La saisie-contrefaçon est une mesure probatoire spécifique à la propriété intellectuelle et particulièrement efficace qui permet au titulaire de l'action en contrefaçon de faire inspecter, si besoin de force, par tout huissier.

Cette mesure intrusive permet concrètement la description voire la saisie réelle, par l'huissier instrumentaire, d'éléments relatifs à la contrefaçon alléguée.

La saisie douanière peut porter sur « tous objets passibles de confiscation » (C. douanes, art. 323, § 2), quelle qu'en soit la nature : moyen de transport, marchandises, fonds.

La saisie douanière intervient essentiellement dans les domaines suivants :

  • la non-conformité des produits à la règlementation en vigueur,
  • la contrefaçon,
  • l’infraction aux taxes douanières,
  • le trafic illégal des espèces animales et végétales sauvages et des biens culturels,
  • le trafic de stupéfiants,
  • la contrebande de tabacs,
  • le trafic d’armes,
  • et le blanchiment de capitaux.

Cependant, il arrive parfois que la saisie soit infondée et le propriétaire des biens veuille demander réparation. Si vous êtes propriétaire des biens destinés à être détruits et que vous contestez leur caractère contrefaisant, nous vous assistons et vous représentons dans le cadre de procédures d’opposition à la destruction.

 

I. Saisie « non fondée »

La jurisprudence précise la notion de saisie « non fondée » au sens de l'article 402 ci-dessus :

— visant le « propriétaire des marchandises », cet article n'est pas être invoqué par une société en l'espèce italienne qui fabrique et commercialise des marchandises qui ont été saisies chez ses distributeurs en France qui en sont propriétaires (CA Paris, 18 mars 2019, no 18/04800, A au nom de l'administration des douanes et droits indirects c/ Chiappa Firearms) ;

— l'annulation d'une saisie en raison d'une irrégularité de procédure (en l'espèce, une saisie opérée hors la présence d'un OPJ) n'implique pas que celle-ci soit non fondée ;

— la restitution de biens au seul bénéfice de motifs d'opportunité diffère d'une restitution en raison du caractère non fondé de la saisie (CA Amiens, 23 mai 2013, no 12/03445, X c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières) ;

— l'article 402 n'étant destiné qu'à réparer la retenue momentanée de marchandises lorsqu'elle résulte d'une saisie non fondée, il ne s'applique pas à une inscription d'hypothèque provisoire sur un bien immobilier, hypothèque inscrite par la Douane en vertu d'une ordonnance d'autorisation rendue sur sa demande par le juge compétent (CA Paris, 13 mai 2014, no 2013/13824, X et a. c/ Ministère de l'Économie, des Finances et du Commerce extérieur) ;

— et « seul a droit à un intérêt d'indemnité le propriétaire des marchandises lorsque leur saisie, non fondée, a été opérée en vertu de l'article 323, paragraphe 2 », ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la consignation de sommes transportées ayant été opérée sur le fondement de l'article 465 du Code des douanes.

 

II. Indemnités et indemnisation

L'indemnité forfaitaire de l'article 402 ci-dessus vise à réparer la retenue mais ne prive pas le propriétaire saisi du droit de demander la réparation de l'intégralité de son préjudice sur le fondement de l'article 401 du Code des douanes qui dispose notamment que la Douane est responsable du fait de ses employés, dans l'exercice et pour raison de leurs fonctions seulement.

S'agissant de la réparation de la réduction du prix de revente d'un bateau ainsi que des frais d'entretien. Le propriétaire doit apporter la preuve de ce préjudice.

Il a été jugé d'abord que, lorsqu'un juge ordonne la restitution de marchandises saisies (des objets de collection) par la Douane, leur propriétaire peut, sur le fondement de l'article 401, obtenir réparation, d'une part, de leur détérioration lors des opérations de saisie ou lors de leur conservation (les fonctionnaires ne leur ayant pas porté le soin utile pour permettre leur restitution en bon état si la confiscation était annulée), ce qui comprend les frais de réparation, les frais pour faire constater les dégradations et une part de la perte de valeur de la marchandise et, d'autre part, de leur disparition (CA Amiens, 23 mai 2013, no 12/03445, X c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières).

Mais lorsque cette affaire-ci arrive devant la Cour de cassation, il est précisé que le particulier « ne saurait toutefois reprocher au service des douanes l'intégralité de son préjudice, dès lors que les dégradations et dépréciations dont il est demandé réparation ont pour origine non seulement ces manipulations sans la moindre précaution lors de la saisie mais aussi la durée pendant laquelle les marchandises saisies ont été entreposées, sans entretien, et ont subi les effets délétères de la corrosion pendant l'examen de la procédure engagée en raison des infractions douanières dont [il] a été reconnu coupable ».

Il faut donc distinguer selon les préjudices : la Douane doit réparation de celui directement imputable aux conditions de la saisie douanière, mais cette administration ne doit pas réparation des dégradations et dépréciations consécutives à la durée pendant laquelle les marchandises saisies ont été entreposées, sans entretien, et ont subi les effets délétères de la corrosion, cette situation étant la conséquence de la procédure engagée en raison des infractions douanières dont le particulier a été reconnu coupable, jusqu'à la décision définitive (qui n'a pas prononcé de confiscation des armes pour des motifs d'opportunité seulement). A contrario, si le particulier n'avait pas été reconnu coupable de l'infraction, la Douane aurait dû réparer le préjudice consécutif à la dégradation des marchandises ensuite de leur entreposage, sans entretien.

Au sens de l'article 401 précité, la responsabilité de la Douane n'est pas une responsabilité sans faute mais une responsabilité pour faute, l'opérateur devant rapporter la preuve d'une faute ou d'un fait générateur, d'un préjudice réel et certain et d'un lien de causalité direct entre la faute ou le fait générateur et le ou les dommages allégués (CA Paris, 18 mars 2019, no 18/04800, A au nom de l'administration des douanes et droits indirects c/ Chiappa Firearms).

Dans cette affaire-ci, la saisie non fondée de marchandises chez deux distributeurs en France (propriétaires des biens saisis) fabriquées et commercialisées par une société italienne a, pour le juge, « directement et immédiatement » empêché la vente en France des produits de la société italienne et eu une incidence directe sur le développement de ses produits et obligé cette société à mettre en ½uvre une stratégie pour compenser les pertes en attendant la levée du risque de saisie résultant de la position erronée de la Douane quant à la conformité du modèle.

 

III. Que peut-on faire lorsque de la marchandise est saisie ?

En cas de saisie de marchandises, le titulaire de la décision doit se manifester auprès des autorités douanières dans les délais impartis. S’il ne souhaite pas engager des poursuites alors la douane établira un procès-verbal de main levée sur les marchandises en question. Autrement dit, elles peuvent être réacheminées.

En revanche, si le titulaire de la décision ouvre une procédure, avec preuves à l’appui et dans les délais prédéfinis, alors il vous faudra faire appel à un avocat compétent en propriété intellectuelle. En effet, vous devrez pouvoir vous défendre dès le lancement des procédures telles que les mesures conservatoires, l’assignation en contrefaçon ou le dépôt d’une plainte pénale.

 

IV. Les voies de recours en matière de retenue douanière

La compétence douanière pour les aspects non répressifs est fixée par l’article 357 bis du Code des douanes : « Les tribunaux d’instance connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l’administration des douanes et des autres affaires de douane n’entrant pas dans la compétence des juridictions répressives ». On peut ranger parmi ces dernières l’éventuel contentieux concernant les retenues et les saisies douanières. La Cour d’appel a pu refuser d’examiner la régularité d’une retenue douanière, estimant que « le juge civil n'est pas compétent pour apprécier la régularité des actes accomplis par l'administration des douanes sauf s'ils sont constitutifs d'une voie de fait, ce que la société P. n'a pas invoqué devant la juridiction compétente ».

La compétence rationae loci est donnée par l’article 358 du Code des douanes. C’est ainsi qu’il a été jugé que le tribunal d’instance est compétent pour juger d’une voie de fait alléguée dans le cadre d’une saisie.

Encore faut-il préciser qu’en matière de retenue douanière française, le législateur a semble-t-il oublié de prévoir une procédure de mainlevée, de sorte que les difficultés  relatives relèvent soit de la voie de fait, soit du trouble manifestement illicite.

La notion de trouble manifestement illicite apparaît toutefois de peu de secours en matière de lutte des douanes contre la contrefaçon : elle n’est pas retenue par la Cour de cassation lorsqu’il s’agit de contester la validité d’une retenue de produits soupçonnés de contrefaire une marque transformée en saisie douanière, en vertu d’un procès-verbal rédigé par les services des douanes sur la base de leurs propres constatations et des indications du seul titulaire de la marque.

Il ne nous semble pas raisonnable de confier ce contentieux à des juges d’instance alors que le contentieux civil des droits de propriété intellectuelle se trouve systématiquement attribué à des juridictions spécialisées : la généralité de cette dernière règle doit l’emporter, ce que reconnaît majoritairement la jurisprudence citée. L’idée qui avait prévalu à l’origine pour donner compétence aux tribunaux d’instance pour le contentieux douanier était de privilégier la proximité et la simplicité de la procédure. Ces deux avantages, s’ils existent encore, ce dont on peut douter, ne pèsent guère pour des dossiers souvent complexes et dont l’enjeu financier peut être très important. Le particularisme historique du droit douanier ne se justifie plus à l’heure actuelle et pour la lutte anti-contrefaçon.

D’ailleurs, même en cas de poursuite combinée devant le tribunal correctionnel sur le fondement du droit douanier et en contrefaçon, les textes du Code de la propriété intellectuelle ne dérogent pas aux règles de compétence édictées par les articles 3 et 382 du Code de procédure pénale et par les articles 357 et 358 du Code des douanes.

 

V. Procédure de mainlevée de saisis contrefaçon : comment faire cette main-levée ? Devant quel tribunal ?

Selon l’article L. 332-2 du Code de la propriété intellectuelle «Dans un délai fixé par voie réglementaire, le saisi» ou le tiers saisi peuvent demander au président du  (Ord. no 2019-964 du 18 sept. 2019, art. 35, en vigueur au 1er janv. 2020)  «tribunal judiciaire » compétent territorialement de prononcer la mainlevée de la saisie ou d'en cantonner les effets, ou encore d'autoriser la reprise de la fabrication ou celle des représentations ou exécutions publiques, sous l'autorité d'un administrateur constitué séquestre, pour le compte de qui il appartiendra, des produits de cette fabrication ou de cette exploitation.

La demande de mainlevée pourra se faire soit par assignation ou requête soit par référé en saisissant le juge des référés.

 Le président du  (Ord. no 2019-964 du 18 sept. 2019, art. 35, en vigueur au 1er janv. 2020)  «tribunal judiciaire» statuant en référé peut, s'il fait droit à la demande du saisi ou du tiers saisi, ordonner à la charge du demandeur la consignation d'une somme affectée à la garantie des dommages et intérêts auxquels l'auteur pourrait prétendre.

En outre, l'article L. 332-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose encore que « faute par le saisissant de saisir la juridiction » dans le délai prévu à l'article R 332-3 du même code, pour faire constater l'atteinte à ses droits, le saisi ou le tiers saisi pourra demander au juge des référés du Tribunal de grande instance, d'ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon. Il convient de souligner que le défaut de saisine de la juridiction dans le délai de 20 jours ouvrables ou de 31 jours civils (si le décompte en jours civils est plus favorable qu'en jours ouvrables) à compter soit de la signature du procès-verbal de saisie, soit de la date de l'ordonnance sur requête, n'emporte ni la nullité, ni la caducité de la saisie-contrefaçon (en ce sens, Cass. 1re civ., 23 janv. 1996, Société Marki c/ Bruce d'Andrade, RIDA 1996, no 3, p. 345).

Cette inaction de l'auteur lésé ou de ses ayants droit permet simplement au saisi ou au tiers saisi de solliciter du juge des référés la mainlevée de la saisie (sur le pouvoir discrétionnaire du juge des référés d'ordonner ou non la mainlevée de la saisie-contrefaçon en cas de défaut de saisine du juge du fond dans le délai imparti : CA Versailles, 6 nov. 1998, Société Marc Dorcel c/ Sté Edgar Rice Burroughs, RIDA 1999, no 3, p. 314, obs. Kerever, p. 297).

 

VI. Comment éviter la destruction des biens saisis ?

Plusieurs choses :

La retenue court à compter cette notification des douanes de leurs signalements, le demandeur disposant d'un délai de dix jours pour réagir alors que les marchandises sont toujours retenues ; schématiquement, on peut alors distinguer trois hypothèses :

— le demandeur de l'intervention peut d'abord confirmer la contrefaçon, mais solliciter seulement la destruction simplifiée des marchandises (pour les droits d'auteur et les dessins ou modèles, cf. : Règl. (UE) no 608/2013, 12 juin 2013, art. 23 et 26 ; CPI, art. L. 335-14 et CPI, art. L. 521-17-1), ce qui provoquera une transaction des douanes avec règlement de l'amende douanière et destruction des produits, sauf bien rares contestations ;

— le demandeur peut aussi confirmer la contrefaçon et justifier son action au fond dans les délais (sans solliciter de destruction), auquel cas la retenue sera maintenue jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur son action ;

— le demandeur peut, au contraire, dénier ou ne pas confirmer dans les délais la contrefaçon, ou la confirmer mais sans solliciter la destruction simplifiée ni justifier de son action dans les délais, auxquels cas la retenue sera levée.

Autrement dit, ce délai de dix jours ouvrables (3 jours pour les denrées périssables) permet au titulaire de droits :

de mettre en ½uvre une procédure de destruction simplifiée (PDS), sous le contrôle de la douane et sous sa responsabilité, dès lors que trois conditions sont réunies :

le déclarant/détenteur des marchandises a donné son accord à PDS ou ne s'y est pas opposé ;

le titulaire de droit a sollicité la PDS ;

le titulaire de droit a rapporté, par une expertise détaillée, sa conviction qu'il était porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ;

à défaut, de saisir la justice en la personne du Président du Tribunal de grande instance territorialement compétent pour obtenir l’autorisation de prendre des mesures conservatoires ou de se pourvoir en justice par la voie civile ou correctionnelle. En outre, le Procureur de la République, tenu informé par la douane, peut engager des poursuites.

Si, à l'expiration du délai de dix jours, le déclarant/détenteur et le titulaire de droit ne sont pas d'accord à la PDS et que le titulaire de droit n'a pas apporté la preuve qu'il a obtenu l’autorisation de prendre des mesures conservatoires ou qu'il a entrepris les démarches nécessaires auprès de l'autorité judiciaire, il est mis fin à la retenue.

Pendant toute la durée de la retenue, les marchandises restent placées sous surveillance douanière.

 

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035147470?init=true&page=1&query=16-13.698&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007051072?init=true&page=1&query=03-20.307&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035612827?init=true&page=1&query=14-17.541&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007040497?init=true&page=1&query=95-20.640&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007042697?init=true&page=1&query=97-20.281&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031990971?init=true&page=1&query=13-22.706&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.valeurscorporate.fr/saisie-marchandises-defendre-interets/

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 31 mars 2004, 00-10.901, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 13 janvier 1998, 95-21.490, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 décembre 2012, 11-26.752, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 décembre 2012, 12-80.156, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)