L’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.

– Il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait – et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;

– L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises ;

– La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

– Ni les parties ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par la partie civile ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question, les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire.

Google fait partie des géants du numérique au même point qu’Amazon, Facebook et Apple. Ils sont rangés dans la famille dite « GAFA ».

Un avis Google correspond à un commentaire que va laisser un utilisateur afin de faire part de son expérience vécue avec votre entreprise. Généralement ces avis concernent divers éléments de votre entreprise : vos locaux, vos salariés ou encore vos prestations. Il peut toutefois arriver que l’avis négatif ne soit pas consécutif à une expérience passée avec votre entreprise et ne constitue qu’une pratique déloyale.

Un avis négatif s’entrevoit à travers une notation négative (par exemple sur 5 étoiles possibles, vous êtes noté avec 1 ou 2 étoiles) accompagnée d’un commentaire. Il peut également arriver que seule la notation négative soit présente. Dans de telles situations, votre E-réputation est mise en danger. A titre d’information, l’E-réputation correspond « à l’image véhiculée et/ou subie par une entreprise ou une marque sur Internet et autres supports numériques ».

 

 

I. Constitution de l’infraction de la diffamation

A)  Matérialisation de l’infraction

Le premier alinéa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. »

Ainsi, pour que soit caractérisée la diffamation, il faut en principe :

  • une allégation ou imputation d’un fait précis et déterminé ;
  • une allégation ou imputation d’un fait attentatoire à l’honneur ou à la considération. Il s’agit ici de protéger la réputation d’une personne dans la sphère publique : si l’honneur est une conception personnelle et que la considération correspond davantage à l’image que l’on peut donner de soi aux autres, les deux notions ont tendance à se confondre et seront appréciées objectivement par le juge ;
  • les propos litigieux doivent en principe viser une personne ou un groupe de personnes déterminées, ou au moins déterminables, ce qui signifie qu’une identification doit pouvoir être possible.

Selon la première, l’allégation serait « une assertion faite sur la foi d’autrui ». Peu importe que l’autrui en question soit déterminé (« Untel m’a dit que ») ou non, c’est-à-dire que le diffamateur répande une rumeur d’origine inconnue (« On m’a dit que », ou « Il paraît que »). Ainsi un journaliste a été condamné « pour avoir fait état de suspicions » à l’encontre d’une association, sans lui permettre de « fournir sa version quant à cette rumeur ». Quant à l’imputation, ce serait l’affirmation d’un fait que l’on prétend avoir personnellement constaté.

Selon la seconde, qui est parfois conjuguée avec la première (Goyet écrivait ainsi : « L’allégation est une assertion produite sur la foi d’autrui, sur la rumeur publique, sur des hypothèses. L’imputation, au contraire, est une affirmation personnelle, une accusation ferme » : Droit pénal spécial : Sirey, 8e éd., 1972, n° 875, p. 604) – l’imputation supposerait une assertion au sens strict, alors que l’allégation s’accommoderait du doute. Ainsi, l’individu qui se présente comme le témoin d’un acte infamant qu’il attribue à autrui agit par imputation, mais celui qui colporte des accusations qui lui sont parvenues procède par allégation.

Mais cette présentation ne respecte pas le sens exact des allégations et imputations, qui peuvent toutes deux laisser place au doute, ce qui peut d’ailleurs être déduit de la fin du premier alinéa de l’article 29 : “La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible.

A noter que pour retenir la diffamation, les propos litigieux doivent en principe avoir été exprimés sciemment. En pratique, l’auteur des propos litigieux doit avoir eu conscience de porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’autrui. Néanmoins, que les victimes de la diffamation se rassurent, l’intention de diffamer est présumée.

Il appartient donc à la personne que l’on accuse de diffamation de prouver sa bonne foi.

 

B)  Les recours contre les avis illicites

Le principe étant celui de la liberté d’expression et du droit de libre critique, le professionnel de santé devra se garder de sur-réagir aux propos même excessifs dont il fait l’objet. Bien souvent, il est traditionnellement conseillé de se rapprocher de l’auteur de l’avis litigieux s’il est identifiable pour tenter d’obtenir une suppression amiable ou encore de répondre de manière argumentée aux mises en cause.

Saisie d’une demande de suppression de propos qu’un chirurgien-esthétique estimait faux, tels que « homme désagréable, hautain, antipathique, pas à l’écoute ni disponible pour le patient, il donne l’impression qu’il a qu’une envie c’est qu’on lui donne son argent et qu’on s’en aille [...] », la Cour d’appel de Paris a pu ainsi considérer que ceux-ci « relèvent plutôt de la libre critique et de l’expression subjective d’une opinion ou d’un ressenti de patients déçus [...]. En cela, ils participent de l’enrichissement de la fiche professionnelle de l’intéressé et du débat qui peut s’instaurer entre les internautes et lui, notamment au moyen de réponse que le professionnel est en droit d’apporter à la suite des publications qu’il conteste ».

Cette approche libérale a été celle choisie également par le tribunal de Metz : « Il appartient au libre jeu de l’usage de systèmes de notation et d’avis sur internet de faire l’objet tant de commentaires négatifs que positifs afin d’offrir une vision objective du praticien par les avis des patients antérieurs de celui-ci », le juge y voyant même un moyen d’inciter à « une attitude exemplaire du praticien ».

On pourra objecter que cet espace de liberté est forcément contraint et déséquilibré, compte tenu du fait que le praticien est soumis au secret médical et donc limité dans sa capacité à répliquer librement à la mise en cause, et que par ailleurs, l’impact des commentaires négatifs, sans compter leur éventuel caractère de fausseté, pourra apparaître souvent plus puissant que celui des avis positifs – pas toujours spontanés – les contrebalançant, laissant ainsi une trace indélébile si le praticien ne réagit pas.

Dans l’hypothèse inverse, après le cas échéant une mise en demeure restée infructueuse, celui-ci aura le choix des armes juridiques.

 

C)  Action en référé à l’encontre de Google aux fins de suppression d’avis.

Dans l’hypothèse où des avis Google seraient susceptibles d’être qualifiés d’illicites, le professionnel de santé pourra agir en référé contre la firme américaine aux fins de suppression de contenus sur le fondement de l’article 6-I-8 de la loi du 21 juin 2004, en prenant garde toutefois aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 s’il ressort que l’action est fondée aussi sur ce texte, au risque sinon de voir prononcer la nullité de l’assignation faute de respect des règles procédurales strictes prévues dans ses articles 53 et 65 spécialement.

Une solution conforme en cela à ce qui a pu déjà être retenu en matière de demande de déréférencement, dès lors qu’il est sollicité du juge qu’il se prononce sur l’existence d’un délit de presse afin d’obtenir le retrait du lien.

Ceci étant, la démonstration du seul caractère manifestement illicite du propos en cause devrait être suffisante pour motiver un retrait d’avis Google, étant précisé qu’une provision sur dommages-intérêts pourra également être allouée s’il ressort que l’exploitant du moteur de recherche avait été préalablement notifié afin de supprimer le contenu conformément à l’article 6-I-5 de la loi du 21 juin 2004 et qu’il a tardé à le faire.

 

II. Les actions en justice 

A)  Action en référé ou au fond

Action en référé ou au fond à l’encontre de l’internaute aux fins de suppression d’avis et d’obtention d’une indemnité. – Le requérant dispose de la possibilité d’agir « sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 ou du dénigrement en application de l’article 1240 du Code civil, contre les internautes qui porteraient atteinte à son honneur ou à sa réputation ou qui publieraient une critique excessive et fautive de ses services ».

En l’espèce, une telle action devra selon les cas nécessiter au préalable qu’un juge fasse droit à la demande de levée d’anonymat de l’auteur en requérant la communication des éléments d’identification auprès de l’exploitant du moteur de recherche sur le fondement de l’article 6-II de la loi du 21 juin 2004, une fois caractérisée l’existence du « motif légitime », au sens de l’article 145 du Code de procédure civile, que constitue la volonté d’engager une procédure pour l’indemnisation du préjudice subi.

Dans une affaire, le juge des référés, après avoir constaté qu’il agissait parfaitement dans le cadre des règles de la procédure civile, a considéré que les propos publiés dans l’avis réunissaient toutes les caractéristiques de la diffamation définies à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, à savoir « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ».

Il retient donc qu’à l’égard de la dentiste « la teneur de l’avis précité comporte des allégations et des imputations de faits portant atteinte à son honneur et à sa considération (probité et compétence professionnelle) spécialement formulées à cet effet dans le cadre d’un conflit en cours avec le praticien ».

Il condamne en conséquence solidairement les deux s½urs, d’une part à retirer l’avis litigieux sous une astreinte de 300 euros par jour de retard, et d’autre part à payer l’arriéré des soins de 1690 euros ainsi que 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (frais de justice engagés par la partie adverse).

 

B)  Plainte avec constitution de partie civile

Une plainte avec constitution de partie civile en matière de diffamation ou d’injure s’il y a lieu permettra de sécuriser l’action en présence d’un auteur d’avis anonyme, ceci afin de ne pas risquer le jeu de la prescription trimestrielle.

(L. 29 juill. 1881, art. 65) « L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

Toutefois, avant l’engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d’enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l’enquête est ordonnée.

Les prescriptions commencées à l’époque de la publication de la présente loi, et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par ce laps de trois mois, définitivement accomplies. ».

 

Sources :

https://www.avocats-picovschi.com/avis-google-negatif-votre-avocat-vous-assiste_article_1473.html

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037850944?init=true&page=1&query=17-85.159&searchField=ALL&tab_selection=all

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041481944?init=true&page=1&query=18-85159%2C&searchField=ALL&tab_selection=all

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007607901?init=true&page=1&query=06-81.326+&searchField=ALL&tab_selection=all

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007532860?init=true&page=1&query=+86-95.131&searchField=ALL&tab_selection=all

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007059331?init=true&page=1&query=66-90.822&searchField=ALL&tab_selection=all

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024255022?init=true&page=1&query=11-40.023&searchField=ALL&tab_selection=all

 

https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-paris-pole-5-ch-4-arret-du-6-janvier-2021/

 

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042524889?init=true&page=1&query=18-15.669&searchField=ALL&tab_selection=all