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La Cour de cassation a récemment rappelé quelle était la nature de la sanction encourue en cas de méconnaissance des obligations légales - quand l'accord collectif n'instaurait pas des garanties suffisantes (voir la suite de cet article).

Qu'est-ce qu'une convention de forfait jours ?

Un contrat cadre au forfait jours (convention de forfait) est un document qui organise le temps de travail d'un salarié non pas, comme le veut la norme, par rapport à une référence horaire, mais par rapport à une référence en jours.

Concrètement, cela signifie que toute journée qui comporte une partie de temps de travail (sans qu'il soit établi de distinction entre les temps de travail effectifs, les pauses au travail et les temps de trajet) est comptabilisée, par principe, comme une journée travaillée.

Le salarié doit donc travailler un certain nombre de jours à l'année en échange de sa rémunération. Il n'a pas à justifier d'un volume horaire hebdomadaire, comme le veut le principe des 35 heures. 

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Qui a le droit de bénéficier d'une convention de forfait annuel en jours ? S'agit-il seulement des cadres ?

Seuls peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année (1) :

  • les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
  • les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

Combien de jours de travail doivent être effectués par an ? (Limite de 218 jours travaillés et dépassement de forfait)

En pratique, les conventions en forfait-jours doivent établir un certain nombre de jours travaillés par an, dans la limite de principe de 218 jours

Par exception, le salarié en forfait-jours peut renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie de la majoration de son salaire, avec l'accord de son employeur (2). Dans ce cas, il est amené à dépasser son forfait.

Notez que le nombre total de jours travaillés dans l'année ne peut pas excéder un certain seuil, fixé, à défaut de précision dans l'accord collectif, à 235 jours (3)

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Quelles sont les conditions de validité d'une convention de forfait-jours ? 

Un accord collectif de principe

La mise en place d'une convention de forfait en jours n'est possible qu'à la condition qu'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou de groupe ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, l'autorise (4).

Notez que l'accord d'entreprise prime sur l'accord de branche (5).

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Dispositions conventionnelles : attention au respect des temps de repos et des durées maximales de travail

Pour que la convention de forfait-jours soit valide, il est nécessaire que l'accord collectif qui en autorise le recours garantisse le respect des durées maximales de travail ainsi que les temps de repos journaliers et hebdomadaires (6)

À cette fin, il est nécessaire qu'il prévoit (7)

  • les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
  • les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
  • les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

Pour rappel, on parle de "droit à la déconnexion" pour désigner le droit, pour chaque salarié, de bénéficier de temps de repos et de congé effectifs permettant de profiter de sa vie personnelle et familiale, notamment via l'utilisation de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques (8).

La possibilité, pour l'employeur, de suppléer les manques de l'accord collectif (suivi, entretien, etc.)

Si l'accord ne prévoit pas les dispositions protectrices listées ci-dessus, la convention individuelle de forfait en jours n'est valable qu'à la condition que l'employeur, qui est garant de la sécurité et de la santé de ses salariés, supplée ce manque, en (9)

  • établissant un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
  • s'assurant que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
  • organisant une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
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Dispositions conventionnelles insuffisantes et carence de l'employeur : quel risque pour la convention de forfait en jours ? 

Si les dispositions de l'accord collectif s'avèrent insuffisantes pour garantir le respect des durées maximales de travail et des temps de repos, et que l'employeur ne supplée pas ce manque, la convention de forfait peut être frappée de nullité.

C'est ce qu'a rappelé la Cour de cassation par 3 arrêts rendus le 5 juillet 2023 (10), en précisant notamment que : 

  • le droit à la santé et au repos du salarié est au nombre des exigences constitutionnelles ;
  • toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;
  • l’employeur doit pouvoir remédier en temps utile à une charge de travail déraisonnable, en cas de recours à une convention de forfait en jours.

Dans une décision du 10 janvier 2024, la Cour a rappelé qu'en cas de manquement de l'employeur à l'une des obligations relatives au contrôle de la charge de travail, la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répondait pas aux exigences supplétives légales, était nulle (11).

Notez qu'avant la loi Travail du 8 août 2016 (12), la Cour de cassation estimait que si les dispositions conventionnelles n'étaient pas suffisamment protectrices de la sécurité et de la santé du salarié, la convention de forfait prévue par le contrat de travail était systématiquement frappée de nullité (13).

Tel n'est désormais plus le cas, puisque dans une telle hypothèse, il appartient à l'employeur de faire le nécessaire pour suppléer cette carence.

Néanmoins, s'il ne remplit pas son rôle, alors la convention de forfait peut effectivement être frappée de nullité

(1) Article L3121-58 du Code du travail

(2) Article L3121-59 du Code du travail

(3) Articles L3121-59 et L3121-66 du Code du travail 

(4) Article L3121-63 du Code du travail

(5) Circulaire DGT n°20 du 13 novembre 2008 relative à la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail

(6) Cass. Soc., 29 juin 2011, n°09-71107

(7) Article L3121-64 du Code du travail

(8) Article L2242-17 du Code du travail

(9) Article L3121-65 du Code du travail

(10) Cass. Soc., 5 juillet 2023, n°21-23294, n°21-23387, n°21-23222 

(11) Cass. Soc., 10 janvier 2024, n°22-13200

(12) Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

(13) Cass. Soc., 24 avril 2013, n°11-28398