• Pourquoi un permis de construire modificatif ? 

Il permet au titulaire d’un permis de construire d’apporter des évolutions mineures à son projet sans avoir à déposer une nouvelle demande de permis initial à l’administration. 

Très peu de sources juridiques évoquent ce type de permis.

Sa pratique est née d’une circulaire du 16 mars 1973 qui disposait déjà en son temps que :  « Un permis de construire modificatif ne se conçoit que dans la mesure où le projet n'est pas fondamentalement changé ; dans le cas contraire, un nouveau permis doit être sollicité. »

On peut également citer l’article L.462-2 du code de l’urbanisme qui est relatif au récolement des travaux par l’administration. Lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré, l’autorité compétente peut mettre en demeure « le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité ». 


Enfin, l’article A. 431-7 du code de l'urbanisme dispose quant à lui que : « La demande de modification d'un permis de construire en cours de validité est établie conformément au formulaire enregistré par le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique sous le numéro CERFA 13411. ».

C’est donc principalement la jurisprudence qui en a fixé le régime. 

Étant donné le lien étroit tenant le permis initial et le permis modificatif, il est logique que le juge administratif exige que les modifications envisagées aient un lien avec le permis modifié.
Il est donc de jurisprudence constante que les modifications projetées ne doivent pas remettre en cause l’économie générale du projet autorisé par le permis initial (CE, 26 juillet 1982, Le Roy, n°23604 ; CE, 6 mars 2002, Besombes et a., n° 238478 ; CE, 25 novembre 2020, n° 429623).

A titre d’exemples, constituent des changement qui , de par leur nature ou leur ampleur, remettent en cause la conception générale du projet : 

- l’implantation nouvelle de trois bâtiments supplémentaires (CE, 27 février 198, Pras, n° 07574).

- le déplacement de l’implantation d’un immeuble de près de 15 mètres (CE, 8 novembre 1985, Cavel et Gillet, n° 45417).

- des modifications importantes de l’aspect extérieur du bâtiment avec une surélévation de la construction (CE, 5 décembre 2001, Epoux Lapenna, n°221548 ).

- une division parcellaire passant de 13 parcelles à 30 parcelles (CE, 22 novembre 2002, François-Poncet, n°204244).

- la construction de conception totalement différente de celle du permis initial (CE, 10 mai 1995, n°130369)


A contrario, peuvent constituer des modifications acceptables avec un permis de construire modificatif :

- un accroissement de la surface hors oeuvre nette d’un projet (CE, 27 avril 1994, Epoux Bouchy, n°128478).

- l’ajout d’un annexe à usage futur de garage (CE, 28 décembre 1992, Garcin et a., n°101162).

- le creusement d’un niveau de sous-sol supplémentaire pour le stationnement de véhicules (CE, 23 juin 1993, n°118776).

- le réaménagement des espaces intérieurs (CE, 28 juillet 1999, n°182167).
 

  • Quelles conditions doivent être respectées par le pétitionnaire ? 

- Sauf en cas de récolement des travaux par l’administration (L.462-2 du code de l’urbanisme ; R. 462-9 du code de l’urbanisme), la demande ne peut être imposée par le l’autorité administrative compétente.

- La demandeur au permis doit pouvoir prouver qu’il est autorisé à le solliciter comme le prévoit l’article L.421-1-1 du code de l’urbanisme.

- Le dossier déposé doit théoriquement contenir toutes les pièces exigées pour le permis initial (CE, 4 février 2004, Molinari, n°254223).

- Les travaux ne doivent pas être achevés : le dépôt de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux ne fait pas obstacle à la délivrance du permis modificatif.
Néanmoins, une fois le certificat de conformité délivré, le permis modificatif ne pourra être accordé (CAA Nancy 20 janv. 2011 N° 09NC01896).

- Le permis de construire initial ne doit pas être caduc étant donné que le permis modificatif se réfère aux énonciations du permis initial (CE, 29 décembre 1997, SCI Résidence Isabella, n°104903).
Il n'apporte aucun changement à la durée de validité du permis initial (Rép. min. n° 70111). Il peut néanmoins en régulariser les illégalités (CE, 2 févr. 2004,, SCI La Fontaine de Villiers, n° 238315).


  • Quelles sont les options de l’autorité compétente sur une demande de permis modificatif ?

Une fois la demande de permis modificatif envoyée, l’autorité compétente a 2 mois pour répondre à la demande en cas de maison individuelle et peut aller jusqu’à 3 mois. L’administration peut, dans le mois suivant le dépôt de la demande, requérir un délai supplémentaire d’instruction si cela est nécessaire. 

- En cas d’acceptation de la part de l’autorité compétente, le pétitionnaire doit afficher ce nouveau permis sur le terrain d’assiette du projet de façon à ce que les tiers puissent être informer du projet. L’affichage déclenche de même le délai de recours contentieux à l’égard des tiers mais qui ne portera que sur les modifications apportées par le permis modificatif. 

- En cas de silence gardé pendant ce délai, il faut considérer qu’une autorisation implicite est née. Il est alors possible d’obtenir un certificat d’autorisation tacite après de l’autorité compétente.

- En cas de refus, le pétitionnaire peut former un recours gracieux en demandant à l’administration de statuer à nouveau sur son projet. Il peut également saisir le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir dans un délai de 2 mois suivant la notification de la décision.
 

  • Quelles sont les conséquences du permis modificatif sur le permis initial ?


Le principe est le maintien du permis initial c’est à dire que la délivrance d’un permis modificatif ne vaut pas retrait du permis initial (CE, 1er décembre 1976, Macé, n°00158).
Dès lors, un permis de construire modificatif laisse subsister les droits acquis que le bénéficiaire tient du permis initial en ce qu’il n’a pas été modifié. 

La délivrance d’un permis modificatif n’ouvre pas de nouveau délai de recours contentieux à l’encontre des dispositions du permis initial qui ne sont pas affectés par la modification (CE, 2 avril 1977, Guérini c/ Pourtaubordes).
Le juge administratif considère dès lors qu’il n’est pas possible de remettre en cause à l’occasion d’un recours dirigé contre un permis modificatif les dispositions non modifiées du permis initial devenu définitif (CE, 2 avril 1971, Guérini c/ Pourtabordes, n°77924 et 77984).

- Un autre principe applicable aux permis de construire modificatifs réside dans le fait qu’il n’est apporté aucun changement à la durée de validité du permis initial (CE, 16 février 1979, SCI Cap Naio c/ Fournier). Ainsi, la péremption du permis fait obstacle à la délivrance du permis modificatif (CE, 1982, Société Tradimo, n°26684). Pour rappel, la durée de validité d’un permis est de 3 ans à compter de sa délivrance.
Il faut donc en cas de futur caducité du permis, demander une prorogation qui peut être prononcée deux fois pour une année (article R.424-21 du code de l’urbanisme). Cette demande est néanmoins conditionnée par une évolution non défavorable des règles d’urbanisme (CE, 11 déc. 2015, Sté La Compagnie du vent,  n° 371567). La demande doit être faite au moins deux mois avant le délai de fin de validité (article R. 424-22 du code de l’urbanisme).
Enfin, la prorogation est acquise au bénéficiaire du permis si aucune décision ne lui a été adressée dans le délai de deux mois suivant la date de l'avis de réception postal ou de la décharge de l'autorité compétente pour statuer sur la demande. La prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale (R.424-23 code de l’urbanisme).

-Le nouveau permis doit être parfaitement conforme aux règles d’occupation des sols applicables le jour de sa délivrance, même si les règles ont changé depuis la délivrance du permis initial (sauf en cas de régime des travaux sur constructions existantes non-conformes aux règles d’urbanisme en vigueur).

 

  • Régularisation du permis initial illégal avec un permis modificatif 

 

Lorsque le permis initial est entaché de diverses illégalités, un permis modificatif peut alors le régulariser (CE, 2 oct. 1987, n° 66391). Il se substitue alors au permis initial dans tous les éléments qu’il modifie et permet ainsi d’éviter l’annulation.
Tel est le cas lorsque le permis initial a méconnu une règle de fond concernant une règle de hauteur (CE, 9 décembre 1994, SARL SERI, n°116447).
Mais tel est également le cas lorsque des règles de formes n’ont pas été respectées lors de la délivrance du permis initial. Une régularisation avec un permis de construire modificatif permet aux irrégularités régularisés de ne plus pouvoir être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial sous respect des règles de fond applicables au projet(CE, 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, n°238315).

Dans ce cas, lorsqu’il est délivré au cours de l’instance, le délai de recours contentieux du tiers souhaitant annuler  le permis modificatif commence à courir à compter du nouvel affichage régulier du permis litigieux mais également à compter de la notification au tiers du permis régularisateur (CE, 23 mai 2011, Paris-Habitat OPH, n°339610).

Le permis régularisateur modificatif est d’autant plus efficace qu’il est pris en compte par le juge même après la clôture de l’instruction et l’audience. 

Il faut néanmoins l’envoyer au juge avant la la lecture de la décision juridictionnelle. Le juge sera alors tenu de rouvrir l’instruction et de soumettre le permis modificatif au contradictoire sauf si le permis régularisateur s’apparente à un nouveau permis (CE, 30 mars 2015, Société Eole-Res, n°369431).

- S’agissant des référés, la production d’un permis modificatif régularisant un permis initial permet au pétitionnaire de demander au juge des référés de lever la suspension demandée (CE, 24 février 2003, Commune Saint-Bon-Tarentaise-Courchevel c/ Perrier). 

De plus, il permet au pétitionnaire de reprendre ses travaux sans même avoir à fournir cet élément au juge des référés (CE, 27 juillet 2006, n°287836).

Enfin, si les travaux autorisés par le permis régularisateur sont complètement achevés, la demande de référé-suspension est automatiquement déclarée irrecevable par le juge administratif (CE, 20 décembre 2017, n°410298).

 

Le code de l’urbanisme prévoit d’autres mécanisme permettant d’éviter l’annulation du permis litigieux en cours d’instance. Ces nouveaux habits dont s’est doté le juge administratif s’inscrivent dans un mouvement général de sécurisation des autorisations d’urbanisme et des décisions administratives en général.

  • Il s’agit tout d’abord du mécanisme de l’annulation partielle prévu à l’article L.600-5 du code de l’urbanisme qui dispose que : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. ».
    Le Conseil d’Etat a par la suite précisé que dans le cadre de cet article, le permis ne peut être délivré  que si les travaux ne sont pas achevés et que si les modifications apportées au projet ne portent pas atteinte à sa conception générale (CE, 1er octobre 2015, n° 374338).
    L’utilisation de ce mécanisme est même une obligation depuis la loi ELAN. Un refus du juge saisi d’une telle demande doit être motivée.

  • Il s’agit ensuite du mécanisme du sursis à statuer prévu à l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme qui dispose que « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ».
    Cet article peut être employé par le juge malgré l’achèvement des travaux (CE, 16 octobre 2017, n° 398902). Par ailleurs, si l’administration régularise spontanément le vice lorsque les parties peuvent présenter leurs observation avant que le juge ne décide de surseoir à statuer, ce dernier peut alors se fonder sur ces éléments permettant de rendre effective la régularisation (CE, 22 février 2018, n°389518).