A retenirLes dispositions de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi dit aussi loi "plein emploi" ou loi "marché du travail" entrée en vigueur le 23 décembre 2022 prévoient désormais une présomption de démission pour le salarié abandonnant son poste de travail et ainsi son exclusion aux indemnités chômage (1). 

Publication du décret d'application

La réforme de l'abandon de poste est entrée en vigueur le 23 décembre 2022. La présomption de démission a donc été définitivement adoptée,  et est désormais applicable. En effet le décret fixant les modalités d'application, qui était attendu d'ici le 31 mars 2023 a finalement été publié au Journal Officiel du 18 avril 2023. 

Ce décret prévoit un délai de 15 jours minimum après la mise en demeure, pour que l'employeur puisse considérer que le salarié est démissionnaire. Suite à son entrée en vigueur, la présomption de démission en cas d'abandon de poste peut s'appliquer.

Rappel : définition de l'abandon de poste

L'abandon de poste est une absence non justifiée, volontaire et prolongée du salarié à son poste de travail. Le salarié quitte soudainement son poste pendant ses heures de travail ou ne vient tout simplement plus travailler, et ce, sans autorisation de son employeur, ni même sans prévenir. Il s'agit d'une absence continue.

Toute absence doit être justifiée et légitime. Ainsi, le salarié absent sans justification ou autorisation ne perçoit pas de salaire. Son contrat est suspendu.

Salariés, vous souhaitez savoir comment faire un abandon de poste ? Quelles sont les conséquences sur votre contrat de travail et sur vos allocations chômage ?

Quels sont mes droits au chômage si je fais un abandon de poste ?

L'abandon de poste assimilé à une démission en 2023, ouvre-t-il droit aux allocations chômage, ou non ?

La réponse est désormais négative, un salarié qui fait un abandon de poste ne peut plus prétendre aux indemnités chômage. Son absence est assimilée à une présomption de démission (2).

En effet, le salarié qui abandonne son poste du jour au lendemain sans justification peut être considéré comme démissionnaire, et ce, même en l'absence d'une manifestation de volonté claire et non équivoque de quitter l'entreprise définitivement.

L'abandon de poste, comme motif de licenciement, donne-t-il droit au chômage ?

Avant l'entrée en vigueur de la loi dite du "du marché du travail et du plein emploi", l'abandon de poste pouvait faire l'objet d'un licenciement, y compris pour faute grave (3). C'était généralement la sanction disciplinaire prononcée par un employeur à l'encontre d'un salarié qui abandonnait son poste.

Lire aussi : Projet de loi sur plein emploi / nouvelle loi travail. 

Dorénavant, pendant cette absence continue, l'employeur n'a plus besoin de mettre en oeuvre la procédure de licenciement pour motif personnel (présentation au salarié de la convocation à un entretien préalable, entretien préalable, notification du licenciement). Il pourra simplement effectuer une mise en demeure auprès du salarié afin de lui demander de justifier son absence et de reprendre le chemin du travail. Le salarié silencieux sera considéré comme démissionnaire.

Il restera tout de même possible, pour éviter des litiges, de prononcer un licenciement disciplinaire en cas d'abandon de poste. Dans ce cas, le licenciement découlant de l'abandon de poste, pourra toujours ouvrir droit aux allocations chômage.

Employeurs, vous souhaitez avoir plus d'informations pour savoir comment réagir face à un abandon de poste ?

Depuis quand l'abandon de poste sera-t-il assimilé à une démission ?

Date d'entrée en vigueur de la réforme 2023 de l'abandon de poste 

La loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, dite aussi loi "plein emploi", loi "marché du travail" ou "nouvelle réforme chômage" votée par le Parlement (1) et validée par le Conseil constitutionnel (4), assimile l'abandon de poste à une démission. Cet amendement avait été porté par les députés Les Républicains (LR), Renaissance, MoDem et Horizons.

L'assimilation de l'abandon de poste à une démission (et donc l'exclusion des droits à l'assurance chômage) a donc été définitivement adoptée

Cette mesure est désormais applicable puisque le décret d'application est entré en vigueur. 

Présomption de démission après mise en demeure et expiration d'un délai d'au moins 15 jours

La loi prévoit que le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail, après avoir été mis en demeure par son employeur de le faire (par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge), est considéré comme démissionnaire.

Le nouvel article R1237-13 du Code du travail prévoit que la présomption de démission sera reconnue, après écoulement d'un délai d'au moins 15 jours, à compter de la mise en demeure.

Ainsi, le principe selon lequel la démission ne se présume pas est remis en cause. Pour rappel, la volonté de démissionner doit être émise de façon claire et non équivoque. Ainsi, l'abandon de poste deviendra, en quelque sorte, l'exception à ce principe.

L'objectif d'une telle mesure est de limiter le recours des salariés à l'abandon de poste, lorsqu'ils souhaitent mettre un terme à leur relation de travail pour avoir la possibilité de percevoir les indemnités chômage.

En revanche, le salarié peut toujours se prévaloir auprès de son employeur d'un motif légitime de nature à faire obstacle à la présomption de démission (exemples : raisons médicales, exercice du droit de retrait, exercice du droit de grève) (5). A défaut de réponse à l'issue du délai de 15 jours calendaire, le salarié sera présumé démissionnaire. 

Vous pourrez également contester la présomption de démission dans un délai d'1 mois auprès du Conseil de prud'hommes. 

📌 Pour en savoir plus sur la procédure, consultez l'article dédié : Abandon de poste, quelle est la procédure ?

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Conséquences en matière d'indemnités Pôle emploi suite à un abandon de poste ?

Risque pour le salarié qui abandonne son poste : fin des allocations chômage après un abandon de poste

La loi dite "marché du travail" a adopté la présomption de démission lors d'un abandon de poste. Ainsi, suite à un abandon de poste, les salariés n'auront plus le droit aux allocations chômage, puisque assimilé à une démission.

En effet, en tant que démissionnaires, les salariés n'ont pas le droit aux allocations chômage. Considérée comme une privation volontaire d'emploi, la démission n'ouvre pas droit à la perception des indemnités Pôle emploi.

Il y a une faille : un salarié qui procède à un abandon de poste a accès à des conditions d'indemnisation plus favorables qu'un salarié qui démissionne.

Olivier Dussopt

À ce titre, les députés de la Nupes accusent le Gouvernement de vouloir affaiblir la protection des salariés, puisqu'ils n'auraient plus le droit aux indemnités Pôle emploi, mais également parce que, bien souvent, l'abandon de poste constitue la dernière porte de sortie pour les salariés qui y ont recours.

En effet, lorsque ceux-ci se voient refuser une rupture conventionnelle par leur employeur, et que la démission ne leur ouvre pas droit aux prestations chômage versées par Pôle emploi, avant un délai de 4 mois après leur inscription au chômage, l'abandon de poste s'avérait être la seule solution pour quitter son emploi.

Existera-t-il des solutions pour tout de même toucher le chômage après l'abandon de poste ?

Le salarié présumé démissionnaire aura tout de même la possibilité de saisir le Conseil de prud'hommes (CPH) s'il souhaite contester la rupture de son contrat de travail. Il pourra ainsi renverser cette présomption de démission. Par ailleurs, le nouvel article L1237-1-1 du Code du travail prévoit la possibilité que l'affaire soit jugée dans un délai d'1 mois.

Ce délai semble, en pratique, difficilement envisageable au vu de la longueur habituelle des délais d'audience du bureau de jugement devant le CPH. Pourtant, si ce délai d'un mois est allongé, le salarié en attente de la décision du Conseil, ne percevra aucune indemnité chômage.

À noter : il semblerait que la présomption de démission ne s'applique pas aux salariés qui quittent leur poste pour des raisons de santé ou de sécurité. En effet, il peut s'agir d'un motif légitime et être assimilé à une prise d'acte. La prise d'acte est d'ailleurs un autre mode de rupture du contrat qui pourrait être envisagé devant le CPH.

Pour finir, lorsque vous ferez un abandon de poste, l'employeur aura toujours la possibilité de vous licencier pour faute, auquel cas vous pourrez toujours toucher les allocations d'assurances chômage.

📌 À lire également : Démission et chômage : toucher le chômage après la démission d'un CDI.

Quels sont les chiffres de l'abandon de poste en France (en 2022) ? Étude DARES publiée en février 2023

D'après le Gouvernement, le nombre d'abandons de poste en France serait en hausse.

C'est visiblement un phénomène très, très large.

Jean-Louis Thériot

Néanmoins, il n'existait pas, jusqu'en février 2023, de chiffres officiels sur le taux de recours des salariés à l'abandon de poste, que ce soit du côté de l'Unédic, de Pôle emploi ou encore de la DARES. Aucune statistique ne permettait de mesurer l'ampleur d'un tel phénomène.

Une étude de la DARES, en date du 22 février 2023, est finalement venue remédier à cette absence (6).

En effet, d'après cette étude, environ 71% des licenciements pour faute grave ou lourde, prononcés au 1er semestre 2022 dans le privé, seraient dus à un abandon de poste. Ceci représenterait 123.000 salariés, dont 116.000 salariés en CDI, licenciés suite à un abandon de poste.

L'abandon de poste est donc le premier motif de licenciement pour faute grave ou lourde (71%) au 1er semestre 2022, d'après cette étude. 37% des salariés qui abandonnent leur poste en CDI retrouvent un contrat de travail dans les trois mois et 43% des individus qui ont abandonné leur CDI ouvrent des droits à l'assurance chômage dans les trois mois.

Consultez l'intégralité de notre webconférence sur l'abandon de poste

 
Références :
(1) Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
(2) Article L1237-1-1 du Code de travail
(3) Cass. soc., 22 septembre 2015, n°14-11563
(4) Décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022-Loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
(5) Article R1237-13 du Code du travail
(5) Étude DARES, "Combien de salariés abandonnent leur poste et que deviennent-ils ?", 22 février 2023