Absence de déclaration de créances : rappels sur le cadre juridique 

Les procédures de déclarations de créances sont communes aux trois procédures collectives, soit la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire, la procédure de liquidation judiciaire, et à ce titre, une note a déjà été rédigée, de manière à traiter de ces procédures de déclarations de créances.

Il est rappelé que le délai de déclaration de créances de droit commun est de deux mois, ce qui est court, ce qui explique qu’un certain nombre de créanciers peuvent omettre de déclarer leurs créances dans les délais.

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Il est précisé que le Code de Commerce utilise le terme de "débiteur" s’agissant d’une entreprise en procédure collective.

Les Articles L622-24 à L 622-27 du Code de Commerce et les Articles R622-21 à R 622-26 du Code de Commerce régissent l’ensemble des procédures de déclaration de créances dans sa globalité.

👉 La présente note a pour vocation à traiter des conséquences de l’absence de déclaration de créances, de l’action en relevé de forclusion permettant au créancier défaillant d’obtenir un nouveau délai de déclaration de créances et de la procédure de vérification des créances par le Mandataire Judiciaire.

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Sanction en l’absence de déclaration de créances 

Définition d’un créancier défaillant

Un créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans les délais légaux est considéré comme "un créancier défaillant". (1)

Conséquence de l’absence de déclaration de créances

A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24 (le délai de droit commun est de deux mois), les créanciers défaillants ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes.

📌 Concrètement, un créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans les délais ne pourra pas recevoir de paiements dans le cadre du futur plan de sauvegarde ou de redressement, de cession ou de la liquidation en cas de liquidation judiciaire.

Action en relevé de forclusion

Définition de l’action en relevé de forclusion 

L’action en relevé de forclusion est une action judiciaire engagée par le créancier défaillant tendant à être relevé de la forclusion, soit à être autorisé à déclarer sa créance suivant un nouveau délai que va lui donner le Juge.

⚠ L’action en relevé de forclusion n’est possible que pour les créanciers antérieurs. Les créanciers postérieurs, ne bénéficiant pas du privilège de paiement, ne disposent d’aucune procédure dite de relevé de forclusion.

📌 L’action en relevé de forclusion est engagée par le créancier défaillant devant Monsieur le Juge Commissaire qui est seul compétent en la matière.

Conditions de l’action en relevé de forclusion 

Le juge-commissaire ne relève les créanciers de la forclusion, que s'ils établissent que leur défaillance :

👉 n'est pas due à leur fait

Ce qui consiste pour le créancier à convaincre le Juge Commissaire que l’absence de déclaration de créances dans les délais ne relève "pas de leur faute". Ce concept est purement subjectif et dépend pour l’essentiel de la conception personnelle à chaque Juge Commissaire de la notion "n’est pas due à leur fait".

Un élément objectif tend tout de même à émerger, et tient en la taille de l’entreprise du créancier défaillant, soit l’entreprise est de petite taille, le créancier sera plus volontiers relevé de la forclusion, soit l’entreprise dispose d’une taille suffisante avec un service administratif et juridique, et le créancier sera relevé plus difficilement de la forclusion.

ou

👉 qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6.

Ce critère est purement objectif, en ce sens, que le créancier sera relevé ipso facto de la forclusion, s’il démontre que sa créance ne figurait pas sur la liste des créanciers, qui doit être établie par l’entreprise en procédure collective, dans les huit jours de l’ouverture de la procédure et remise au Mandataire Judiciaire, qui pourra dès lors adresser à chaque créancier, visé dans cette liste, un avis de déclaration de créances.

Le créancier n’ayant pas bénéficié d’un avis de déclaration de créances de la part du Mandataire Judiciaire, sa créance ne figurant pas sur la liste des créances établies par l’entreprise en procédure collective, sera relevé obligatoirement de la forclusion.

⚠ Les deux critères permettant au Juge Commissaire de relever un créancier de la forclusion sont alternatifs et non cumulatifs.

Délai de l’action en relevé de forclusion 

L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Le délai de six mois s’applique à tous les créanciers antérieurs défaillants, mais le point de départ est différent, selon qu’il s’agisse d’un créancier dit "privilégié" ou dit "chirographaire".

Points de départ... 

du délai de l’action en relevé de forclusion pour les créanciers antérieurs chirographaires 

Le délai de six mois court à compter de la publication du jugement d'ouverture au B.O.D.A.C.C.

de l’action en relevé de forclusion pour les créanciers antérieurs privilégiés 

Le délai de six mois court à compter de la réception de l'avis qui leur a été donné par le Mandataire Judiciaire en LRAR.

📌 Le point de départ du délai de l’action en relevé de forclusion est le même, que celui tendant à la déclaration de créance des créanciers.

Conséquence de l’aboutissement de l’action en relevé de forclusion

Les créanciers relevés de la forclusion doivent déclarer leur créance dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision du Juge Commissaire.

⚠ Un créancier défaillant et qui a été relevé de la forclusion par le Juge Commissaire ne voit pas sa créance admise par décision de justice, mais dispose d’un nouveau délai, afin de déclarer sa créance, qui est de un mois. Si le créancier ayant été relevé de la forclusion par le Juge Commissaire ne déclare pas sa créance dans le délai de un mois, il sera considéré définitivement comme un créancier défaillant.

Inopposabilité des créances non déclarées 

Inopposabilité au plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou procédure de liquidation judiciaire des créances non déclarées

Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, et ce, ainsi qu’en dispose l’article L 622-26 pour la procédure de sauvegarde et L 631-14 pour la procédure de redressement judiciaire. La situation est identique pour la procédure de liquidation judiciaire, ainsi qu’en dispose l’article L 641-3 du Code de Commerce. (2) 

Inopposabilité des créances non déclarées aux coobligés et cautions personnes physiques durant le plan de sauvegarde

Pendant l'exécution du plan de sauvegarde, les créances non déclarées sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

Créances non déclarées : impact sur les cautions en cas de liquidation judicaire

La caution ne peut, qu’elle soit personne physique ou morale, se prévaloir de l’inopposabilité de la créance pour défaut de déclaration de créances dans les délais, en sorte que le créancier défaillant en redressement ou liquidation judiciaire peut poursuivre la caution à titre personnel.

Toutefois en procédure de redressement judiciaire, les actions judiciaires sont suspendues contre la caution personne physique uniquement jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire, et ce, en vertu de l’article L622-28 du Code de Commerce.

⚠ La situation de la caution est nettement moins enviable en procédure de redressement ou liquidation judiciaire, qui ne peut se prévaloir de l’absence de déclaration de créances du créancier, afin de tenter d’échapper à des poursuites, alors, qu’en procédure de sauvegarde, la caution personne physique uniquement va échapper aux poursuites, si le créancier n’a pas déclaré sa créance.

Procédure de vérification et de contestation de créances engagée par le Mandataire Judiciaire 

La procédure de vérification des créances comporte cinq phases et est menée par le Mandataire Judiciaire avec pour point d’aboutissent une décision du Juge Commissaire (3)

Fixation de la période pour la vérification des créances par le Tribunal

Dans le délai fixé par le Tribunal, le Mandataire Judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au Juge-Commissaire.

Le Tribunal qui nomme le Mandataire Judiciaire par jugement, définit dans son jugement le délai qui est laissé au Mandataire Judiciaire afin de procéder aux vérifications de créances, et le délai habituel se situe entre douze et dix huit mois.

Attente de l’expiration des délais de déclaration de créances par le Mandataire judiciaire

Durant cette deuxième phase, le Mandataire Judiciaire va se contenter d’attendre que tous les créanciers aient déclaré, étant rappelé que les déclarations de créances émanent des créanciers et parfois de l’entreprise en procédure collective et dans tous les cas, elles sont adressées au Mandataire Judiciaire.

Le Mandataire Judiciaire attend en général quatre mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective avant d’engager les procédures de vérifications.

Observations éventuelles du débiteur sur une créance 

Les observations du débiteur sont faites dans un délai fixé de 30 jours à compter de l’envoi d’un courrier par le Mandataire Judiciaire et contenant toutes les créances déclarées. (4) 

📌 Le débiteur qui reçoit la liste des créances déclarées remise par le Mandataire Judiciaire a trente jours afin de formuler des observations, et faute d’observations dans le délai de 30 jours, il ne peut émettre aucune contestation ultérieure sur la proposition du mandataire judiciaire.

Avis de contestation de créance adressé par le Mandataire Judiciaire 

S'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance, le Mandataire Judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications, et ce, en lui adressant un avis de contestation de créance(5)

Si une créance est discutée, le Mandataire Judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (6)

Délai de forclusion faute de réponse la part du créancier 

Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du Mandataire Judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances.

Point de départ du délai de réponse de 30 jours du Créancier

Le délai de trente jours prévu à l'article L. 622-27 court à partir de la réception de la lettre.

Contenu de la lettre de contestation du Mandataire Judiciaire

Cette lettre portant avis de contestation de créances précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27, notamment sur le délai de trente jours permettant au créancier d’apporter ses observations.

⚠ Le créancier qui se voit notifier par lettre recommandée avec accusé de réception un avis de contestation de créances de la part du Mandataire Judiciaire a trente jours afin de répondre au Mandataire Judiciaire, également en lettre recommandée avec accusé de réception, à défaut de quoi, il lui sera interdit de s’opposer à la contestation de créances devant le Juge Commissaire.

Décision du Juge Commissaire 

Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le Juge-Commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. (7)

Les décisions d'admission ou de rejet des créances ou d'incompétence prononcées par le Juge-Commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du Tribunal. (8) 

📌 L’état des créances déposé au Greffe constitue le montant du passif à intégrer au plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou dans la liquidation Judiciaire.

⚠ Le Juge Commissaire doit admettre par Ordonnance toutes les créances déclarées, même celles qui n’ont fait l’objet d’aucune contestation de créance de la part du Mandataire Judiciaire.

 

💡 La conclusion de cette note est simple, en ce qu’un créancier, dont le débiteur a fait l’objet d’une procédure collective et qui n’aurait pas déclaré sa créance dans les délais et qui n’aurait pas été relevé de la forclusion, ne pourra pas prétendre à des distributions dans le cadre de la procédure collective, quelle que soit la procédure collective, encore convient-il que distribution il y ait... 

Références :

(1) Article L622-26 du Code de Commerce

(2) Article L631-14 du Code de Commerce, qui renvoie à l’article L 622-26 du Code de Commerce qui ne s’applique pas au Redressement et Liquidation Judiciaire et traitant de la situation d’une créance non déclarée au regard de la caution en cas de procédure de redressement ou liquidation judiciaire  

(3) Article L624-1 du Code de Commerce traitant de la procédure de vérification et de contestation des créances engagées par le Mandataire Judiciaire

(4) Article R624-1 du Code de Commerce traitant du délai de 30 jours permettant au débiteur de formuler des observations sur les créances déclarées

(5) Article L622-27 du Code de Commerce traitant de l’avis de contestation de créance du Mandataire Judiciaire

(6) Article R624-1 du Code de Commerce traitant de la procédure de l’avis de contestation de créance du Mandataire Judiciaire

(7) Article L624-2 du Code de Commerce traitant de la décision d’admission ou de rejet de la créance par le Juge Commissaire

(8) Article L624-3-1 du Code de Commerce traitant de l’état des créances déposé au Greffe du Tribunal et constituant le passif de l’entreprise en procédure collective