Budget 2024 de la Sécurité sociale : où en est-on ? 

Dépôt du PLFSS 2024 auprès de l'Assemblée nationale le 27 septembre 2023

Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (PLFSS- ou projet de budget 2024 de la Sécurité sociale) a été déposé à l'Assemblée nationale et présenté en Conseil des ministres le 27 septembre 2023.

Les députés ont voté la première partie du texte relative aux recettes et à l'équilibre général de la Sécurité sociale pour l'exercice 2024. Concernant les deuxième et troisième parties, le Gouvernement a décidé d'utiliser l'article 49-3 de la Constitution, qui lui permet d'engager sa responsabilité et de faire adopter le texte par l'Assemblée nationale sans vote.

Utilisation de l'article 49.3 par le Gouvernement pour le PLFSS 2024

La Première Ministre (Élisabeth Borne) a engagé la responsabilité du Gouvernement en utilisant l'article 49.3 de la Constitution, tout d'abord pour la deuxième partie du PLFSS 2024. Deux motions de censures ont été déposées par des députés, mais ont été rejetées. 

30 octobre 2023Adoption de la partie 2 du PLFSS 2024

Ainsi, la 2ème partie du PLFSS 2024 relative aux recettes et à l'équilibre général de la Sécurité sociale pour l'exercice 2024, a été adoptée, sans vote de l'Assemblée nationale, le 30 octobre 2023.

Concernant la 3ème partie du PLFSS 2024, relative aux dépenses pour l'exercice 2024, la Première Ministre (Élisabeth Borne) a de nouveau utilisé le 49.3 le 30 octobre 2023. Une motion de censure a été déposée par 78 députés de La France Insoumise (LFI), puis rejetée.

En conséquence, le PLFSS pour 2024 a été adopté par le Parlement, de manière définitive, le 4 décembre 2023

Examen par le Conseil Constitutionnel et entrée en vigueur de la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS 2024)

Les 4 et 5 décembre 2023, plus de 120 députés ont saisi le Conseil Constitutionnel de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (LFSS 2024) (1).

À l'issue de son examen et après censure de certaines de ses dispositions par les Sages (dont le détail est exposé ci-dessous) (2), celle-ci a été publiée au Journal officiel le 27 décembre 2023.

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Quel est le nouveau budget de la Sécurité sociale pour 2024 ? Le point sur les mesures essentielles 

Contrôle des arrêts maladie (censuré par le Conseil constitutionnel) et encadrement de la téléconsultation

En raison de l'augmentation du nombre d'arrêts maladie et du versement corrélatif des indemnités journalières maladie, la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (LFSS) contenait initialement certaines dispositions destinées à renforcer leur contrôle et la limitation de leur durée. 

Le but était de garantir la durabilité du système de santé français.

Certaines de ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel (2).

Renforcement du contrôle des arrêts maladie injustifiés (dispositions déclarées contraires à la Constitution)

Initialement, la LFSS prévoyait une suspension du versement des indemnités journalières dès lors que le médecin contrôleur estimait que l'arrêt, en lui-même, était injustifié.

Ainsi, il était prévu que lorsque l'employeur mandaterait un médecin contrôleur, et que ce dernier établirait un rapport qui conclurait à l'absence de justification de l’arrêt maladie du salarié, le versement de ses indemnités journalières serait automatiquement suspendu.

Cette disposition a été déclarée contraire à la Constitution (2), et est donc définitivement écartée.

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Notez, par ailleurs, que les Sages ont également censuré la disposition initiale de la loi prévoyant la prise en charge obligatoire par l’employeur des abonnements de transport aux services de location de vélos non publics de leurs salariés, et son exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, estimant que celle-ci n'avait pas sa place dans une loi de financement de la Sécurité sociale (2).

Limitation de la durée des arrêts maladie prononcés par téléconsultation

La LFSS pour 2024 prévoit également de limiter la durée des arrêts maladie lorsque ces derniers sont prononcés dans le cadre d'une téléconsultation médicale.

Ainsi, il ne sera plus possible de prescrire un arrêt de travail de plus de 3 jours lors d'une téléconsultation, ou de renouveler un arrêt le portant à plus de 3 jours.

La loi énonce cependant 2 exceptions :

  • lorsque l'arrêt est prescrit ou renouvelé par le médecin traitant ou la sage-femme référente ;
  • lorsque le patient justifie de l'impossibilité de consulter un médecin de manière physique pour obtenir la prolongation de son arrêt de travail.

Rôle accru des pharmaciens dans le soin des angines ou des infections urinaires

La Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 ouvre la possibilité aux pharmaciens de réaliser, dans certains cas, un test rapide des assurés et de délivrer, sans ordonnance, les traitements nécessaires, par exemple des antibiotiques dans le cas d’angines ou de cystites aiguë simple (sans alerte). 

Cette mesure est notamment justifiée par la disparité de répartition des professionnels de santé sur le territoire national, et donc de la difficulté d'accès à une consultation médicale, dans des cas jugés "moins complexes".

Prise en charge à 100% de l'achat de préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans

La LFSS pour 2024 prévoit une prise en charge intégrale et sans ordonnance de l'achat de préservatifs féminins et masculins par les jeunes de moins de 26 ans.

Il s'agit de préservatifs achetés en pharmacie et inscrits sur une liste.

Cette mesure vise à favoriser la "santé sexuelle et reproductive des jeunes", en renforçant leur accès à la contraception et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) et des grossesses non-désirées.

Lutte contre la précarité menstruelle des femmes de moins de 26 ans et des personnes précaires

La LFSS prévoit un remboursement des protections hygiéniques réutilisables (culottes et et coupes menstruelles) :

  • pour toutes les femmes de moins de 26 ans ;
  • pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S / CSS), sans limite d’âge (donc même au-delà de 26 ans).

Les protections concernées par cette prise en charge intégrale seront tout d'abord à acheter en pharmacie et feront l'objet d'une liste

Cette mesure s'inscrit dans la continuité des actions déjà mise en oeuvre par le Gouvernement pour lutter contre la précarité menstruelle (objectif d'égalité et de santé publique), et fait notamment suite à la mise à disposition gratuite de protections périodiques au sein des établissements scolaires, des établissements pénitenciers et des associations d’accueil pour les personnes sans domicile fixe.

En raison notamment de l'inflation et de la difficulté d'accès à ces produits, il existe un risque accru de choc toxique du fait de protections portées au-delà du temps recommandé. C'est pourquoi cette mesure vise à garantir, à toutes, l’accès à des produits respectueux de leur santé et de l’environnement

Accès au vaccin contre le papillomavirus dès 11 ans

La LFSS pour 2024 prévoit la vaccination gratuite contre les infections à papillomavirus de tous les élèves, dès 11 ans, et de tous les enfants handicapés non scolarisés en milieu ordinaire.

La vaccination sera prise en charge intégralement par l’Assurance maladie.

Pour le déploiement de cette campagne, la loi instaure la possibilité, pour l’Assurance maladie, de rémunérer directement les professionnels de santé libéraux, les professionnels salariés, les agents publics et les étudiants disposant de la compétence vaccinale, via des vacations.

Le but de la campagne dans les collèges et les moyens mis en oeuvre par la LFSS est de lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé.

La loi prévoit également que, dans un délai d’1 an à compter de sa promulgation, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’opportunité de réaliser sa campagne de vaccination contre le papillomavirus dans des lieux qui ne relèvent pas de l’éducation nationale, tels que les clubs sportifs et de loisirs, les associations ou les maisons des jeunes et de la culture.

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Actions en cas de pénuries de médicaments 

La Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 prévoit, en cas de rupture d'approvisionnement de médicaments :

  • de généraliser la délivrance de médicaments à l'unité par les pharmaciens (quand la forme du médicament le permet) ;
  • de restreindre la prescription d’antibiotiques par téléconsultation. Dans un cas de pénurie, la prescription par téléconsultation sera limitée à des cas spécifiques, notamment aux situations épidémiques associées à des consignes de réduction des déplacements. Attention, cette disposition a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel (2).

Le but initial de ces mesures était de limiter la constitution de stocks par les Français, qui amplifie et rallonge les éventuelles situations de pénurie (à l'image des stocks de "précaution" faits pendant la période de pandémie par exemple).

Précisions sur les rendez-vous de prévention à des âges clés de la vie

La création de bilans de préventions à des âges clés de la vie a été l'une des mesures de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (LFSS 2023). 

Ces bilans "doivent permettre à chaque citoyen de devenir acteur de sa santé et ainsi promouvoir des comportements favorables à la santé". Ils sont proposés par l'Assurance maladie à 3 âges clés, afin d'établir un état des lieux de la santé physique ou mentale de l'assuré.

La LFSS 2024 précise quelques éléments sur ces bilans de prévention, en prévoyant notamment que la liste des professionnels qui peuvent réaliser les rendez-vous de prévention sera définie par arrêté des ministres chargés de la Sécurité sociale et de la santé.

Le but est de mobiliser un panel de professionnels de santé élargi (médecin, infirmier, pharmacien, sages-femmes...), en vue "de multiplier les possibilités de réaliser ces rendez-vous, en palliant les difficultés d’accès à certains professionnels dans certaines zones".

Ces bilans seront pris en charge ou remboursés par l'Assurance maladie.

La LFSS prévoit également que seront prévus par arrêté :

  • le montant des tarifs de ces rendez-vous de prévention, pratiqués et pris en charge ou remboursés par l’Assurance maladie ;
  • ainsi que leurs conditions de facturation par les professionnels concernés, notamment les conditions dans lesquelles ils seront autorisés à facturer des actes ou des prestations complémentaires.

De nouveaux âges-clés sont par ailleurs définis en ce qui concerne la réalisation des bilans, à savoir : 

  • 18-25 ans ;
  • 45-50 ans ;
  • 60-65 ans ;
  • 70-75 ans.
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Accès facilité à la complémentaire santé solidaire (C2S) pour les bénéficiaires de l'AAH, l'ASI, l'ASS et l'ACEJ

La LFSS pour 2024 instaure une présomption de droit à la complémentaire santé solidaire (C2S), pour certains bénéficiaires de minima sociaux (sous réserve d'acquitter une participation financière).

Pour mémoire, la C2S complète la prise en charge des dépenses de santé des personnes à faibles revenus, sans avance de frais. Elle peut être payante ou gratuite, selon les ressources du foyer.

Il s'agit d'étendre, sous conditions, l’attribution simplifiée de la C2S (attribution automatique sous conditions) à une partie des bénéficiaires de :

  • l'allocation adulte handicapé (AAH) ;
  • l'allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ;
  • l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ;
  • l'allocation du contrat d’engagement jeune (ACEJ).

Les objectifs de cette mesure sont de garantir un meilleur accès au soin au plus grand nombre, avec une meilleure prise en charge des frais de santé, et de réduire les inégalités sociales de santé.

Cette disposition découle du constat suivant : les personnes non couvertes par une complémentaire santé sont essentiellement des personnes à faibles revenus, notamment les allocataires des minimas sociaux pré-cités.

Cette mesure doit s'appliquer à une date fixée par décret et, au plus tard :

  • le 1er juillet 2024, pour les bénéficiaires de l’ASI ;
  • le 1er juillet 2025, pour les bénéficiaires de l'AAH ;
  • le 1er juillet 2026, pour les bénéficiaires de l'ASS et de l'ACEJ.
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Autres mesures prévues par le PLFSS 2024

D'autres mesures sont prévues dans la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, comme :

  • le versement, sans délai de carence, des indemnités journalières de sécurité sociale en cas de constat d'une incapacité de travail faisont suite à une interruption de grossesse pratiquée pour motif médical. Cette mesure s'appliquera au plus tard le 1er juillet 2024 ;
  • le renforcement des obligations des plateformes numériques, l'objectif étant de lutter contre les sous‑déclarations des revenus générés par les micro-entrepreneurs qu'elles emploient, et régulariser le paiement des cotisations sociales afférentes ;
  • la révision des assiettes de cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, en vue de renforcer l'équité de leurs prélèvements avec ceux des salariés ;
  • la mise en place, sous conditions, d'une contribution sur les excédents du régime Agirc-Arcco afin de participer, le cas échéant, à l'équilibre des régimes spéciaux mis en extinction. Pour rappel, ceux-ci ont été fermés par la réforme des retraites, ce qui signifie qu'ils ne bénéficieront plus de nouvelles cotisations de la part de nouveaux entrants, mais devront néanmoins continuer à régler les pensions de leurs retraités actuels et futurs ;
  • la création de deux nouveaux délits, à savoir un délit d'incitation publique à la fraude sociale (notamment sur les réseaux sociaux) et un délit spécifique de facilitation de la fraude sociale (visant, par exemple, la vente de fausses ordonnances, de kits de création de "faux salariés", etc.) ;
  • le dépistage systématique du virus "cytomégalovirus" chez les femmes enceintes, dont l'existence peut affecter le développement du foetus ;
  • la création, pendant 5 ans, d'un statut temporaire adapté pour le cannabis à usage médicale, afin d'assurer la continuité du dispositif expérimental actuel qui arrive à échéance fin mars 2024 ;
  • etc.
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À ne pas confondre :

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2024) et Projet de loi de finance (PLF 2024) : deux notions à ne pas confondre.
Pour en savoir plus sur le PLF 2024, rendez-vous sur l'article dédié : Que prévoit le projet loi de finances 2024 ?

Sources

(1) Loi n°2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024

(2) Décision du Conseil constitutionnel n°2023-860 DC du 21 décembre 2023