Qu'est-ce qu'un arrêt de travail de complaisance ?

Les arrêts maladie de complaisance désignent des congés maladie prescrits par des médecins de manière abusive, sans justifications médicales réelles. Ces arrêts sont octroyés à des personnes qui ne sont pas véritablement malades, mais qui en font la demande pour des raisons non médicales, telles que des motivations personnelles ou professionnelles.

Ces pratiques sont préoccupantes, car elles ont un impact significatif sur les dépenses de l'Assurance maladie ainsi que sur l'intégrité du système de protection sociale.

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Les chiffres alarmants des arrêts de travail en France

Au cours des dernières années, la France a connu une hausse inquiétante du nombre d'arrêts de travail, avec 8,8 millions d'arrêts maladie enregistrés en 2022, contre seulement 6,4 millions il y a dix ans. Cette augmentation représente une croissance de plus de 30 %.

Ces chiffres ont des conséquences financières notables pour l'Assurance maladie, qui doit faire face à une augmentation du montant global des indemnités journalières versées aux personnes en congé pour raisons de santé. En 2022, le coût total de ces indemnités s'est élevé à 14 milliards d'euros, une somme considérable qui met en péril la stabilité financière du système de protection sociale.

Les arrêts de travail de complaisance mettent en évidence des abus potentiels et des pratiques inappropriées qui compromettent l'efficacité et la soutenabilité du système de santé français.

La campagne de l'Assurance maladie pour contrôler les médecins prescripteurs

Face à l'augmentation alarmante du nombre d'arrêts de travail de complaisance, l'Assurance maladie a pris l'initiative de lancer une campagne de contrôle visant à identifier et à sanctionner les médecins prescripteurs qui ne respectent pas les règles en matière d'arrêts maladie. Cette campagne comprend notamment :

  • l'envoi de courriers d'avertissement aux "gros prescripteurs" : les premières actions de la campagne ont ciblé les médecins qualifiés de "gros prescripteurs", qui représentent environ 2 % de la profession médicale. Ces praticiens ont été identifiés comme accordant un nombre d'arrêts de travail excessif par rapport à la moyenne de leurs confrères. Ils ont ainsi reçu des courriers d'avertissement de la part de l'Assurance maladie, les mettant en garde contre ces pratiques abusives ;

  • la mise sous objectifs des médecins qui ne respectent pas les règles : l'Assurance maladie a décidé de mettre sous objectifs les médecins prescripteurs qui ne se conforment pas aux règles établies pour la délivrance des arrêts de travail. Ces "mises sous objectifs" visent à inciter les médecins à réduire le nombre d'arrêts de travail qu'ils prescrivent de manière excessive.

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Controverses et réactions face aux mesures gouvernementales

La lutte contre les arrêts de travail de complaisance et les mesures prises par le Gouvernement ont suscité diverses réactions parmi les acteurs impliqués, notamment de la part des syndicats de médecins :

  • qui estiment que cette campagne est une stigmatisation injuste de leur profession. Ils considèrent que les médecins ne sont pas les seuls responsables de la hausse des arrêts de travail. Les syndicats appellent à refuser la mise sous objectifs et soulignent que les médecins ne font pas d'arrêts de travail de complaisance, mais qu'ils agissent dans l'intérêt de leurs patients ;

  • qui ont en conséquence proposé une approche alternative pour résoudre le problème des arrêts de travail de complaisance. Ils suggèrent de s'intéresser davantage aux entreprises dans le cadre desquelles de nombreux arrêts de travail sont délivrés, afin d'identifier les causes sous-jacentes de cette augmentation. En travaillant sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT) et en améliorant la prise en charge des salariés, ils estiment qu'il serait possible de réduire le nombre d'arrêts de travail de manière plus efficace.

Au-delà des controverses, le débat sur les arrêts de travail de complaisance met en lumière des enjeux plus larges liés à la protection sociale et au bien-être des salariés. La question de l'équilibre entre la régulation des dépenses et la préservation de la santé et du bien-être des travailleurs reste au cœur de cette problématique.

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Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (LFSS 2024) : le Conseil constitutionnel censure certaines dispositions relatives aux arrêts de travail

Pour mémoire, l'employeur qui doute de la sincérité de l'arrêt maladie présenté par l'un de ses salariés peut, s'il le souhaite, demander à un médecin-contrôleur d'effectuer une contre-visite médicale (1). L'Assurance maladie peut, à la suite du rapport du médecin contrôleur mandaté par l'employeur dans le cadre de la contre-visite médicale, décider de diligenter un nouvel examen et, de manière générale, influer sur la suspension des indemnités journalières de la Sécurité sociale (IJSS).

Pour renforcer l'efficacité de ce contrôle, la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (LFSS 2024) prévoyait initialement une suspension automatique du versement des IJSS dès lors que le médecin contrôleur mandaté par l'employeur estimait que l'arrêt, en lui-même, était injustifié. L'intervention systématique du service du contrôle médical de la CPAM n'aurait plus été, de fait, nécessaire.

Dans le cadre de son contrôle de la LFSS, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions non conformes à la Constitution (2), estimant qu'elles "avaient pour effet de priver du versement des indemnités journalières l’assuré alors même que son incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail avait été constatée par un médecin qui lui avait prescrit un arrêt de travail pour une certaine durée".

Elles ne figurent donc pas dans la version définitive de la LFSS pour 2024, publiée le 27 décembre 2023 (3).

Notez néanmoins que le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions de la LFSS prévoyant que les arrêts de travail prescrits par téléconsultation ne peuvent pas durer plus de 3 jours.

Comment le Gouvernement souhaite agir contre les arrêts de travail jugés abusifs ?

Selon les informations de La Tribune, l'une des pistes envisagées par le Gouvernement pour lutter contre les arrêts de travail abusifs, et surtout, dans l'objectif assumé de réaliser des économies du côté de la Sécurité sociale, serait d'augmenter le délai de carence applicable aux salariés du privé.

 Pour rappel, actuellement, le salarié en arrêt maladie se voit appliquer un délai de 3 jours de carence. Cela signifie que pendant ces 3 jours, il ne perçoit ni de rémunération de son employeur, ni d'indemnités journalières de Sécurité sociale (IJSS). Ce n'est qu'à partir du 4ème jour d'arrêt que ses droits se déclenchent (4).

L'idée envisagée par l'exécutif serait donc de repousser ce délai à 5, 6, voire 7 jours pendant lesquels le salarié ne percevrait pas d'indemnités journalières. Selon les chiffres avancés, l'économie réalisée serait de l'ordre d'un milliard d'euros par an. Cette augmentation pourrait, selon le Gouvernement, avoir un effet dissuasif sur les arrêts de travail considérés comme abusifs.

Pour rappel, dans le même objectif de réaliser des économies, un délai de carence dans la fonction publique avait été créé par la Loi de finances pour 2018.  

Plusieurs pistes de réflexions seraient sur la table :

  • ces jours supplémentaires de carence pourraient être à la charge de l'employeur ;
  • ou ces jours pourraient n'être ni indemnisés par l'Assurance maladie, ni par l'employeur.

Bon à savoir : notons toutefois que le ministère de l'Économie précise qu'aucune décision n'a été arrêtée à ce jour. Les réformes à venir pourront, sans doute, nous donner plus d'amples informations.

 Vous êtes salarié ? Cet article peut vous intéresser : Arrêt maladie, délai et jours de carence : vos droits et la procédure

Sources : 

(1) Articles L1226-1 du Code du travail et L315-1 du Code de la Sécurité sociale
(2) Décision du Conseil constitutionnel n°2023-860 DC du 21 décembre 2023
(3) Loi n°2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024

(4) Article R323-1 du Code de la sécurité sociale