Est-ce que l'employeur a le droit de faire des tests salivaires pour détecter la consommation de drogue ?
L'obligation de santé et de sécurité de l'employeur
Tout employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité ainsi que la protection de la santé physique et mentale des travailleurs (1).
À ce titre, l'employeur doit être en mesure de prévenir les risques liés à la consommation de drogues par certains salariés.
Le pouvoir disciplinaire de l'employeur
Pour cette raison, l'employeur est autorisé à avoir recours aux tests salivaires pour détecter la consommation éventuelle de stupéfiants (2).
Si les résultats s'avèrent positifs, il peut se fonder sur ces tests pour sanctionner les salariés fautifs.
Dans quelles conditions le dépistage à la drogue doit-il être pratiqué au travail ?
Le cadre juridique du test salivaire
Le test salivaire ne peut pas être réalisé sans aucune limite. Il existe un cadre juridique précis afin d'encadrer les conditions dans lesquelles ces tests salivaires peuvent être pratiqués et afin d'offrir des garanties au(x) salarié(s) concerné(s) (proportionnalité, respect de la vie privée, etc.).
Le dépistage de drogues par test salivaire doit être réservé aux salariés qui occupent des postes dits "hypersensibles drogue et alcool", c'est-à-dire ceux pour lesquels la consommation de stupéfiants fait courir un danger grave pour eux-mêmes ainsi qu'à leurs collègues. Autrement dit, il n'est pas possible d'effectuer un test salivaire sur tous les salariés, sans identifier si leur poste est à risque au préalable (conduite de machines dangereuses ou de véhicules, travail en hauteur, utilisation d'outils, etc.).
Par ailleurs, cela nécessite que vous identifiez, en collaboration avec la médecine du travail et le comité social et économique (CSE), les postes pouvant être concernés.
Identifier la consommation de stupéfiant chez le salarié
Avant d'effectuer tout type de test de dépistage, assurez-vous que le salarié présente, dans son comportement ou son apparence, des éléments laissant présumer qu'il a effectivement consommé des produits stupéfiants. Par exemple :
- lorsqu'il a une haleine ou une odeur prononcée de stupéfiants ;
- lorsqu'il a des pupilles dilatées ;
- lorsqu'il a un état délirant ;
- lorsqu'il fait face à une crise d'angoisse ou à une agressivité anormale.
Les suspicions peuvent aussi provenir de signalements d'autres collaborateurs.
Établir la procédure au sein du règlement intérieur
En outre, pour être valable, la pratique des tests salivaires doit être prévue dans le règlement intérieur de l'entreprise (3).
Celui-ci doit être particulièrement exhaustif pour que le test puisse être réalisé dans les meilleures conditions et soit une preuve utilisable (qui réalise le test ? comment le salarié est informé de sa possibilité de refuser ? quels tiers doivent être présents ? etc.).
Dans le cas où votre entreprise n'est pas soumise à l'obligation de mettre en place un règlement intérieur, cette pratique doit être prévue par une note de service.
Dans le cas contraire, le recours au test salivaire ne serait pas considéré comme encadré.
Le salarié peut-il refuser la réalisation d'un test salivaire au travail ?
L'accord du salarié requis pour le test salivaire
Les tests ne peuvent être pratiqués qu'à la condition que les salariés concernés aient donné leur accord.
Effectivement, le salarié doit pouvoir exprimer son refus s'il ne souhaite pas se soumettre à un test salivaire.
Une sanction disciplinaire possible en cas de refus du test salivaire
En revanche, la personne en charge du contrôle doit tout de même préciser aux salariés, qu'en cas de refus, ils s'exposent à une sanction disciplinaire qui peut aller jusqu'au licenciement pour faute.
Par ailleurs, nul besoin qu'un ou plusieurs avertissements avant le licenciement n'aient été prononcés à leur encontre, pour en arriver à une telle décision.
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La possibilité pour le salarié de demander une contre-expertise médicale en cas de test salivaire positif
Enfin, ces tests de drogue au travail doivent laisser la possibilité aux salariés contrôlés de les contester. En effet, les tests salivaires de détection de substances stupéfiantes présentent des risques d'erreur que l'employeur doit garder en tête.
C'est pourquoi, en cas de résultats positifs, les salariés doivent avoir la possibilité de demander qu'une contre-expertise médicale soit réalisée dans les plus brefs délais. Cette contre-expertise est à la charge de l'employeur.
Qui peut réaliser un test salivaire de dépistage de stupéfiants ?
Le supérieur hiérarchique compétent pour effectuer un test salivaire
Les tests par dépistage salivaire en entreprise doivent être pratiqués par un supérieur hiérarchique qui a reçu une information appropriée sur la manière d'administrer les tests concernés et d'en lire les résultats.
En effet, les tests salivaires ne revêtent pas le caractère d'un examen de biologie médicale (4) et ne font donc pas partie des actes qui doivent être réalisés par un biologiste médical ou sous sa responsabilité (5) (contrairement aux tests urinaires de dépistage anti-drogue).
L'intervention du médecin du travail non requise
En outre, la mise en oeuvre des tests salivaires, n'ayant pas pour objet d'apprécier l'aptitude médicale des salariés à exercer leur emploi, ne requiert pas l'intervention d'un médecin du travail.
De surcroît, aucune règle, ni principe, ne réservent la mise en place du recueil d'un échantillon de salive à une profession médicale. Néanmoins, bien que les résultats des tests ne soient pas couverts par le secret médical, l'employeur et le supérieur hiérarchique désignés pour les mettre en oeuvre sont tenus au secret professionnel sur ses résultats. L'idée n'est pas de stigmatiser le salarié en cas de test positif.
💡 Bon à savoir : outre la consommation de stupéfiants, il peut également vous arriver d'être confronté à la présence d'alcool au travail. Au regard de l'obligation qui vous incombe, d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de vos salariés, vous devez nécessairement réglementer cette consommation dans vos locaux, afin d'éviter d'en arriver à un licenciement pour consommation d'alcool au travail.
Comment réagir si un salarié arrive au bureau sous l'emprise de stupéfiants (cocaïne, cannabis, etc.) ?
📃 Voici une ébauche de procédure, que vous pouvez mettre en place, si un de vos salariés arrive au travail, sous l'emprise de stupéfiants :
-
identifier les signes de consommation de stupéfiants sur votre salarié, sans faire de conclusion trop hâtive ;
-
écarter le salarié de son poste afin d’éviter tout risque pour lui ou pour les autres personnes ;
-
garder le salarié dans l'entreprise, à l'écart, jusqu'à ce que le salarié retrouve un état normal, ou bien contacter un médecin. Il est aussi possible d'accompagner le salarié à son domicile, ou le faire accompagner, si son état semble le permettre, ou l'accompagner à l'hôpital le cas échéant ;
-
contacter la gendarmerie ou les secours, en cas de danger pour le salarié ou pour les autres personnes et selon la situation ;
-
si le poste est considéré comme un poste pour lequel l'emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié ou pour les tiers, et si les conditions pour réaliser des tests salivaires sont remplies : effectuer un test salivaire pour prouver la consommation du salarié et engager une sanction disciplinaire par la suite ;
-
sanctionner le salarié s'il a commis un manquement à son obligation contractuelle.
💡 Dans tous les cas, il est indispensable de mettre en oeuvre des actions de prévention de la consommation de drogue dans l'entreprise.
Il est également recommandé d'insérer, dans le règlement intérieur de l'entreprise, des mentions sur l'interdiction de la consommation de drogues au travail, avec les sanctions encourues, mais également insérer une procédure type à respecter, dans le cas où un salarié viendrait au travail sous l'emprise de stupéfiants.
Peut-on sanctionner un salarié pour une consommation de drogue en dehors du temps de travail ?
Consommation de stupéfiants ayant des conséquences sur l'activité du salarié
Si la consommation de drogue a des conséquences sur le travail du salarié, celui-ci peut être sanctionné, voire licencié.
Il doit alors s'agir d'un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.
📌 Exemples : absences répétées, violence, erreurs, comportement agressif ou dangereux ayant des incidences sur l'activité, sur les autres salariés, sur les clients...
Consommation de stupéfiants sans conséquences sur l'activité du salarié
En revanche, des faits tirés de la vie privée, sans incidence sur le contrat de travail du salarié, et sans faute commise dans le cadre du contrat de travail, ne justifie pas un licenciement.
Jurisprudence sur la drogue en dehors du temps de travail : vie personnelle ou intimité de la vie privée ?
⚖ Voyons une affaire en date du 25 septembre 2024 étudiée par la Cour de cassation (6).
Les faits : la possession de drogue par un salarié de la RATP en dehors du temps de travail
Dans cette affaire, un salarié de la RATP (machiniste receveur), a fait l'objet d'un contrôle d'identité, après sa journée de travail, alors qu'il se trouvait sur la voie publique, à bord de son véhicule, en possession d'un sac contenant de l'herbe de cannabis.
L'autorité de police judiciaire a alors émis un signalement à la RATP, faisant état d'un contrôle de police au cours duquel les forces de l'ordre ont notamment constaté la détention et la consommation de produits stupéfiants par le salarié, outre son comportement particulièrement irrespectueux. Elle a en effet informé la RATP, "en raison des risques générés pour la sécurité des voyageurs".
La RATP (l'employeur du salarié) a prononcé un licenciement disciplinaire, fondé sur la détention et la consommation de produits stupéfiants par le salarié en dehors de son temps de travail.
La procédure pénale a finalement été classée sans suite, car l'infraction n'était pas suffisamment caractérisée.
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Une faute non caractérisée
Le salarié a alors porté l'affaire en justice. Ainsi, il a été jugé que la faute du salarié n'était pas caractérisée : le contrat de travail invoqué par l'employeur interdit la prise de stupéfiants avant ou pendant le service, mais il ne l'interdit pas après le service. De plus, la prise de stupéfiant n'a pas été caractérisée, les tests se sont révélés négatifs (l'infraction a été classée sans suite).
La Cour d'appel a considéré tout d'abord que le licenciement était nul en raison de l'atteinte portée à une liberté fondamentale (atteinte à la vie privée du salarié) et a ordonné la réintégration du salarié au sein de la RATP.
La décision de la Cour de cassation
Cependant, la Cour de cassation, quant à elle, considère que le motif de la sanction était tiré de la vie personnelle du salarié, sans relever de l'intimité de sa vie privée. De sorte, le licenciement est considéré comme sans cause réelle et sérieuse (injustifié), mais il n'est pas atteint de nullité (il n'y a pas de violation d'une liberté fondamentale).
Le licenciement disciplinaire étant fondé sur un motif tiré de la vie personnelle du salarié, sans toutefois relever de l'intimité de sa vie privée, et ne constituant pas un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cass. Soc. 25 septembre 2024, n°22-20672
💡 Ainsi, un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne justifie pas un licenciement, s'il n'y a pas eu de manquement du salarié à ses obligations contractuelles ni aucune incidence sur l'activité. Dans ce cas, un licenciement prononcé pour ce motif serait considéré comme sans cause réelle et sérieuse (indemnités encadrées par le barème Macron), mais pas comme un licenciement nul (indemnités au moins égales à 6 mois de salaire).
Drogue au travail : prévenir le risque grâce au document uniquement d'évaluation des risques professionnels (DUERP)
Le risque d'addiction présent au travail
Tous les secteurs d'activité et tous les postes peuvent être concernés par les risques d'addiction (tabac, drogues, alcool, etc.), même si certains d'entres eux sont plus propices que d'autres en raison des conditions de travail du salarié (surcharge de travail, stress récurrent, public difficile, gestion de dossiers complexes, etc.).
Effectivement, le travail peut être à l'origine de conduites addictives. L'employeur a alors un rôle à jouer, en amont de la procédure disciplinaire.
Inclure l'addiction au sein du DUERP
L'addiction peut mettre en danger le salarié concerné, mais aussi ses collègues et tous les tiers amenés à évoluer autour de lui (patients, clients, usagers, etc.). Elle peut être la source d'accident de la route, de violence, de chute dans le cas de travail en hauteur, de cancers, ou encore favoriser l'apparition d'autres risques psychosociaux (isolement, dépression, etc.).
Sans stigmatiser les salariés concernés, l'employeur doit agir en amont et prévenir tout risque d'addiction au sein de son entreprise. Pour ce faire, il peut intégrer le risque relatif à l'addiction au sein du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) (7).
Il va s'agir :
-
d'identifier et d'agir à la source du problème : réduire la charge de travail, éviter l'isolement, améliorer les conditions de travail, mettre en place des ateliers de gestion du stress, de gestion de clients difficiles, etc. ;
-
d'évaluer la réalisation des risques identifiés ;
-
d'organiser des actions de formation et de sensibilisation à l'ensemble des salariés ;
-
d'inclure différents acteurs compétents en la matière, comme le service de prévention et de santé au travail par exemple ;
-
de guider les salariés concernés vers les ressources et les acteurs utiles pour les aider ;
- etc.
🔍 À lire aussi : DUERP : exemples de risques à évaluer dans le document unique d'évaluation des risques
Références :
(1) Article L4121-1 du Code du travail
(2) CE, 5 décembre 2016, n°394178
(3) Articles L1321-1 et L1321-3 du Code du travail
(4) Article L6211-1 du Code de la santé publique
(5) Article L6211-7 du Code de la santé publique
(6) Cass. Soc. 25 septembre 2024, n°22-20672
(7) Article L4121-3 et R4121-1 du Code du travail







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