Face à un vol dans l'entreprise, l'employeur ne peut sanctionner un salarié que s'il a la preuve formelle que le salarié est l'auteur du vol.
En matière prud'homale et sociale la preuve est libre, à charge pour le juge d'en apprécier la portée (1).
Toutefois, comme toute liberté, cette preuve a une limite, celle de l'exigence de loyauté. Par conséquent, la preuve doit être recueillie de manière licite.
Afin que la preuve recueillie par vidéosurveillance soit recevable, l'employeur doit :
-
déclarer la mise en place du dispositif de surveillance auprès de la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) ;
-
renoncer à apporter aux droits et libertés une restriction non justifiée par la nature de la tâche à accomplir et disproportionnée au but recherché (2). Ainsi, le dispositif de vidéosurveillance ne doit pas conduire à placer les employés sous surveillance constante et permanente. L'employeur doit définir un objectif qui doit être légal et légitime ;
-
informer par tout moyen de manière claire, pertinente et individuellement les salariés présents et futurs (3) ;
-
consulte le comité social et économique (CSE) (4).
À défaut, ce mode de preuve est illicite (5).
En principe, le juge civil n'admettait pas la preuve obtenue de façon illicite (=méconnaissance des règles de droit ou libertés fondamentales) ou déloyale (absence de loyauté envers l'autre partie).
Exemples :
-
les juges ont pu considérer que si les salariés ne sont pas informés d'une surveillance dans les locaux par des caméras, l'employeur ne pourra pas rapporter la preuve du vol grâce à ce dispositif (6) ;
-
de même, l'employeur ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d'un système de vidéosurveillance installé sur le site d'une société cliente permettant le contrôle de leur activité dès lors que les intéressés n'ont pas été préalablement informés de son existence (7). Par conséquent, l'employeur doit, même chez une société cliente, respecter la procédure de mise en place du système de vidéosurveillance afin de pouvoir utiliser ce dispositif comme mode de preuve licite.
Cependant, le juge civil a fait évoluer sa position. La Cour de cassation a admis qu'une preuve obtenue de manière déloyale, par l'employeur ou le salarié, peut être recevable devant le juge civil (notamment le conseil de prud'hommes) dès lors que le juge estime que sa production (8) :
-
est indispensable à l'exercice des droits du justiciable (principe d'indispensabilité) ;
-
ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie adverse (tels que le droit à la vie privée, à l'égalité des armes pour un procès équitable, etc.) (principe de proportionnalité).
Si ces conditions sont réunies, la preuve pourra être apportée au débat devant le juge.
Exemple sur la vidéosurveillance :
Dans une affaire récente, un employeur avait utilisé des images de vidéosurveillance pour prouver le vol d'une salariée, dont l'utilisation (9) :
- n'avait pas fait l'objet d'une information au salarié ;
- ni d'une consultation du CSE.
Plus précisément, en raison d'écarts inexpliqués lors des inventaires des stocks de l'entreprise, l'employeur avait décidé de suivre les produits vendus lors de leur passage en caisse et de croiser les séquences vidéo sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journaux informatiques de vente. Le recoupement des opérations enregistrées à la caisse de la salariée (vidéo/journal informatique) avait ainsi révélé au total 19 anomalies graves en moins de 2 semaines. Autrement dit, la vidéosurveillance permettait de prouver les vols commis par la salariée.
Selon le juge, bien qu'illicite, le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps (une dizaine de jours), dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses, et avait été réalisé par la seule dirigeante de l'entreprise (l'employeur).
Selon le juge, la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était bien :
- indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur ;
- et proportionnée au but poursuivi, à savoir le bon fonctionnement de l'entreprise et le but légitime de protection de ses biens.
Le juge civil s'aligne sur la position de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Cette dernière avait jugé qu'un employeur ayant des soupçons raisonnables (écarts importants entre le chiffre d'affaires réalisé et le niveau de stocks initial) que des irrégularités graves (vol) avaient pu être commises par des employés dans l'entreprise, pouvait valablement mettre en place une vidéosurveillance secrète (donc sans en informer les intéressées), sans commettre de violation des articles 6 (admission comme preuve des enregistrements) et 8 (droit au respect de la vie privée) de la CEDH (10) .
Bon à savoir : notons qu'en matière pénale, la preuve acquise même déloyalement par les parties est admise. Ainsi, l'employeur peut utiliser ce procédé pourtant jugé irrecevable devant les juridictions civiles pour prouver un vol, par exemple, devant les juridictions pénales (11).
Bonjour juste pour aborder le harcèlement moral et syndical .Merci Cordialement