Le changement dans la situation juridique de l’employeur, ou transfert d’entreprise, est une opération par laquelle une activité économique se voit confiée à un nouvel exploitant. 

Ce transfert déploie, vers un second employeur, ses effets tant sur les contrats de travail que sur les relations collectives de travail ou les prérogatives de chacun des employeurs successifs.

Le transfert d’entreprise concerne tous les travailleurs et tous les changements de situation juridique dans la situation de l’entreprise

Le maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise provient d’une règle ancienne, née de la loi du 19 juillet 1928. Elles sont aujourd’hui inscrites à l’article L. 1224-1 du Code du travail et ont été complétées par la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements.

La jurisprudence a souvent fluctué dans l’interprétation de ces textes, mais elle retient que ce texte a pour finalité la sauvegarde de l’emploi et non la continuité de l’entreprise. Les règles afférentes au transfert d’entreprise sont d’ordre public afin de permettre le maintien impératif des contrats de travail.

Cependant, le transfert d’entreprise est souvent source d’inégalités entre les salariés dont le contrat de travail est transféré et ceux de l’entreprise d’accueil.

En effet, l’article L. 1224-1 du Code du travail impose au nouvel employeur de maintenir les contrats de travail des salariés transférés dans les mêmes conditions. De cette façon, les salariés transférés peuvent être amenés à jouir de droits et d’avantages dont ne bénéficient pas leurs collègues de l’entreprise d’accueil.

C’est à cet égard que la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu trois arrêts le 23 juin 2021 (Cass. soc., 23 juin 2021 n° 19-21.772, n°18-24.809, n°18-24.810).

La Chambre a dû répondre à deux questions :

  • La différence de de traitement établie par un engagement unilatéral de l’employeur à la suite d’un transfert peut-elle reposer sur une raison objective ?
  • L’application volontaire de l’article L. 1224-1 peut-elle justifier une différence de traitement ?

 

L’inégalité de traitement liée à un transfert d’entreprise peut être licite

Dans l’affaire n° 19-21.772, le nouvel employeur s’est engagé unilatéralement à verser la même prime d’assiduité déjà perçue par les salariés transférés, aux salariés de l’entreprise d’accueil qui travaillaient tous sur le site d’Aubagne.

Or, les salariés de l’entreprise d’accueil présents sur le site de Narbonne ont contesté cet engagement unilatéral de l’employeur et revendiquaient l’octroi de la prime d’assiduité par des salariés de la même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, sous peine de créer une différence de rémunération injustifiée.

La Cour d’appel a rejeté leur demande, elle a considéré que la volonté de l’employeur de réduire les disparités entre les salariés exerçant un même travail sur un même site constituait une raison objective justifiant la différence de traitement avec les salariés des autres sites.

La Cour de cassation rejoint le raisonnement de la Cour d’appel et a rejeté le pourvoi.

Elle énonce un attendu de principe : la différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés de la même entreprise et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objective, dont le juge contrôle la réalité et la pertinence.

 

Le transfert d’entreprise volontaire peut justifier une différence de traitement

Dans les deux autres affaires, des salariés de la même entreprise revendiquaient l’octroi d’une prime de 13e mois, versée seulement aux salariés dont le contrat de travail avait été repris. Ils arguaient leur défense d’une inégalité de traitement injustifiée.

La Cour d’appel a constaté un transfert volontaire des contrats de travail (non obligatoire) par le repreneur, ce qui ne permettait pas de justifier l’inégalité de traitement.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et pose un principe : l’obligation à laquelle est tenue l’employeur repreneur, en cas de reprise de contrats de travail par application volontaire de l’article L. 1224-1 du Code du travail, est celle de maintenir au bénéfice du salarié, les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur.

Si cette obligation est respectée, l’employeur justifie la différence de rémunération qui en résulte par rapport aux autres salariés. De ce fait, il ne viole pas le principe de l’égalité de traitement et ne doit apporter aucun justificatif à cette différence de traitement.

 

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