Abandon de poste et fin des indemnités chômage : à partir de quand s'applique la nouvelle loi ?

La Loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, dite aussi loi "plein emploi", loi "marché du travail" ou encore "nouvelle réforme chômage" a introduit une présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire d'un salarié (1).

Les employeurs peuvent désormais considérer comme démissionnaire, le salarié qui a abandonné son poste et ne reprend pas son travail quand bien même il a été mis en demeure par celui-ci de justifier son absence et de reprendre son travail (2).

Néanmoins, pour que cette présomption de démission puisse pleinement s'appliquer, un décret fixant les modalités d'application était attendu d'ici le 31 mars 2023.

Ce décret a finalement été publié au Journal Officiel du 18 avril 2023, mettant fin à l'incertitude des entreprises qui avaient besoin de connaître le nouveau cadre légal applicable face à l'absence injustifiée d'un salarié (3).

Le décret sur l'abandon de poste fixe notamment la procédure de mise en demeure par laquelle l'employeur entend faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d'abandon volontaire de son poste de travail.

Employeurs, vous souhaitez obtenir davantage d'informations sur les conséquences de l'abandon de poste ?

 

Décret publié : tout abandon de poste volontaire depuis le 19 avril 2023 est assimilé à une démission !

Depuis le 19 avril 2023, tout abandon de poste est considéré comme une démission. En effet, les employeurs peuvent considérer comme démissionnaire, les salariés qui abandonnent volontairement leur poste sans justification.

Ainsi, l'employeur qui souhaite mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste n'a plus à engager une procédure de licenciement pour faute. 

Néanmoins, pour qu'un abandon de poste puisse être assimilé à une démission et que le contrat de travail puisse être rompu, les employeurs doivent s'assurer que les conditions suivantes sont réunies :

  • avoir respecté la procédure de mise en demeure en vigueur ;
  • s'être assuré que le salarié n'a pas invoqué un motif légitime en réponse à cette mise en demeure, pour justifier son absence.


Bon à savoir :

L'employeur n'est pas dans l'obligation d'envoyer une mise en demeure au salarié qui abandonne son poste. Néanmoins, dans ce cas, il ne peut rompre son contrat de travail mais simplement le suspendre. La rémunération n'est pas due mais l'employeur conserve malgré tout le salarié dans ses effectifs, avec les conséquences que cela implique.

1ère condition : respecter la procédure de mise en demeure applicable

Dès lors qu'un employeur constate que l'un de ses salariés a abandonné son poste, il doit le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste avant de pouvoir rompre son contrat de travail.

Néanmoins, les employeurs sont invités à ne pas trop se précipiter pour envoyer une mise en demeure au salarié absent. En effet, ils doivent veiller à respecter le délai de 48h (ou plus selon la convention collective applicable dans l'entreprise le cas échéant) laissé au salarié pour justifier son absence.

Cette mise en demeure doit être réalisée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

La mise en demeure doit préciser le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste. Ce délai est fixé par l'employeur et ne peut être inférieur à 15 jours calendaires (weekend et jours fériés compris).


Bon à savoir :

Le délai commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure par LRAR ou remise en main propre.

Dans sa mise en demeure, l'employeur doit aussi demander au salarié la raison de l'absence afin de recueillir la justification de cette absence.

L'employeur doit également rappeler au salarié que faute d'avoir repris son poste dans le délai fixé, ce dernier sera présumé démissionnaire et peut lui préciser les conséquences qui en découlent, c'est-à-dire, l'absence de droit aux allocations de l'assurance chômage notamment.

Il est par ailleurs recommandé de préciser que le salarié qui ne reprendrait pas son poste au plus tard à la date fixée est redevable d'un préavis.

A ce titre, le préavis commence à courir à compter du jour ultime fixé par l'employeur pour la reprise du travail. Ce jour doit être fixé dans la mise en demeure.

Employeurs, vous souhaitez envoyer une mise en demeure à votre salarié pour l'enjoindre de reprendre son travail ? Faites le par courrier !

 

2ème condition : s'assurer que le salarié n'invoque pas un motif légitime pour justifier son absence

Le décret d'application offre la possibilité aux salariés de se prévaloir auprès de leur employeur, d'un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission.

Concrètement, les employeurs doivent s'assurer que le salarié présumé démissionnaire n'invoque pas l'un des motifs légitimes suivants en réponse à la mise en demeure faite (4) :

  • des raisons médicales :
  • l'exercice de son droit de retrait ;
  • l'exercice de son droit de grève ;
  • le refus d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
  • la modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

Cette liste n'est pas exhaustive et le salarié est libre d'invoquer dans la réponse qu'il apporte à la mise en demeure de son employeur, un autre motif pour justifier son absence.


A retenir :

Si l'employeur a bien respecté la procédure de mise en demeure et en l'absence de motif légitime invoqué par le salarié, le contrat de travail peut légitimement être rompu et l'abandon de poste être assimilé à une démission avec les conséquences que cela emporte pour les parties. 

Le salarié peut-il contester la rupture de son contrat de travail ?

Le salarié dont le contrat a été rompu sur le fondement de cette présomption de démission a la possibilité de contester la rupture de son contrat de travail en saisissant le Conseil de prud'hommes (CPH).

Le bureau de jugement statue alors sur la nature de la rupture et ses conséquences dans le délai de 1 mois à compter de sa saisine.

En pratique, il faut reconnaître qu'il semble difficilement envisageable pour les bureaux de jugement des CPH de tenir ce délai de 1 mois. 

Quoi qu'il en soit, il est indispensable de respecter la procédure de mise en demeure adéquate et de s'assurer que le salarié n'a pas invoqué un motif légitime pour justifier son absence avant de faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d'abandon de poste volontaire.

Comment faire face à l'abandon de poste d'un salarié réalisé avant la publication en CDI le 18 avril 2023 ? Le régime juridique applicable est-il celui de la démission ou de l'abandon de poste ? L'employeur doit-il prononcer un licenciement pour abandon de poste ?

Si l'on connait désormais le cadre applicable pour les abandons de poste intervenant à compter du 19 avril 2023, qu'en est-il pour ceux intervenant avant cette date ?

On peut en effet légitimement se demander si un employeur pourra faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d'abandon de poste de celui-ci quelques jours avant l'entrée en vigueur du décret sur l'abandon de poste. 

Si un salarié n'est pas venu travailler ce 18 avril 2023, il dispose d'un délai de 48 heures (ou tout autre délai si une convention collective le prévoit) pour justifier de son absence auprès de vos services. 

S'il ne le fait pas, sera t-il considéré comme démissionnaire ?

L'abandon de poste ayant eu lieu avant l'entrée en vigueur du décret d'application, la présomption de démission s'appliquera-t-elle ? Le régime juridique applicable a l'abandon de poste sera t-il celui du licenciement ou celui de la démission ?

On espère prochainement des précisions sur ce point.

Employeurs, une question vous vient à l'esprit ? Notre équipe de juriste vous informe !

 

 
 

Références :
(1) Loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
(2) Article L1237-1-1 du Code du travail
(3) Décret n°2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié
(4) Article R1237-13 du Code du travail

Source :
Questions-Réponses - Présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié, Ministère du travail, 18 avril 2023