Est-ce que l'état d'ébriété du salarié au travail est un motif de licenciement ?

Bref rappel sur la possible consommation modérée d'alcool et l'état d'ébriété sur le lieu de travail

Principe : la consommation d'alcool sur le lieu de travail est interdite.

Exception : le Code du travail prévoit certaines tolérances, notamment lors des repas festifs en entreprise.

Une consommation modérée d'alcool est donc autorisée au salarié lors des moments de réjouissance organisés par l'entreprise. L'employeur doit faire attention à ne pas mettre à disposition des salariés de l'alcool dit "fort".

Le salarié ne doit également pas entrer dans l'entreprise avec de l'alcool ou en consommer de façon excessive avant sa prise de poste. L'état d'ébriété étant incompatible avec la bonne exécution d'un contrat de travail. 

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Pour rappel, l'état d'ébriété correspond "à un état intellectuel et physique altéré, un trouble de l'humeur ou une incoordination des mouvements, généralement dû à une ingestion excessive d'alcool".

Mais pour assurer la santé physique et mentale de ses salariés, vous pouvez limiter ou interdire totalement cette consommation. Le salarié qui ne respecterait pas ces restrictions s'expose alors à des sanctions.

Quelle peut être la sanction préalable au licenciement pour ébriété ?

En tant qu'employeur, vous avez l'interdiction de laisser entrer ou séjourner des personnes en état d'ivresse dans les lieux de travail (1). Ainsi, lorsqu'un salarié se présente ivre sur son lieu de travail, vous avez la possibilité de le sanctionner, voire, de prononcer à son encontre un licenciement.

Vous avez l'interdiction de laisser entrer ou séjourner des personnes en état d'ivresse dans les lieux de travail

Article R4228-21 du Code du travail

Vous devez sanctionner votre salarié fautif proportionnellement à la gravité de la faute commise. Vous pouvez par exemple émettre un avertissement, un blâme.

Pour cela, vous pouvez tenir compte :

  • des fonctions exercées par le salarié : on doit se demander si l'état d'ébriété constitue un danger pour le salarié ou autrui dans le cadre de l'exercice de ses fonctions (conduite d'un véhicule…) ;
  • des éventuelles sanctions antérieures du salarié pour des faits similaires ;
  • de son comportement à l'égard de ses collègues, des clients (faits de violence, menaces…) ;
  • du trouble occasionné et de l'atteinte portée à l'entreprise (arrêt de l'activité, atteinte à l'image ou à la réputation de l'entreprise…).

Si vous n'avez pas d'alternative au licenciement pour ébriété, est-ce un licenciement pour faute grave ou faute lourde ?

En fonction des circonstances, l'état d'ébriété peut justifier un licenciement pour faute grave. L'état d'ébriété ne sera normalement pas qualifié de faute lourde, cette dernière reflétant une intention de nuire à l'employeur ou l'entreprise.

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Quelques exemples ayant justifié un licenciement pour faute grave :

  • le fait pour un chauffeur-livreur de conduire le véhicule de son employeur avec un taux d’alcool constitutif d'une infraction pénale est une faute grave (2) ;
  • le fait pour une salariée qui sentait l'alcool et avait des difficultés à conserver son équilibre, d'avoir sur son lieu de travail, au vu de tous, alors qu'elle était chargée de l'accueil et du standard, refusé avec grossièreté d'assurer ses tâches et d'avoir eu dans le bureau de sa supérieure hiérarchique une attitude grossière et insultante tant vis-à-vis de celle-ci que du directeur d'exploitation (3) ;
  • le fait pour un salarié d'abuser de l'alcool au cours d'une réunion professionnelle, entraînant un comportement agressif et qui avait déjà été sanctionné pour intempérance sur le lieu de travail (4).

Pensez à conserver les preuves de l'état d'ébriété du salarié (témoignages d'autres salariés ou de clients, contrôle éthylotest…) afin de pouvoir justifier la sanction prise. L'état d'ébriété au travail peut justifier un licenciement.

🔍 Cet article peut vous intéresser : Quelles sont les obligations du salarié au travail ? 

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Comment réagir lorsqu'un salarié alcoolisé se présente sur le lieu de travail ? Mes obligations

En tant qu'employeur, vous devez prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de vos collaborateurs (5)

Ainsi, lorsque l'un de vos salariés en état d'ivresse se présente sur son lieu de travail, plusieurs mesures peuvent être prises :

  • vous devez avant toute chose isoler le salarié en état d'ébriété afin de le mettre en sécurité, mais également pour assurer la sécurité de ses collègues ;
  • prendre ensuite les dispositions nécessaires pour renvoyer le salarié chez lui (le faire raccompagner ou joindre la personne de confiance à contacter pour qu'elle vienne le récupérer…) ;
  • conserver les preuves de l'état d'ivresse ;
  • enfin, prendre une mise à pied conservatoire à son encontre afin d'écarter le salarié de l'entreprise et choisir la sanction adéquate.

🔍Cet article peut vous intéresser : Les différences entre la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire

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Comment lutter et faire constater l'alcoolisme au travail ?

Pour lutter contre l'alcoolisme et éviter qu'un salarié arrive au travail en état d'ivresse ou ne consomme de l'alcool au travail, plusieurs mesures de prévention peuvent être mises en place.

Interdire totalement l'alcool en entreprise dans le règlement intérieur

Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail (6). Cette restriction n'empêche en rien la consommation d'alcool en dehors du temps de travail, c'est-à-dire, dans le cadre de la vie privée.

Cela implique également que l'état d'ébriété du salarié peut survenir après avoir consommé de l'alcool sur le lieu de travail puisque le Code du travail ne fixe pas de limite de consommation.

⚠ Un salarié peut donc très bien abuser de vin ou de bière, au point d'en être ivre.

À cette fin, vous avez la possibilité de restreindre la possibilité qu’ont vos salariés d’introduire et consommer de l’alcool au sein de votre entreprise, voire l’interdire complètement, mais sous certaines conditions.

En effet, certaines fonctions ne sont pas compatibles avec une consommation d’alcool. Une consommation même minime pourrait s’avérer néfaste, voire dangereuse. Ainsi, lorsque la consommation de ces boissons alcoolisées est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, vous pouvez prévoir des mesures permettant de les protéger et de prévenir tout risque d'accident. Vous pouvez l'inscrire dans le règlement intérieur ou, à défaut, prendre une note de service. Il peut s'agir de limiter, voire procéder à l'interdiction de l'alcool au travail.

L'interdiction de consommer de l'alcool doit donc être justifié par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.

Exemples de métiers à risques :

  • chauffeurs ;
  • ouvriers dans le bâtiment ;
  • médecins ;
  • etc.
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Avoir recours aux contrôles éthylotest

Vous pouvez, de plus, prévoir une clause dans le règlement intérieur de l'entreprise qui autorise le recours à l'éthylotest.

Le recours à l'éthylotest est limité aux salariés suivants :

  • ceux qui manipulent des machines ou des produits dangereux ;
  • ceux qui conduisent des engins ou véhicules ;
  • ceux dont vous soupçonnez l'état d'ébriété : l'objectif est alors de faire cesser ou d'exclure toute situation dangereuse.

Cette clause n'est valable à la double condition que (7) :

  • les modalités de ce contrôle en permettent la contestation ;
  • qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d'ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, de sorte qu'il peut constituer une faute grave.

Important : le contrôle de l'alcoolémie doit être justifié par des raisons de sécurité.

🔍 À lire : Les tests salivaires en entreprise pour dépistage de drogues sont-ils autorisés ?

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Se tourner vers des professionnels de santé

En tant qu'employeur, vous pouvez solliciter la médecine du travail qui pourra notamment :

  • apprécier l'aptitude du salarié à occuper son poste ;
  • faire pratiquer des examens complémentaires ;
  • orienter le salarié souffrant d'alcoolisme vers une association d'aide aux alcooliques.

Comment licencier un salarié alcoolique ou en état d'ébriété au travail ?

Si vous décidez de licencier votre salarié pour consommation excessive d'alcool, il vous faudra suivre une procédure. Attention au respect des délais et à la qualification de la faute. Une procédure de licenciement adéquate doit suivre les étapes suivantes :

  • la convocation à un entretien préalable au licenciement ;
  • la tenue de l'entretien préalable au licenciement ;
  • la notification du licenciement. Attention à la rédaction de la lettre de licenciement. Le motif d'ivresse ou d'ébriété doit pouvoir être clairement identifié comme incompatible avec l'activité professionnelle. En effet, il a été considéré qu'un salarié ne peut pas être licencié pour "alcoolémie au-dessus de la normale" (8).

Les droits du salarié dans le cadre d'un licenciement pour consommation d'alcool au travail

Le salarié licencié en raison d'un état d'ébriété est en droit de :

  • contester ce licenciement soit sur le motif invoqué, soit parce que la procédure est irrégulière. Le salarié doit pouvoir contester les résultats des tests effectués pour prouver l'état d'alcoolémie ;
  • refuser de se soumettre à un contrôle en dehors de ses heures de travail (9). La consommation d'alcool et même l'état d'ébriété en dehors des heures de travail ne peut être un motif de sanction disciplinaire.

Bon à savoir : le délai de contestation du licenciement commence à courir à compter de la date de réception du courrier prononçant le licenciement (10)

 

Références :
(1) Article
R4228-21 du Code du travail
(2) Cass. Soc, 6 mars 1986, n° 83-41789
(3) Cass. Soc, 10 novembre 2010, n° 08-44661
(4) Cass. Soc, 6 octobre 1998, n° 96-42290
(5) Article L4121-1 du Code du travail
(6) Article R4228-20 du Code du travail
(7) Cass. Soc, 24 février 2004, n° 01-47000
(8) Cass. Soc, 8 mars 2023, n° 21-25.678
(9) CA Versailles, 17 e ch., 29 sept. 2005, n° 04/03791
(10) Cass. Soc. 21 mai 2025, n° 24-10009