situation active et passive avec ventilation du passif privilégié et du passif chirographaire ;
  • l'ensemble des propositions relatives au règlement des dettes et l'indication des garanties offertes ;
  • l'avis du mandataire judiciaire ainsi que des contrôleurs s'il en a été nommé.

Etat des réponses des créanciers suite à la proposition de plan (8) : le mandataire judiciaire dresse un état des réponses faites par les créanciers. Cet état est adressé au débiteur et à l'administrateur.

Adoption et exécution du plan de sauvegarde ou de redressement

Principe et condition d’adoption du plan de sauvegarde

Lorsqu'il existe une « possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée », le Tribunal arrête dans ce but un plan de sauvegarde qui met fin à la période d'observation. Lorsqu’il existe « une possibilité sérieuse de redressement », le Tribunal arrête le projet de plan de redressement (9).  

Du jugement arrêtant le plan et de l'exécution du plan

Jugement du Tribunal : après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur (s’il y en a un), le mandataire judiciaire, ainsi que les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (CSE), le Tribunal rend sa décision après avoir recueilli l'avis du ministère public. Le juge commissaire dresse également un rapport (10).

Le Tribunal peut rendre deux types de décisions :

  • soit, il refuse d’homologuer le plan et convertit la procédure en liquidation judiciaire. Si la procédure ouverte est une sauvegarde, le Tribunal pourrait éventuellement convertir la procédure en redressement judiciaire, afin d’envisager une cession totale de l’entreprise, ce qui est rare et encore convient-il que la période d’observation n’ait pas duré plus de douze mois ;
  • soit, il homologue le plan de sauvegarde ou de redressement.

Désignation des personnes chargées d’appliquer le plan et contenu des engagements (11) : Le jugement d’homologation du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire met un terme à la période d’observation et également à la mission de tous les organes de la procédure.

Un commissaire à l’exécution du plan est désigné qui est en général le mandataire judiciaire.

Durée du plan (12) : la durée du plan est fixée par le tribunal. Elle ne peut excéder dix ans.

Délais de paiement et remise de dettes accordés aux créanciers (13) : le Tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers. Ces délais et remises peuvent, le cas échéant, être réduits par le Tribunal.

Délais uniformes pour tous les créanciers : dans les autres cas, le Tribunal impose des délais uniformes de paiement.

Opposabilité du plan (14) : le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous.

Opposabilité du plan aux cautions et coobligés personnes physiques uniquement & uniquement pour la procédure de sauvegarde : à l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s'en prévaloir.

💡Nota : en cas de plan de redressement judiciaire, les cautions peuvent faire l’objet d’une action judiciaire de la part des créanciers.

Modalités d’exécution du plan

Paiement des dividendes : le premier paiement ne peut intervenir au-delà d'un délai d'un an à compter de l’homologation du plan. Les paiements de l’entreprise ayant obtenu un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire le sont, entre les mains du commissaire à l’exécution du plan, qui est chargé d’en assurer la distribution aux créanciers. L’entreprise qui a obtenu un plan verse tous les ans la somme prévue par le plan.

Plan linéaire ou progressif établi en pourcentage : le plan de sauvegarde d’une durée maximale de 10 ans est, soit linéaire, soit progressif. Le remboursement du plan est établi sur la base d’un pourcentage annuel du montant total du passif, soit par exemple sur un plan linéaire de dix ans, 10 % du montant du passif par an.

Modalités d’un plan progressif (15) : le montant de chacune des annuités prévues par le plan, à compter de la troisième année, ne peut être inférieur à 5 % de chacune des créances admises, et, à compter de la sixième année, à 10 %.
Le plan progressif peut être convenu à raison d’un remboursement du passif de 1 % par an durant deux ans, suivi de 5 % par an jusqu’à la cinquième année et 10 % pour la suite et le solde la dernière année.

Créances ne pouvant faire l’objet de délais ou remises (16) :

Ne peuvent faire l'objet de remises ou de délais et sont donc payées immédiatement :  

  • les créances salariales ;
  • les créances d’un montant faible : Dans la limite de 5 % du passif estimé, les créances les plus faibles prises dans l'ordre croissant de leur montant et sans que chacune puisse excéder un montant fixé par décret (300 Euros), sont remboursées sans remise ni délai.
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Conclusion :

Le plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire suit les mêmes dispositions, sa durée maximale est de dix ans. Le plan de redressement peut prévoir la cession totale de l’entreprise, alors que seule la cession partielle est autorisée en sauvegarde. Le plan de redressement peut prévoir le départ du chef d’entreprise, ce qui n’est pas possible en sauvegarde.

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Références :

(1) Articles L631-19 à L631-22 du Code de commerce, relatifs à la procédure de redressement judiciaire qui renvoie par l’essentiel à la procédure de sauvegarde 
(2) Articles L623-1 à L623-3 du Code de commerce, relatifs au bilan économique et social ; Article L627-3 du Code de commerce, relatif aux dispositions prises pour une procédure collective, sans la présence d’un administrateur judiciaire
(3) Article L626-2 du Code de commerce de l’élaboration du projet de plan
(4) Articles L626-1 à L626-34 du Code de commerce, relatifs au plan de sauvegarde
(5) Article L626-5 du Code de commerce traitant des modalités de règlement du passif
(6) Article R626-7 du Code de commerce traitant des modalités de consultation individuelle des créanciers s’agissant du projet de plan
(7) Article R626-8 du Code de commerce traitant des modalités de la consultation collective des créanciers s’agissant du projet de plan
(8) Article L626-7 du Code de commerce traitant des modalités s’agissant de la réponse des créanciers suite au projet de plan qui leur a été présenté
(9) Article L626-1 du Code de commerce traitant du principe et de l’adoption du plan
(10) Article L626-9 du Code de commerce traitant du jugement adoptant le plan et son exécution 
(11) Article L626-10 du Code de commerce traitant de la désignation des personnes chargées d’exécuter le plan 
(12) Article L626-12 du Code de commerce traitant de la durée du plan
(13) Article L626-18 du Code de commerce traitant des délais imposés aux créanciers 
(14) Article L626-11 du Code de commerce traitant de l’opposabilité du plan
(15) Article L626-18 du Code de commerce traitant des modalités d’un plan progressif
(16) Article L626-20 du Code de commerce traitant des créanciers hors plan