Acquisition de congés payés en cas de maladie non-professionnelle : les nouveaux articles du Code du travail introduits par la loi DDADUE 2024

La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (dite loi DDADUE 2024) (1) a finalement été définitivement promulguée le 22 avril 2024. Ce texte contient l'amendement du Gouvernement afin de modifier les articles du Code du travail relatifs aux congés payés.

Voici les points qu'il faut retenir, et les nouveaux articles qui font leur apparition au sein du Code du travail.

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L'assimilation à du temps de travail effectif

Pour les arrêts de travail, accident ou maladie professionnels

Avec la nouvelle rédaction du Code du travail, lorsque le salarié est en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, la période d'assimilation à du travail effectif n'est plus limitée à 1 an (2).

Pour les arrêts de travail, accident ou maladie non-professionnels

L'arrêt de travail pour accident ou maladie n'ayant pas un caractère professionnel est désormais assimilé à du temps de travail effectif pour l'acquisition de congés payés.

C'est la solution qu'avait retenu la Cour de cassation, dans le respect du droit de l'Union européenne.

Acquisition des jours de congés payés en cas d'arrêt pour accident ou maladie non-professionnels

2 jours par mois/4 semaines par anAcquisition des CP en cas d'arrêt
pour accident ou maladie non professionnels

La période pendant laquelle le salarié en arrêt pour maladie ou accident n'ayant pas un caractère professionnel ouvre droit à 2 jours ouvrables de congés payés par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables par an (soit 4 semaines par an, au lieu de 5 semaines) (3).

Période de report

La loi précise que, lorsque le salarié est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou accident, de prendre au cours de la période de prise de congés, tout ou partie des congés qu'il a acquis, il bénéficie d'une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser (4).

Début de la période de report

La période de report, pour les salariés qui ont été en arrêt pour cause de maladie ou d'accident (caractère professionnel ou non) débute à la date à laquelle s'achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins 1 an en raison de la maladie ou de l'accident (5).

Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n'a pas expiré, est suspendue jusqu'à ce que le salarié ait reçu les nouvelles informations incombant à l'employeur concernant le nombre de jours de congé dont le salarié concerné dispose.

Sinon, la période débute à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les nouvelles informations incombant à l'employeur quant au nombre de jours de congé dont il dispose (4).

Nouvelle obligation d'information à la charge de l'employeur

L'employeur dont le salarié revient d'une période d'arrêt de travail pour cause de maladie ou d'accident (peu importe le caractère professionnel ou non), doit obligatoirement lui fournir certaines informations (6).

En effet, dès le terme de la période d'arrêt de travail, l'employeur doit désormais porter à la connaissance du salarié :

  • le nombre de jours de congé dont il dispose ;
  • et la date à laquelle ceux-ci peuvent être pris.

Il dispose d'une période de 1 mois pour répondre à son obligation. L'information peut être communiquée par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie.

Cela permettra ainsi de s'assurer que l'employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congé payé.

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Nouvelle marge de manœuvre de la négociation collective

Désormais, il est prévu qu'il peut être dérogé aux règles de fractionnement et de report prévus par le Code du travail (7).

Concrètement, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention collective ou un accord de branche peut fixer une durée de période de report supérieure à 15 mois (8).

En revanche, il n'est pas possible de fixer une période en deçà des 15 mois fixés légalement.

Un dispositif rétroactif

L'une des craintes principales du patronat concernait la rétroactivité des nouvelles mesures. Le législateur est donc intervenu en la matière.

Il est prévu que la limite de 4 semaines de congés payés par an et le possible report de 15 mois sont rétroactifs aux situations antérieures, c'est-à-dire celles courant à partir du 1er décembre 2009, jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Le délai de forclusion est quant à lui fixé à 2 ans à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (à savoir le 22 avril 2024). Cela signifie que le salarié dispose de 2 ans pour réclamer ses droits. Une fois ce délai écoulé, il ne peut plus agir en justice. Ces 2 ans débutent à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Quelles étaient les règles en vigueur avant l'adoption de la loi en 2024 ?

Le principe : pas d'acquisition de congé lors d'arrêts maladies

Avant le 22 avril 2024, le droit français ne permettait pas aux salariés en arrêt maladie d'acquérir des congés payés pendant leur absence, car cette période n'était pas considérée comme du travail effectif (9).

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La remise en question par la Cour de cassation

Cette position n'était pas conforme au droit européen, ce qui a conduit la Cour de cassation à écarter ces dispositions (10).

Désormais, les salariés en arrêt maladie non professionnelle peuvent acquérir des congés payés pendant leur absence, au même titre que ceux en arrêt pour maladie ou accident professionnels. La période d'absence pour maladie est donc prise en compte dans le calcul des congés payés.

Le cas du report de congés payés non pris par le salarié en arrêt maladie longue durée : quel délai maximal ?

La Cour de cassation a, dans l'un des arrêts rendus le 13 septembre 2023, reconnu le droit aux congés payés pour les salariés en arrêt pour maladie non-professionnelle (maladie ordinaire), au même titre que ceux en arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail. Il n'y a plus aucune distinction entre eux sur la question de l'acquisition des congés payés.

Mais que se passe-t-il lorsque le salarié n'a pas pu prendre ses congés payés pendant la période de prise des congés payés fixée dans l'entreprise, du fait de sa maladie ?

En principe, il peut bénéficier du report de ses congés payés ou, s'il quitte l'entreprise en raison d'une rupture de son contrat de travail, bénéficier d'une indemnité compensatrice de congés payés.

Une autre question se pose ici : pendant combien de temps le salarié en arrêt longue maladie peut-il bénéficier du report de ces congés payés qu'il n'a pas pu prendre du fait de son arrêt ? En l'absence de dispositions spécifiques dans le droit français, le report illimité des congés payés non pris est-il possible ou est-ce contraire au droit européen ?

C'est sur cette question qu'a dû se prononcer la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) après avoir été saisie par le Conseil de prud'hommes d'Agen.

La décision est tombée le jeudi 9 novembre 2023, sans vraiment apporter de réponse précise comme l'attendaient les entreprises.

Effectivement, la CJUE n'entend pas limiter les périodes de report des congés payés non pris et laisse le soin à l'État français de fixer cette durée maximale du report (11). La Cour peut simplement examiner si la durée de report fixée par l’État français n'est pas de nature à porter atteinte au droit au congé annuel payé.

Cependant, elle estime que l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale et/ou à une pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à 2 périodes de référence consécutives.

Concrètement, la CJUE estime qu'un report de moins de 15 mois et limité à 2 périodes de référence est tout à fait possible.

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Le délai de prescription

Par principe, le salarié n'a le droit de prendre ses congés payés que pendant la période de prise des congés fixée par la loi ou la convention collective applicable, et qui doit obligatoirement comprendre la période allant du 1er mai au 31 octobre de chaque année (12).

Lorsque cette période prend fin, le délai de prescription de l'indemnité compensatrice de congés payés qui est de 3 ans, commence en principe à courir.

Selon le droit de l'UE, ce délai ne peut toutefois commencer à courir qu'à la condition que l'employeur ait pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congé payé.

La Cour de cassation a confirmé cette lecture. Le délai de prescription triennale de l'indemnité de congé payé ne court que lorsque l'employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congé payé (13).

Exemple :

Tel n'est pas le cas lorsqu'un litige existe entre l'employeur et le salarié sur l'existence du contrat de travail qui les lie. Tant que l'employeur ne reconnaît pas l'existence d'un contrat de travail, le salarié ne dispose pas des conditions nécessaires pour exercer effectivement son droit à congé payé.

C'est pour cette raison que la nouvelle loi intègre une nouvelle obligation d'information en la matière, à la charge de l'employeur.

(1) Article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
(2) Article L3141-5 du Code du travail
(3) Article L3141-5-1 du Code du travail
(4) Article L3141-19-1 du Code du travail
(5) Article L3141-19-2 du Code du travail
(6) Article L3141-19-3 du Code du travail
(7) Article L3141-20 du Code du travail
(8) Article L3141-21-1 du Code du travail

(9) Article L3141-3 du Code du travail
(10) Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-17340 
(11) CJUE, 9 novembre 2023, aff. C-271/22 à C-275/22, Keolis Agen
(12) Article L3141-13 du Code du travail
(13) Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-10529