Mais qu’en est-il du point de départ de la prescription en matière salariale lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat ? Tel était précisément le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 2022, rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Soc. 14 décembre 2022, n°21-16.623).
En l’espèce, un salarié avait été engagé en qualité de coursier sous contrat à temps partiel. L’intéressé a pris acte de la rupture de son contrat avant de saisir la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, et en particulier la requalification de son contrat en temps complet.
Les juges du fond le déboutèrent de sa demande, invoquant le fait que sa demande de requalification de son contrat de travail temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite.
La Chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi formé par le salarié, va, au visa des articles L.3242-1 et L.3245-1 du Code du travail, casser l’arrêt d’appel.
Une prescription en matière salariale conditionnée par la nature de la créance invoquée
Le régime de prescription en matière salariale fixe désormais la durée de la prescription selon la nature de la créance invoquée. Ainsi, l’article L.3245-1 dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faire lui permettant de l’exercer.
La demande peut alors porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La Chambre sociale en déduit que la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est soumise à la prescription triennale de l’article L.3245-1 du Code du travail.
Un point de départ reprécisé en cas de rupture du contrat de travail
L’identification de la durée de la prescription en matière salariale n’est que peu utile si son point de départ n’est pas lui aussi identifié. Ainsi, la Haute juridiction, dans l’arrêt du 14 décembre 2022, va procéder à une interprétation combinée des articles L.3242-1 et L.3245-1 du Code du travail, pour affirmer que le délai de prescription en matière salariale court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible.
Les hauts magistrats vont rajouter que « pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré », après avoir rappelé que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour de connaissance des faits, ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Or, les juges du fond avaient ici considéré comme prescrite l’action en requalification pour la période antérieure au 13 juillet 2014, dans la mesure où le salarié avait saisi la juridiction prud’homale le 13 juillet 2017 d’une demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et que le contrat de travail avait été rompu par la prise d’acte de la rupture le 11 mai 2017.
Erreur de raisonnement pour la chambre sociale, qui constate que le salarié bien qu’ayant saisi la juridiction prud’homale le 13 juillet 2017, sollicitait un rappel de salaire pour la période de mai 2014 à mai 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, de sorte que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l’intégralité de cette période.
La solution livrée par la chambre sociale apporte ainsi une utile précision quant à l’interprétation à donner au point de départ défini à l’article L.3245-1.
Il est loisible au salarié de formuler une demande de rappel de salaire sur les créances des trois années précédant la rupture du contrat.
Cette solution se relèvera plus favorable au salarié introduisant une demande en justice postérieurement à la rupture de son contrat de travail et lui permet, s’il tarde à saisir les juridictions après la rupture de son contrat, de ne pas se trouver pénalisé par une extinction de ses droits en matière de rappel de salaire.
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