Par cet arrêt, la Cour d'appel de TOULOUSE statue sur la légitimité d’un licenciement fondé sur le fait qu’un agent de sécurité s’était endormi lors de sa vacation.

CA TOULOUSE, 28 janvier 2022, RG n° 20/00864  *

Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de TOULOUSE statue sur la légitimité d’un licenciement fondé sur le fait qu’un agent de sécurité s’était endormi lors de sa vacation.

Justifiant d'une  ancienneté remontant au 5 février 2010, ce dernier avait fait l’objet d’un licenciement pour faute grave, le 1er janvier 2018.

Contestant son licenciement, il a saisi les juridictions prud'homales.


Avant de s’intéresser à la réalité et la gravité de la faute reprochée au salarié, la Cour d’appel de TOULOUSE rappelle la définition d’une faute grave s’entendant comme d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis.

Lorsque l'employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié. Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l'entreprise.

En l’espèce, la matérialité du fait fautif ne portait pas à discussion. En effet, l'employeur avait été destinataire d'un courriel du client sur lequel était affecté le salarié fautif et dans lequel il exposait avoir surpris ce dernier sur son poste de travail en train de dormir.


Dans un second temps, la Cour s’intéresse à la proportionnalité de la sanction infligée, à savoir le licenciement, par rapport à la faute avérée, à savoir s’être endormi sur son lieu de travail.

Or, la Cour constate alors que la lettre de licenciement rappelait des avertissements antérieurs pour des faits similaires, aucun élément probant ne venait objectiver le prononcé de sanctions voire de simples rappels en réponse à de tels manquements au cours de l'activité de surveillance du salarié.

Ainsi, si la réalité du manquement est établie, il demeure donc isolé à défaut de faute antérieure dûment établie et sanctionnée. La Cour relève que le salarié disposait d'une ancienneté de 7 ans et 11 mois dans son poste, sans que son activité ait donné lieu à des reproches ou sanctions disciplinaires.

Dans ces conditions, le licenciement du salarié motivé par son endormissement au cours d'une nuit de garde est une sanction disproportionnée.

Elle juge donc le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit au salarié à des indemnités de rupture.

Une telle appréciation ne ressort donc pas d’une simple question juridique mais d’une analyse au cas par cas et surtout d’une appréciation subjective de la situation qui peut différer d’un juge à l’autre.

Dans un article précédent, nous relevions que l’ancienneté constituait l’un des indices les plus prépondérants en vue d’apprécier le degré de gravité d’un comportement fautif. A titre d’illustration, des propos critiques, même vifs, tenus pour un salarié disposant d’une ancienneté de plus de onze ans ne peuvent pas justifier un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 17 janvier 2018, n° 16-21.522).

En revanche, des comportements particulièrement graves, de type propos raciste à l’encontre d’un collègue (Cass. soc., 5 décembre 2018, n° 17-14.594) ou des coups physiques (Cass. soc., 9 juin 2021, n° 20-14.365) constituent nécessairement une faute grave, peu important l’ancienneté du salarié.


Ainsi, la même Cour d’appel de TOULOUSE a jugé que le fait d’avoir fumé pendant son temps de travail justifiait un licenciement pour cause réelle et sérieuse pour un salarié comptant plus de vingt-neuf ans d'ancienneté (CA TOULOUSE, 17 septembre 2021, RG n° 19/03359).

Par le passé, pour des faits exactement similaires à ceux de l’arrêt commenté, la Cour de cassation avait confirmé un arrêt ayant jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave d’un agent de sécurité. En effet, le seul fait fautif imputable au salarié était de s'être assoupi pendant son service de nuit, de sorte qu’il s'agissait d'un incident isolé de la part d'un salarié qui n'avait fait l'objet d'aucun avertissement ou reproche antérieur (Cass. soc., 22 septembre 2015, n° 14-13.965).

Au contraire, dans une affaire, là encore, similaire, la Cour d’appel de PARIS a confirmé le bien-fondé d'un licenciement pour faute grave d’un agent de sécurité qui s’était endormi sur un site client. Dans ce cas d’espèce, l’ancienneté du salarié était de moins de quatre ans et celui-ci avait déjà était sanctionné par le passé (CA PARIS, 19 janvier 2022, RG n° 17/14500).

Par ces quelques exemples, on ne pourra que constater que la justice est rendue par des êtres humains et que la moindre différence factuelle peut conduire à une solution différente.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

 


N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.