Abandon de poste depuis la parution du décret en avril 2023 : présomption de démission ou licenciement ?

Un choix à la discrétion de l'employeur...

Si la démission requiert en principe une volonté claire et non équivoque du salarié, la loi "marché du travail" - dite aussi réforme chômage" -, confère pourtant à l'employeur, la possibilité de faire jouer une présomption de démission (1)

Le décret d'application est entré en vigueur depuis le 19 avril 2023.

Depuis, la procédure de licenciement n'est donc plus la seule réponse à donner face à un salarié qui a fait un abandon de poste

illustration

Que prévoit la réforme du Code du travail ?

Elle précise, que doit respecter une procédure spécifique, l'employeur qui entend faire jouer la présomption de démission (2).

À la lumière du texte, il ne s'agit donc que d'une faculté pour l'employeur : il conserve la possibilité, d'envisager d'engager la procédure disciplinaire. Le cas échéant, attention à bien respecter toutes les étapes de la procédure de licenciement.

... sous conditions de durée

La loi prévoit que pour pouvoir faire jouer la présomption de démission, l'employeur est tenu de :

  • respecter une procédure stricte ;
  • et de laisser au salarié un délai minimum lui permettant de se justifier et de reprendre le travail. 

Attention ! Si le salarié se manifeste positivement dans le délai qui lui a été imparti, l'employeur ne peut pas le présumer démissionnaire : il n'aura donc plus le choix et s'il veut agir, il ne pourra que sanctionner le salarié.

S'il envisage de sanctionner le travailleur, il doit s'assurer, le cas échéant, que la sanction est prévue par le règlement intérieur applicable dans l'entreprise et suivre la procédure disciplinaire.

Pour rappel : un règlement intérieur doit être rédigé dans les entreprises de plus de 50 salariés.

illustration

Abandon de poste et absences injustifiées : réagir efficacement

Quelle est la date de rupture effective du contrat ? Le salarié doit-il respecter un préavis ? Quels sont les motifs légitimes d'absence prévus par la Loi ? Quelles indemnités verser ? 

➡ Notre dossier fait le point sur les absences injustifiées en général et sur la procédure à respecter en cas d'abandon de poste.

📂 Vous êtes salarié ? Voici notre dossier : Abandon de poste et absence injustifiée : quels risques ?

Qu'est-ce qu'une présomption de démission ? Dans quelles conditions la faire jouer en cas d'abandon de poste ? La procédure à suivre

La présomption de démission consiste donc à présumer que le salarié est démissionnaire, donc qu'il souhaite rompre son contrat de travail.

Toutefois, pour qu'un abandon de poste puisse être assimilé à une démission, l'employeur doit :

  • avoir respecté la procédure en vigueur (mise en demeure contenant les mentions obligatoires, délai légal minimal) ;
  • et s'être assuré que le salarié n'a pas invoqué un motif légitime justifiant son absence.

📑 Pour faire le point sur la procédure à respecter : Abandon de poste & présomption de démission : comprendre la procédure et les étapes légales

1re condition d'application de la réforme : envoyer un courrier de mise en demeure pour abandon de poste

Après avoir laissé au salarié, le délai suffisant pour se manifester (en général 48 heures, mais le règlement intérieur ou la convention collective peut prévoir un délai différent), l'employeur qui entend faire jouer la présomption de démission, doit mettre en demeure le salarié : 

  • de justifier son absence ;
  • et de reprendre le travail sous un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours.

La lettre de mise en demeure à votre salarié de justifier son absence et de reprendre son poste de travail avant le délai imparti, doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge (peu probable, en pratique).

illustration

Découvrez nos accompagnements pour les professionnels :

- accès à la base documentaire en illimité ;
- accès aux conventions collectives à jours des derniers accords ;
- mise en relation avec nos juristes du lundi au vendredi de 9h à 18h.

2e condition : s'assurer que le salarié ayant abandonné son poste n'invoque pas un motif légitime pour justifier son absence

Le législateur accorde au salarié, la possibilité de se prévaloir d'un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission (3).

Exemples : 

  • des raisons médicales ;
  • l'exercice de son droit de retrait ;
  • l'exercice de son droit de grève.

Le salarié qui entend s'en prévaloir doit suivre le formalisme prévu par la loi.

Qu'en est-il du préavis du salarié ? 📂 Notre dossier fait le point sur la question.

illustration

Vous avez une question concernant l'abandon de poste d'un salarié ?

Posez gratuitement votre question à l’un de nos juristes ! Il vous fournira une réponse écrite et sourcée sous 48h.

Les conséquences du défaut de réponse du salarié dans le délai imparti 

👨‍⚖️ Décision du Conseil d'État : validation de la présomption de démission, sous conditions

S'il a récemment rejeté la demande d'annulation du décret d'application de la réforme, le Conseil d'État a toutefois précisé que, pour que la démission d’un salarié puisse être présumée, ce dernier doit nécessairement être informé des conséquences que peut avoir l’absence de reprise du travail sans motif légitime (4).

Voici les conséquences principales.

Démission effective : quand prend effet la présomption ?

Si le salarié ne justifie pas son absence ou ne reprend pas le travail une fois reçue la mise en demeure, il est présumé démissionnaire, dès l'expiration du délai imparti par l'employeur.

Pas de salaire pendant la suspension du contrat

Pendant la période d'absence non justifiée du salarié, son contrat de travail est suspendu. Par conséquent, il ne perçoit pas de rémunération.

📑 À lire, sur ce point : Absence injustifiée : l'employeur peut-il opérer une retenue sur salaire ?

Début du préavis 

L'expiration du délai fixé par l'employeur fait courir le point de départ du préavis que le salarié est censé exécuter, le cas échéant.

📂 Pouvez-vous dispenser le salarié de son préavis ? Devez-vous, dans ce cas, lui verser une indemnité compensatrice de préavis ? Faites-le point dans notre dossier.

Bon à savoir : au terme du préavis, l'employeur doit tenir à la disposition du salarié, ses documents de fin de contrat.

Pas de droit aux allocations chômage

À défaut de motif légitime à l’appui de l’abandon de poste, l’abandon de poste ne permet pas de remplir la condition de chômage involontaire : contrairement à la procédure de licenciement, le salarié présumé démissionnaire par son employeur ne pourra pas bénéficier des indemnités chômage suite à la rupture de son contrat de travail.

📑 À lire aussi : Abandon de poste assimilé à la démission : quelles conséquences sur le chômage ?

Quels sont les recours dont dispose un salarié présumé démissionnaire ? Peut-il contester la rupture de son contrat de travail ?

Pour le salarié : une contestation est possible

L'abandon de poste doit être volontaire. Le salarié dont le contrat a été rompu sur le fondement de la présomption de démission peut contester la rupture de son contrat de travail en saisissant le conseil de prud'hommes (CPH)

Sa demande est alors présentée directement devant le bureau de jugement (sans phase préalable), qui statue sur la nature et les conséquences de la rupture.

 📑 À lire également : Litige devant le Conseil des prud'hommes (CPH) : pouvez-vous utiliser un élément de preuve déloyal ?

Risque pour l'employeur : requalification de la rupture

Si la rupture du contrat est requalifiée en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est au moins égal aux salaires des 6 derniers mois, ou compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par le Barème Macron selon la nature de la rupture retenue.

👨‍⚖️ Le statut protecteur du salarié protégé doit-il être considéré par l'employeur qui entend faire jouer la présomption de démission ?

Oui, selon la Cour d'appel de Paris. S'agissant de la première décision sur la question, cette position prise en mars 2025 reste à confirmer, mais la Cour a estimé que "la présomption légale de démission faisait, elle [contrairement à la démission], intervenir l’employeur dans la rupture du contrat de travail et qu’elle ne dispensait pas, en ce sens, ce dernier de solliciter l’inspection du travail" (détails et références de la décision, dans le dossier complet).

Infographie : Abandon de poste : ce que les RH doivent savoir !

Abandon de poste

Abandon de poste

Références :
(1) Loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
(2) Article L1237-1-1 du Code du travail et Décret n°2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié
(3) Article R1237-13 du Code du travail
(4) Décision de justice 18 décembre 2024, n°473640