Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par le Conseil d’État, en décembre 2022, et qui vient aborder la problématique spécifique des modalités d’établissement d’une déclaration préalable en droit de l’urbanisme et du calendrier procédural qui permet d’arriver jusqu’à l’obtention d’une acceptation tacite de ladite déclaration préalable.

Cela permet également de déterminer dans quelles conditions les services de l’urbanisme de la commune peuvent solliciter un certain nombre de documents en délimitant un cadre précis quant aux documents qui doivent être officiellement remis et établis.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, la société T. avait demandé au Juge des référés de suspendre l’exécution de l’arrêté du 1er décembre 2020 par lequel le maire de la commune S.H. s’était opposé à sa déclaration préalable portant sur l’implantation d’une antenne-relais de téléphonie mobile et la pose d’une clôture, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par ordonnance du 28 juin 2021, le Juge des référés du Tribunal Administratif avait fait droit à sa demande et avait enjoint, à la commune, de lui délivrer l’attestation de non-opposition à la déclaration préalable prévue à l’article R.424-13 du Code de l’urbanisme dans un délai de quinze jours.

Cependant, la commune a, à ce moment-là, formalisé un pourvoi auprès du Conseil d’État.

Un dossier de déclaration préalable complet ?

Dans cette affaire, la société avait déposé, le 27 juillet 2020, un dossier de déclaration préalable dans le but de l’implantation d’une antenne-relais sur la commune.

Par un courrier du 11 août 2020, le service urbanisme de ladite commune avait demandé de compléter le dossier à la société en précisant, sur le plan de masse des constructions à édifier, la simulation de l’exposition aux ondes émises par l’installation projetée.

La société a fourni le document demandé le 5 novembre 2020 et, par un arrêté du 1er décembre 2020, le maire de la commune s’est opposé à la réalisation de ces travaux au motif pris que le projet portait atteinte à son environnement proche.

C’est dans ces circonstances que la société T. avait demandé au Juge des référés du Tribunal Administratif de Nantes, la suspension de l’exécution de la décision du maire de s’opposer à la réalisation des travaux et de la décision implicite de rejet à son recours gracieux sur le fondement des dispositions de l’article L.521-1 du Code de la justice administrative.

La réglementation précise des demandes de permis de construire, d’aménager, de démolir et des déclarations préalables

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L.423-1 du Code de l’urbanisme, les demandes de permis de construire, d’aménager, de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’État.

Ainsi, le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l’Union Européenne, des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords, ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d’une autre législation dans les cas prévus au chapitre 5 dudit titre.

La prolongation des délais d’instruction en cas de documents manquants

Le texte précise encore, qu’aucune prolongation du délai d’instruction n’est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce même décret.

En effet, s’agissant du dépôt de l’instruction des déclarations préalables, l’article R.423-22 du Code de l’urbanisme, prévoit que le dossier est réputé complet si l’autorité compétente, n’a pas, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié, au demandeur ou au déclarant, la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R.423-38 et R.423-41.

Une déclaration préalable réputée complète passé un mois après son dépôt en mairie

L’article R.423-23 du Code de l’urbanisme fixe à un mois le délai d’instruction de droit commun pour les déclarations préalables.

L’article R.423-38 dispose, quant à lui, que lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du livre 4 de la partie réglementaire du Code relatif au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions, l’autorité compétente, dans le délai d’un mois à compter de la réception du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l’auteur de la déclaration, une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, indiquant de façon exhaustive les pièces manquantes.

Le formalisme prévu pour compléter le dossier de déclaration préalable

Dès lors, aux termes de l’article R.423-39, l’envoi prévu à l’article R.423-38 précise :

  • Que les pièces manquantes devaient être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ;
  • Qu’à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d’une décision tacite d’opposition en cas de déclaration préalable ;
  • Que le délai d’instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie.

Il convient encore de préciser que l’article R.423-41 du Code de l’urbanisme précise qu’une demande de production de pièce manquante, notifiée après la fin du délai d’un mois prévu à l’article R.423-38 ou ne portant pas sur l’une des pièces énumérées par le présent Code, n’a pas pour effet de modifier les délais d’instruction prévus aux articles R.423-23 à R.423-37a.

Il est important de rappeler, qu’à défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction, déterminée comme une demande évoquée, même s’il est vrai que cela est relativement technique, le silence gardé par l’autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.

L’acceptation tacite de la mairie à l’encontre de la déclaration préalable

Ainsi, il résulte de ces dispositions, malgré une démonstration un peu technique, qu’à l’expiration du délai d’instruction relatif à l’instruction des déclarations préalables des demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, nait une décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de permis tacite.

La décision de non-opposition à la déclaration préalable

En application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande illégale tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application de l’article 4 de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme, c’est ce point qui est important.

Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou à permis tacite nait à l’expiration du délai d’instruction sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle.

Une demande de pièce complémentaire non prévue par le Code de l’urbanisme

Le Juge des référés du Tribunal Administratif avait estimé qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées puisqu’il avait relevé que la pièce complémentaire demandée par la commune, au cours de l’instruction de la déclaration préalable, n’était pas au nombre des pièces exigées par le Code de l’urbanisme, de telle sorte que cette demande n’avait pu légalement proroger le délai d’instruction.

Pas de prorogation du délai d’instruction

Le Juge des référés en a déduit que la société devait être regardée comme titulaire d’une décision implicite de non-opposition à déclaration préalable acquise à expiration du délai d’instruction.

Pour autant, cela n’a pas empêché la mairie de venir contester la décision du Juge des référés.

Pour autant, le Conseil d’État, dans sa décision, considère qu’il résulte des dispositions susvisées du Code de l’urbanisme, qu’à l’expiration du délai d’instruction tel qu’il résulte de l’application du chapitre 3 du titre 2 du livre 4 du Code relatif à l’instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, nait une décision de non-opposition à déclaration préalable ou à permis tacite.

Dès lors, en application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande illégale tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application de l’article du livre 4 de la partie règlementaire du Code de l’urbanisme.

Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou à un permis tacite nait à l’expiration du délai d’instruction sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle.

Cette jurisprudence rendue récemment, le 9 décembre 2022 par le Conseil d’État, est visiblement salutaire puisqu’elle vient clairement rappeler, premièrement les conditions d’instruction des autorisations de déclarations préalables en droit de l’urbanisme et vient également rappeler que le service d’urbanisme de la commune ne peut pas réclamer tout et n’importe quoi dans le cadre de sa procédure d’instruction,

Sans quoi l’illégalité de la demande tendant à la production de pièces qui ne peut être requise entache d’illégalité le refus d’accorder l’autorisation demandée.

Ce qui permet de valider la décision implicite de non-opposition permettant ainsi au justiciable de se retrouver titulaire d’une décision implicite de non-opposition à sa déclaration préalable et par la même, de procéder à la réalisation des travaux sollicités.

A bon entendeur !

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit