A l'issue de la vérification de comptabilité, l'administration fiscale, après avoir écarté sa comptabilité et reconstitué ses recettes, a notifié au contribuable, des rappels de TVA et des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu. De même, à l'issue de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, l'administration a procédé à la taxation d'office de sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée.
Le contribuable a saisi le tribunal administratif de Marseille pour demander la décharge des impositions supplémentaires. Le tribunal ayant rejeté sa demande, et la cour administrative d'appel de Marseille ayant aussi rejeté l'appel qu'il avait interjeté contre le jugement, le contribuable se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.
Trois points ont été analysés par le Conseil d’Etat, notamment, la notion d’avis de vérification unique pour plusieurs activités, la modification des rectifications contenues dans la proposition de rectification, et la reconstitution du chiffre d’affaires, en cas de rejet de comptabilité.
1. En premier lieu, sur l’envoi d’un seul avis de vérification en cas d’exercice de plusieurs activités.
Le Conseil d’Etat a jugé que la procédure de vérification de la comptabilité tenue par un contribuable qui exerce plusieurs activités peut être unique s'il ressort des déclarations produites que l'ensemble des opérations sont retracées dans une seule comptabilité.
Au cas particulier, le contribuable exerçait plusieurs activités pour lesquelles il déposait des déclarations fiscales communes. En effet, il exerçait une activité de loueur de fonds de restaurant et exploitait à titre individuel deux restaurants. Il soutenait que l’administration devrait suivre une procédure de vérification distincte pour chacune des activités qu’il exerce.
Mais pour le Conseil d’Etat, l'administration n'est pas tenue de suivre une procédure de vérification distincte pour chacune des activités dès lors qu'il ressort des déclarations du contribuable que l'ensemble des opérations soumises à la vérification est retracé dans une seule comptabilité. Pour le juge donc, cette seule circonstance autorisait l'administration à engager une procédure de vérification unique par l'envoi d'un seul avis de vérification. Peu important le fait que les activités ne fussent ni similaires, ni complémentaires, comme il a été déjà jugé. Il n'est pas davantage recherché si les activités disposaient de moyens d'exploitation communs et si la clientèle était identique, ces éléments étant indifférents. Le Conseil d’Etat ajoute, au cas particulier, que le fait que le contribuable tenait une comptabilité distincte par activité est également indifférent.
En effet, l’avis de vérification adressé au contribuable indiquait d’une part que le contrôle porterait sur l'ensemble de ses déclarations fiscales et opérations pour son activité d'exploitant et de loueur de fonds de restaurants et, d'autre part, que ces différentes activités du contribuable avaient fait l'objet d'une déclaration fiscale commune. Pour le Conseil d’Etat, c'est donc sans erreur de droit que la cour administrative d'appel en a déduit que l'administration n'était pas tenue d’adresser au contribuable des avis de vérification de comptabilité distincts pour chacune de ces activités, et la circonstance que le contribuable aurait tenu une comptabilité distincte par activité ou par établissement étant à cet égard, à la supposer avérée, sans incidence dès lors qu'il n'en avait tiré aucune conséquence dans ses déclarations fiscales.
Rappelons que la vérification de comptabilité commence par l’envoi d’un avis de vérification n°3927. En effet, aux termes de l’article L 47 du LPF, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité ; cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ; l'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site Internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande.
Une vérification non précédée d’un avis de vérification est irrégulière, même si le contribuable est assisté de son comptable (CE 04 juin 1982).
Il a été jugé que lorsqu’une vérification de comptabilité et un examen de la situation fiscale personnelle sont mis en œuvre concomitamment, le vérificateur doit adresser au contribuable un avis pour chaque vérification, à défaut, la vérification entreprise sans avis est irrégulière.
L'administration est donc tenue d’avertir le contribuable en temps utile. Ce temps utile, selon le Conseil d'Etat, est d'au moins deux jours entre la date de réception de l'avis de vérification et celle à laquelle commence effectivement le contrôle ; les samedis, dimanches et jours fériés ne devant pas être retenus dans le décompte du délai (CE 2 octobre 2002 n° 228436).
En pratique, cet avis est envoyé par le vérificateur 15 jours, voire un mois, avant le début des opérations. Toutefois, dans le cadre des vérifications de comptabilité, des interventions inopinées sont possibles.
Conformément à cette disposition, l’avis de vérification doit donc préciser, sous peine de nullité de la procédure, les années soumises à vérification, le contrôle portant sur les années ou les exercices non prescrits et pour lesquels les déclarations de résultats et de TVA ont été déposées. Ainsi, par exemple, pour un avis de vérification reçu au mois de mars 2018, par une entreprise qui clôture ses comptes au 31 décembre, la vérification de comptabilité ne peut concerner que les exercices clos au 31 décembre 2015 et au 31 décembre 2016. Mais si l’avis est reçu à partir du mois de juin 2018, l’administration pourra contrôler aussi l’exercice clos au 31 décembre 2017.
Il a été jugé qu’une vérification de comptabilité ne peut être régulièrement engagée au titre d'une année pour laquelle le délai de déclaration n'est pas encore expiré (CE 8 avril 1998 n° 157508), mais l’envoi d’un avis de vérification avant l’expiration du délai légal de déclaration n’est pas irrégulier si celui-ci parvient à son destinataire après cette date (CE 11 février 2013).
Une exception à cette règle est toutefois prévue pour les redevables de la TVA relevant du régime simplifié d'imposition. C’est ainsi que pour ces redevables, l'administration peut contrôler les opérations réalisées ou facturées dès le début du deuxième mois suivant leur réalisation ou leur facturation, et ce, indépendamment de toute échéance déclarative (LPF art. L 16 D).
De même, sous peine de nullité de la procédure, l’avis doit mentionner expressément que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix au cours du contrôle. En général, il s’agit de l’expert-comptable de la société ou d’un avocat fiscaliste, sachant qu’aucune disposition ne s’oppose à ce que le contribuable se fasse assister par n’importe quelle personne de son choix, et ce conseil, sauf s’il est avocat, doit présenter un mandant du contribuable l’autorisant à le représenter, à moins qu’il agisse en sa présence. L’administration peut même accepter, si l’importance de l’entreprise le justifie, que le contribuable soit assisté de deux conseils (BOI-CF-PGR-20-20, n°20).
En revanche, il a été jugé qu’aucune disposition n’oblige l’administration à mentionner sur l’avis de vérification quels sont les impôts sur lesquels porte la vérification (CE 11 décembre 1987).
L’avis fixe la date du premier rendez-vous, c’est-à-dire la date à laquelle le vérificateur va se rendre pour la première fois dans les locaux de l’entreprise.
Le contribuable a la possibilité de solliciter un report de la date de la première intervention. Cette demande est formulée par courrier ou par mail. D'ailleurs, ce premier rendez-vous est consacré souvent à la visite des locaux de l’entreprise et à un simple examen formel des documents comptables.
L’avis invite l’entreprise à tenir à la disposition du vérificateur les documents comptables. En cas de tenue d’une comptabilité au moyen de systèmes informatisés, le contribuable doit présenter ses documents comptables en remettant à l'administration une copie des fichiers des écritures comptables sous forme dématérialisée, au début des opérations de contrôle.
Il faut observer que l’avis n’est plus accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, mais il informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site Internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. Ce document résume les principales règles applicables en matière de contrôle fiscal et les dispositions qui y sont contenues sont d’ailleurs opposables à l'administration fiscale.
Le juge n’hésite pas à accorder la décharge de l’imposition s’il est établi que la vérification de comptabilité a commencé, en réalité avant sa notification formelle. C’est le cas par exemple lorsque le vérificateur a engagé un débat contradictoire avec le contribuable, lors d’une rencontre dans les locaux de l’administration avant même l’envoi de l’avis de vérification.
Conformément à l’alinéa 4 de l’article 47 du LPF, l’administration fiscale peut également débuter sa vérification par un contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation (inventaire réel du stock, par exemple) ou de l'existence et de l'état des documents comptables, et dans ce cas, l'avis de vérification de comptabilité est remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles, l'examen au fond des documents comptables ne pouvant commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. Ainsi le contrôle inopiné est irrégulier s’il ne se borne pas à faire de simples constatations matérielles (CE Ass. 22 mai 1989 n° 68832).
Cet arrêt du Conseil d’Etat vient confirmer que lorsqu’un contribuable exerce plusieurs activités, un avis de vérification unique peut lui être envoyé s'il ressort des déclarations produites que l'ensemble des opérations sont retracées dans une seule comptabilité. L’administration n’était donc pas tenue de suivre une procédure de vérification distincte pour chacune des activités exercées par le contribuable. La demande de ce dernier sur ce point a donc été rejetée par le Conseil d’Etat.
2. En deuxième lieu, sur la modification des rectifications contenues dans la proposition de rectification
Le contribuable soutenait devant les juges du fond que les courriers du 2 mars 2017 par lesquels l'administration l'avait avisé d'une modification des conséquences financières découlant des redressements qui lui avaient été notifiés, telles qu'initialement précisées par la proposition de rectification du 18 décembre 2015 ayant suivi la vérification de comptabilité et par la lettre du 7 mars 2016 répondant à ses observations sur la proposition de rectification ayant suivi l'examen de sa situation fiscale personnelle, devaient être regardées comme constituant de nouvelles propositions de rectification, et que l'administration ne pouvait mettre en recouvrement les rehaussements ainsi modifiés sans répondre aux observations qu'il avait formulées sur ces lettres le 11 avril 2017.
Sur ce point, le Conseil d’Etat retient d’abord que le courrier du 2 mars 2017 modifiant les conséquences financières de la vérification de comptabilité a entendu corriger une erreur affectant la saisie du résultat reconstitué en matière de bénéfices industriels et commerciaux et une erreur tenant à l'omission d'un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au profit du contribuable, et indiquait, par rapport aux montants arrêtés par la proposition de rectification, un montant de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits, inchangé, et un montant des droits réclamés au titre des bénéfices industriels et commerciaux modifié à la baisse, de sorte que ces courriers ne notifiaient aucune rectification supplémentaire au contribuable.
Ensuite, le Conseil d’Etat observe que les courriers du 2 mars 2017 mentionnaient, s'agissant des conséquences financières de la vérification de comptabilité, l'application d'une majoration de 345 euros sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts qui n'avait pas été mise en œuvre auparavant. Ainsi, s'agissant de cette majoration de 345 euros dont le contribuable n'avait pas été en mesure auparavant de contester le principe, celui-ci est fondé à soutenir qu'en jugeant que l'administration n'était pas tenue de répondre à ses observations sur ce point, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
Il faut rappeler qu’aux termes de l’article L 57 al. 1 du Livre des Procédures Fiscales (LPF), l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. La proposition de rectification doit donc être précisément motivée, afin que le contribuable sache exactement ce que l’administration lui reproche. L’administration est ainsi tenue de produire des éléments de faits et de droit. Elle doit établir clairement les faits avant d’en tirer toutes les conséquences et procéder aux rectifications. Chaque chef de rectification doit être mentionné de manière distincte. Sous peine d'irrégularité, la proposition de rectification doit indiquer, par exemple, la catégorie de revenus à laquelle doivent être rattachés les rectifications.
L’administration doit faire connaître au redevable la nature, les motifs et le montant des rectifications envisagées. Contrairement à la juridiction judiciaire, la juridiction administrative n'exige pas impérativement que la proposition de rectification indique les textes fondant les rectifications. Cependant, l'administration est tenue de mentionner, dans la proposition de rectification, les textes dont elle fait application lorsque cette indication est nécessaire pour éclairer le contribuable sur les considérations de droit fondant la rectification envisagée et lui permettre de la discuter utilement. Cela dit, la circonstance que l’un des motifs de rectification indiqué par le vérificateur soit erroné n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure d’imposition, à moins que le contribuable, par ce fait, n’ait pas été en mesure de produire des observations. De même, la proposition de rectification ne peut être analysée comme insuffisamment motivée du seul fait qu’elle ne mentionne pas certains articles du code général des impôts (CGI) dont le vérificateur fait application. C’est ainsi qu’est suffisamment motivée la proposition de rectification qui indique la nature et le montant des rectifications envisagées et comporte, chef par chef, des indications relatives aux motifs de ces rectifications, suffisantes pour permettre au contribuable d'engager valablement une discussion avec l'administration (CE 21-6-1985 n° 41313). De même, une proposition de rectification qui indique les motifs pour lesquels la comptabilité a été écartée, ainsi que la méthode de reconstitution des recettes utilisée, est suffisamment motivée dès lors qu'elle permet au contribuable d'engager utilement un dialogue avec le service, même si elle ne comporte pas certains tableaux annexes de calcul (CE 3-7-2002 n° 204647). En revanche, une proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires d'un hôtel dès lors que, pour justifier le taux d'occupation retenu, elle se fonde sur le taux rencontré dans d'autres établissements mais ne comporte ni indications chiffrées relatives aux établissements ayant servi de référence, ni désignation de ces établissements (CAA Bordeaux 2-11-2005 n° 02-1781).
Dans un cas où l'administration a envoyé à un contribuable une proposition de rectification se bornant à informer l'intéressé qu'elle substituait au revenu global déclaré par lui un revenu plus élevé calculé d'après son enrichissement apparent sans indiquer les catégories de revenus auxquelles se rattacherait le supplément de revenu global, le Conseil d'Etat a jugé que, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une mise en œuvre de l'article 168 du CGI relatif à l’évaluation forfaitaire du revenu global d'après les éléments du train de vie, une telle proposition, qui ne fait pas connaître au contribuable avec une précision suffisante la nature et les motifs des rectifications, ne satisfait pas aux prescriptions de l'article L 57 du LPF. La procédure était donc entachée d'irrégularité (CE 2-12-1977 n° 99098).
A réception de la proposition de rectification, le contribuable dispose d’un délai de 30 jours pour faire parvenir à l’administration son acceptation ou ses observations ; le délai pouvant être prorogé de 30 jours supplémentaires à la demande du contribuable. L'application de la prorogation est de droit en procédure de rectification contradictoire si la demande a été formulée dans le délai par le contribuable. Les demandes de prorogation du délai de réponse présentées après l'expiration du délai initial ne sont pas recevables sauf circonstances exceptionnelles invoquées par le contribuable (Inst. 31-3-2008, 13 L-3-08 n° 9). La prorogation de 30 jours concerne les réponses aux rectifications effectuées dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire. Cependant, les contribuables qui sont taxés d'office en application de l'article L 69 du LPF (défaut de réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications) à l'issue d'un examen de situation fiscale personnelle peuvent bénéficier de la prorogation pour répondre à la proposition de rectification s'ils le demandent expressément avant l'expiration du délai de 30 jours initial (Inst. 31-3-2008, 13 L-3-08 n° 4).
En ce qui concerne le point de départ de ce délai, la date à retenir est celle du retrait effectif, lorsque le pli a été retiré. Si le pli n'a pas été retiré, la date à retenir est celle de la présentation à domicile. Ainsi, lorsque le pli recommandé avec demande d'avis de réception, contenant la notification de la proposition de rectification, n'a pas été retiré au bureau de poste, le point de départ du délai imparti au contribuable pour présenter ses observations est la date de la présentation de ce pli à son domicile, de sorte que l'envoi ultérieur d'une copie par lettre simple n'a pas pour effet d'ouvrir à nouveau le délai de réponse du contribuable (Cass. com. 29-3-2011). En cas de retrait au bureau de poste, le délai de réponse court à compter de la date de ce retrait au bureau de poste, même si la personne qui a retiré le pli l'a réexpédié à une autre adresse où il n'a été reçu qu'ultérieurement (CE 4-4-1990 n° 65943).
Le délai de 30 jours, éventuellement prorogé, est un délai franc. Il est donc fait abstraction du jour du point de départ du délai et de celui de son échéance. De même, lorsque le dernier jour où le contribuable peut présenter sa réponse est un samedi ou un jour férié, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Pour apprécier la recevabilité de la réponse à l'égard du délai, il est retenu comme date celle de l'envoi des observations à l'administration, le cachet de la poste faisant foi. Il est recommandé de doubler cet envoi par l’envoi d’un courriel.
Les cas d’acceptation ne sont pas très fréquents, étant précisé que l'absence de réponse dans le délai imparti produit les mêmes effets qu'une acceptation formelle. L’acceptation du contribuable peut être formelle ou sous conditions. La circonstance que la loi donne au contribuable un délai de trente jours pour présenter les observations sur une proposition de rectification ne rend pas irrégulière une procédure dans laquelle le contribuable donne son accord par écrit avant l'expiration de ce délai, y compris le jour même de la réception de la proposition. Cette acceptation est opposable au contribuable dès lors qu'il ne l'a pas remise en cause dans le délai de réponse (CE 6-1-1986 n° 42033 ; CAA Marseille 16-11-1999 n° 97-60). De même, l'acceptation immédiate qu'a donnée le contribuable, par écrit et en présence de ses conseils, à la proposition de rectification que le vérificateur lui a remise en main propre est régulière même si elle n'a été accordée que du fait des difficultés de trésorerie qu'il connaissait alors (CE 6-1-1988 n° 54799).
Au lieu d’une acception formelle, le contribuable peut aussi accepter la proposition de rectification sous condition, telle que la conclusion d’une transaction, étant précisé qu'une demande de transaction formulée dans les trente jours de la proposition de rectification sans prise de position nette peut être assimilée à une acceptation sous réserve de transaction. Si, à la suite de cette procédure, la transaction apparaît impossible ou ne se réalise pas, la proposition de rectification doit être considérée comme refusée. Lorsqu'une société, en réponse aux propositions de rectifications reçues de l'administration, fait connaître qu'elle n'accepte les rectifications proposées qu'à la condition que les impositions litigieuses ne seraient pas mises en recouvrement avant un certain délai, un semblable acquiescement, qui n'est pas pur et simple, ne peut être regardé comme une acceptation. Un contribuable ne peut être regardé comme ayant donné son accord aux rectifications proposées par l'administration lorsque, n'ayant accepté ces propositions qu'à la condition que sa bonne foi soit reconnue, il a fait l'objet d'impositions assorties de pénalités excluant cette bonne foi (CE 8-8-1990 n° 58132).
Lorsqu'il résulte de l'instruction que le contribuable a subordonné son acceptation des rectifications proposées à la condition que seules les pénalités prévues en cas de bonne foi soient appliquées aux droits en principal, l'accord ainsi intervenu entre le contribuable et l'administration n'a pas le caractère d'une transaction. Par suite, l'administration reste libre de ne pas respecter cette condition et d'appliquer au contribuable les majorations pour mauvaise foi. Mais, en pareil cas, le contribuable ne peut être regardé comme ayant donné son accord aux rectifications proposées (CE 28-11-1986 n° 47147).
L’acceptation du contribuable de la proposition de rectification ne doit pas être donnée sous les pressions du vérificateur. C’est ainsi que lorsque l'instruction et notamment le témoignage d'un représentant d'un cabinet comptable établissent que le vérificateur a refusé au contribuable le bénéfice des garanties prévues en cas de vérification de comptabilité (délai de réponse, assistance d'un conseil) et l'a menacé de rehaussements encore plus élevés s'il n'acceptait pas immédiatement les propositions de rectifications notifiées en main propre le jour même, le contribuable est regardé comme apportant la preuve que son acceptation a été viciée par ces pressions (CE 3-11-1986 n° 49763). De même, l'acceptation immédiate donnée par la gérante d'une société aux propositions de rectifications qui lui ont été notifiées, en main propre, doit être regardée comme viciée, dès lors que la société établit par trois témoignages concordants que cette acceptation ainsi que l'absence de rétractation dans le délai de réponse de trente jours étaient dues aux pressions du vérificateur qui avait menacé d'aggraver les pénalités et d'étendre son contrôle sur un autre exercice. Par suite, la procédure d'imposition est irrégulière (CAA Nancy 28-11-2002 n° 98-2150). Lorsqu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a menacé le contribuable de poursuites pénales, au cas où celui-ci n'accepterait pas les rectifications envisagées, et a maintenu sa position jusqu'à ce qu'il ait obtenu par écrit cette acceptation, le contribuable doit être regardé, dans les circonstances particulières de cette affaire et eu égard notamment à son état de santé, comme ayant apporté la preuve que son acceptation des propositions de rectifications repose sur un vice du consentement et qu'il a été privé des garanties de la procédure contradictoire. Par suite, la procédure est irrégulière et le contribuable obtient la décharge des impositions contestées (CE 15-2-1989 n° 46409).
Dans tous les cas, l’accord donné par le contribuable à la proposition de rectification, soit de manière expresse, soit du fait de son silence pendant 30 jours, met un terme à la procédure. L’administration édicte un nouvel acte d’imposition sur les bases des rectifications proposées. Il ne sera possible dans ce cas que d’engager une réclamation contentieuse par la suite. Cependant, le contribuable ne peut plus demander, comme cela aurait été possible, la saisine préalable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. De plus, il reviendra au contribuable de prouver le caractère exagéré des rectifications, l’administration, dans ce cas, n’ayant plus la charge de la preuve, car aux termes de R* 194 -1 al. 1 du LPF, lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré.
A la place d’une acceptation, bien souvent, ce sont des observations que le contribuable est amené à formuler. Aucune condition de forme n'étant imposée par la loi, le contribuable peut présenter ses observations oralement ou par écrit. Cependant, il a été jugé que les observations que le contribuable entend présenter en réponse à la proposition de rectification doivent être formulées par écrit dans le délai prévu par la loi. Ainsi, des observations écrites parvenant après l'expiration de ce délai sont considérées comme tardives alors même que le contribuable aurait, dans ce délai, présenté des observations orales au cours d'un entretien avec le vérificateur (CE 3-7-1985 n° 39952).
En ce qui concerne les personnes ayant qualité pour répondre à la proposition de rectification, il s’agit du contribuable lui-même, mais aussi de toute personne qui, étant son représentant légal, pourrait, à la date de la réponse, être prise pour destinataire d'une proposition de rectification le concernant. Les autres personnes n'auraient la possibilité de le faire que si elles justifiaient d'un mandat régulier délivré à cet effet, sauf les avocats, car la possibilité, pour un avocat, de représenter un contribuable au cours de la procédure d'imposition n'est pas subordonnée à la justification du mandat qu'il a reçu ; les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte.
Les observations, elles-mêmes, peuvent consister en un refus pur et simple ou comporter une argumentation à laquelle l'administration devra répondre. Il convient de reprendre un par un les éléments qu’on entend contester et appuyer ses arguments avec des documents justificatifs.
Il faut remarquer qu’en cas de liquidation judiciaire, la procédure de rectification entamée avec le contribuable avant le jugement de liquidation se poursuit avec le liquidateur. En effet, il a été jugé qu’au cas où la procédure de rectification est entamée avec le contribuable avant le jugement de liquidation, elle se poursuit avec le liquidateur, qui doit être informé de son existence par le contribuable en application des dispositions combinées des articles L.622-6 et L. 641-1 du code de commerce, sans que l'administration soit tenue de réitérer à l'égard du liquidateur les actes qu'elle a régulièrement accomplis à l'égard du contribuable avant son dessaisissement. En l’espèce, une société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2003 au 28 février 2006. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a adressé le 19 septembre 2006 à la gérante, une proposition de rectification dont celle-ci a accusé réception le 26 septembre 2006. Par des observations datées du 27 septembre 2006 et reçues par l'administration fiscale le 2 octobre 2006, la gérante a contesté cette proposition de rectification. Par un jugement du 29 septembre 2006, le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société et désigné un liquidateur. L'administration fiscale a confirmé les rehaussements par un courrier daté du 20 octobre 2006, adressé d'une part, à la société, prise en la personne de ladite gérante, d'autre part, au liquidateur dont elle avait été informée de la désignation. La réponse aux observations du contribuable adressée au liquidateur était accompagnée d'une copie de la proposition de rectification. Un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Grenoble a déclaré solidairement responsable, ladite gérante des impôts et pénalités dus par la société. Elle a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des impositions ainsi mises à sa charge. Le tribunal a rejeté sa demande. La cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le jugement au motif que l'administration, qui avait régulièrement adressé la proposition de rectification à la gérante avant l'intervention du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société, n'était pas tenue d'adresser à nouveau cette proposition au liquidateur après l'intervention de ce jugement afin que ce dernier dispose d'un nouveau délai de trente jours pour présenter, le cas échéant, ses observations. La gérante se pourvoit en cassation, mais le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel en considérant que si une proposition de rectification doit, postérieurement à l'intervention du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, être adressée au liquidateur du contribuable mis en liquidation judiciaire, il en va différemment lorsque l'administration fiscale a régulièrement adressé la proposition de rectification au contribuable avant l'intervention de ce jugement, et que dans ce cas, la procédure de rectification entamée avec le contribuable se poursuit avec le liquidateur, qui doit être informé de son existence par le contribuable en application des dispositions combinées des articles L. 622-6 et L. 641-1 du code de commerce, sans que l'administration soit tenue de réitérer à l'égard du liquidateur les actes qu'elle a régulièrement accomplis à l'égard du contribuable avant son dessaisissement. Le Conseil d’Etat a ajouté que si le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire intervient au cours du délai de trente jours imparti au contribuable, à compter de la réception de la proposition de rectification, pour présenter des observations, ce délai continue à courir à l'égard du liquidateur qui se trouve, à compter de sa désignation, substitué au contribuable. Le Conseil d’Etat a conclu que si l'administration fiscale ne peut, sans vicier la procédure d'imposition, mettre en recouvrement des impositions supplémentaires avant l'expiration du délai imparti au contribuable pour faire valoir ses observations, il lui est loisible de répondre, sans attendre l'expiration de ce délai, aux observations que le contribuable lui a adressées, la mise en recouvrement n'intervenant que postérieurement à l'expiration du délai de trente jours prévu pour les observations du contribuable. Ainsi, la circonstance que l'administration fiscale avait répondu à ces observations avant l'expiration de ce délai était sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition (CE 20 décembre 2017, n° 403267).
Dans tous les cas, il convient de répondre à la proposition de rectification dans le délai imparti en fournissant au vérificateur des pièces justificatives permettant de soutenir les arguments avancés et en soulevant l’ensemble des points litigieux, car si le contribuable ne conteste que certains chefs de rectifications, l’administration pourra considérer qu’il a donné son accord tacite sur les chefs de rectification non critiqués, et la charge de la preuve sera renversée à leur propos en cas de recours contentieux.
Une fois que le contribuable a envoyé ses observations en exprimant son désaccord, deux situations peuvent se présenter. Dans un premier cas, l’administration est convaincue en tout ou en partie par les explications du contribuable. Elle liquide alors l’impôt sur la base de ces explications en signifiant au contribuable par écrit sa décision de modifier à la baisse les rectifications. En effet, aux termes de l’article L 48 du LPF, lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. L’administration peut aussi décider d’abandonner purement et simplement les rectifications. Mais il peut aussi arriver que le vérificateur ne sache pas vraiment quoi faire à la suite des explications du contribuables. Dans ce cas il n’y a pas de délai à respecter. Du côté du contribuable, il ne faut pas être pressé non plus. Il faut attendre patiemment et espérer ne rien recevoir jusqu’au terme du délai de reprise. Cependant aux termes de l’article L 57 A du LPF, en cas de vérification de comptabilité ou d'examen de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable.
Dans un second cas, si l’administration n’est pas convaincue par les observations du contribuable, il lui est imposé alors d’y répondre de manière motivée. En effet, aux termes de l'article L 57, al. 5 du LPF, lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. Cette réponse de l’administration aux observations du contribuable est faite sur l’imprimé N°3926.
Il faut remarquer que l'absence de réponse de l'administration aux observations du contribuable constitue une irrégularité de procédure de nature à entraîner la décharge des impositions supplémentaires lorsqu'elle prive l'intéressé de la possibilité de connaître les motifs sur lesquels l'administration s'appuie pour justifier le bien-fondé des rectifications maintenues. Il en est de même quand le défaut de réponse le prive, en cas de persistance du désaccord, de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il a ainsi été jugé que la procédure d'imposition est irrégulière lorsque l'administration ne répond pas aux observations par lesquelles le contribuable conteste explicitement les rectifications correspondant à ses rémunérations en qualité de gérant majoritaire d'une Selarl et la remise en cause de ses investissements immobiliers outre-mer, mais qu’en revanche, le contribuable ne peut obtenir la décharge des autres rectifications pour lesquelles il n'a formulé, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, aucune observation ou s'est borné, en ce qui concerne les revenus fonciers, à contester la procédure d'imposition (CE 11-4-2014 n° 349719).
L'absence de réponse de l'administration aux observations du contribuable auquel a été notifiée une proposition de rectification n’entraîne plus automatiquement la décharge des impositions. Il convient désormais d'apprécier si le non-respect de cette obligation a privé l'intéressé des garanties qui découlent d'une telle exigence.
Si l'administration est tenue de répondre aux observations du contribuable présentées dans le délai de trente jours après la notification de la proposition de rectification et que le contribuable dispose d'un délai de trente jours, à compter de cette réponse, pour demander la saisine de la commission départementale des impôts, l'administration n’est pas obligée de répondre à de nouvelles observations présentées ultérieurement par le contribuable, ni de faire courir un nouveau délai pour la saisine de la commission départementale lorsque l'administration a répondu aux nouvelles observations du contribuable (CE 28-11-2003 n° 243329).
Dans tous les cas, comme il a été retenu par le Conseil d’Etat dans l’arrêt commenté, s'agissant des conséquences financières de la vérification de comptabilité, l'application d'une majoration sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts qui n'avait pas été mise en œuvre auparavant, dans la proposition de rectification, ne peut l’être plus tard, sans que l'administration ne soit tenue de répondre aux observations du contribuable sur ce point. La cour administrative d'appel ayant jugé le contraire, elle a commis une erreur de droit. Le Conseil d’Etat donne ainsi gain de cause au contribuable sur ce point.
3. En troisième lieu, sur la reconstitution du chiffre d’affaires
Au cas particulier, après avoir écarté comme non probante la comptabilité présentée par le contribuable, le vérificateur a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, et pour reconstituer les recettes non déclarées du restaurant exploité sous l'enseigne " Les Flots Bleus ", le vérificateur a suivi la méthode dite " des cafés ", consistant à estimer, d'une part, le nombre de ventes de café non enregistrées, en évaluant le nombre de cafés servis à partir des achats et de l'évolution des stocks, et en en déduisant le nombre de cafés enregistrés comme vendus, la consommation estimée du personnel et une réfaction de 5 % au titre des cafés offerts, à estimer, d'autre part, le chiffre d'affaires associé à chaque café vendu, et enfin à multiplier le nombre estimé de cafés dont la vente n'a pas été enregistrée par le chiffre d'affaires par café vendu estimé.
Le contribuable soutenait que la méthode suivie pour reconstituer les recettes de cet établissement était radicalement viciée, dans la mesure où si le nombre de cafés regardés comme vendus par le vérificateur incluait les cafés vendus isolément, les cafés vendus avec des glaces, et les cafés gourmands et cafés liégeois, il ne tenait pas compte des cafés simples inclus dans le prix de la majorité des menus.
Sur ce point également, le Conseil d’Etat lui donne raison en jugeant que le contribuable est fondé à soutenir qu'en écartant le moyen tiré de que la méthode suivie pour reconstituer les recettes de cet établissement était de ce fait radicalement viciée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de qualification juridique.
En effet, dans certaines situations, l’administration fiscale peut estimer que la comptabilité de l’entreprise est dénuée de toute valeur probante au regard des graves irrégularités qu’elle comporte. Le rejet de la comptabilité est possible, d’abord lorsque la comptabilité est irrégulière, c’est-à-dire lorsqu’elle comporte des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, lorsqu’il y a absence de pièces justificatives, ou encore la non-présentation de la comptabilité.
Il a été jugé que le fait qu’une comptabilité comporte des omissions volontaires de recettes suffit en principe à établir son absence de valeur probante (CE 24 novembre 1986 n° 46012). L’omission de comptabilisation des recettes, pour une partie de la période vérifiée, affecte ainsi la valeur probante de la comptabilité, pour toute la période (CE 7 juillet 1982). Est également dépourvue de valeur probante, une comptabilité commune à deux entreprises différentes, même si elles sont installées dans les mêmes locaux (CE 3 décembre 1982). La valeur probante fait aussi défaut en l’absence de documents comptables, alors même qu’il est établi qu’ils ont été détournés par le comptable (CE 2 juin 1982). Il en est de même lorsque la comptabilité a été détruite par un incendie (CE 26 juillet 1982), ou encore lorsque les documents ont été volés (CE 27 février 1984). Cependant l’omission de dépenses faites sans factures, et d’un faible montant pendant une période limitée ne prive pas la comptabilité de valeur probante (CE 27 octobre 1982).
Le rejet de comptabilité est possible également lorsque la comptabilité est apparemment régulière, mais que le vérificateur a des raisons sérieuses d’en contester la sincérité. C’est le cas d’une boîte de nuit ou d’une boulangerie qui soutiendrait qu’elle n’encaisse jamais d’espèce. En cas de rejet de la comptabilité, le vérificateur détermine les bases d’imposition à l’aide de tous les éléments dont il dispose et il a la liberté de choix de la méthode. La méthode employée est très variable, selon la nature de l’activité de l’entreprise et des indices et éléments dont dispose le vérificateur. Dans certains cas, le vérificateur ne dispose d’aucune information interne à l’entreprise et il doit donc faire avec les moyens de bord. Le fait qu’une comptabilité soit dépourvue de valeur probante ne fait pas obstacle à ce que l’administration utilise des éléments tirés de cette même comptabilité pour reconstituer le chiffre d’affaires.
Les principales méthodes utilisées par l’administration sont celles de l’extrapolation et celle de l’enrichissement. « L’extrapolation consiste à généraliser ou à interpréter des résultats déjà obtenus, dans un domaine où le manque de données n’a pas permis l’analyse » (Thierry LAMBERT, Procédures Fiscales, LGDJ). Cette méthode permet ainsi au vérificateur de dégager un pourcentage de dissimulation et à le généraliser.
La méthode de l’enrichissement, quant à elle, repose sur la présomption selon laquelle il ne peut y avoir d’enrichissement sans gain. Le vérificateur va donc aller voir la caisse privée du contribuable. Dans tous les cas, l’administration a la liberté du choix de la méthode pour reconstituer la comptabilité. Il a été admis la reconstitution du chiffre d’affaires d’un salon de coiffure pour dames en évaluant le nombre de clientes ayant fréquenté le salon pendant les années soumises à vérification grâce au rapport entre la consommation annuelle d’électricité des séchoirs à cheveux équipant le salon et la consommation correspondant au temps moyen de séchage par cliente (CE 25 juillet 1986 n°50497).
De même le vérificateur peut reconstituer les recettes d’une boulangerie par utilisation de la méthode du rendement par quintal de farine, c’est-à-dire mesurer pour une période d’une semaine, par exemple, la quantité de farine utilisée et les marchandises vendues. Cependant le juge n’accepte de telles reconstitution que lorsque la méthode retenue par le vérificateur n’est ni exagérément sommaire ni radicalement viciée, et que par ailleurs, le contribuable n’a pas proposé une méthode d’évaluation plus convaincante (CE 29 octobre 2003).
En ce qui concerne les restaurants, dès lors que l’administration dispose d’une part, d’une comptabilité fiable des achats d’alcool et d’autre part, d’une quantité suffisante d’additions établies, permettant d’apprécier la consommation moyenne de vin par client, elle procède souvent à la reconstitution, en se fondant sur la quantité de vins vendue sur une période donnée (CE 27 mars 2000). Cependant une reconstitution faite sur les seuls achats de fromage est jugée sommaire (CE 24 novembre 1986). De même, une méthode de reconstitution du chiffre d’affaires d’un établissement de restauration rapide, reposant sur le nombre de clients évalués à partir du nombre des serviettes en papier achetées, est radicalement viciée dans son principe (CAA Bordeaux 9 mars 1999).
Ont été jugés trop sommaires, une reconstitution effectuée à partir d’articles choisis simplement au hasard (CE 10 février 1993) ; une reconstitution des recettes d’une poissonnerie à l’aide d’un relevé des prix ne portant que sur une matinée ( CE 5 mars 1993) ; une reconstitution du chiffre d’affaires d’un bar-restaurant, sur toute la période vérifiée, à partir d’un fragment de bande enregistreuse, sans tenir compte du nombre de jours ouvrables, ni des variations saisonnières, ni des modifications de conditions d’exploitation au cours de la période (CE 7 mai 1986).
Lorsque le juge considère que la méthode de reconstitution de la comptabilité est radicalement viciée dans son principe, il procède systématiquement à la décharge des impositions (CE 24 juillet 1987 n°52778). Cependant, lorsque la méthode apparaît simplement excessivement sommaire, il apprécie au cas par cas.
Dans l’arrêt commenté, la méthode suivie pour reconstituer les recettes de cet établissement a été jugée par le Conseil d’Etat, comme étant radicalement viciée, dans la mesure où si le nombre de cafés regardés comme vendus par le vérificateur incluait les cafés vendus isolément, les cafés vendus avec des glaces, et les cafés gourmands et cafés liégeois, il ne tenait pas compte des cafés simples inclus dans le prix de la majorité des menus.
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03/11/2023, 460520.
Arnaud Soton
Avocat fiscaliste
Professeur de droit fiscal
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