Par principe, en matière prud'homale - et sociale - la preuve est libre, à charge pour le juge d'en apprécier la portée (1).
Selon une jurisprudence jusqu'alors constante, la Cour de cassation jugeait que la preuve obtenue de façon illicite devait dans tous les cas être rejetée des débats, de sorte que, si la faute à l'origine du licenciement n'était établie qu'au moyen de cette preuve illicite, le licenciement se trouvait nécessairement sans cause réelle et sérieuse (2).
De même, la Cour de cassation estimait jusqu'à présent que toute preuve obtenue de manière déloyale, c'est-à-dire par le biais d'une manœuvre ou d'un stratagème, était irrecevable (3).
Toutefois, cette position tend à évoluer sous l'impulsion des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme qui mettent en balance le droit à la défense et le respect de la vie privée (4).
En matière de preuve illicite (mais pas déloyale), la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi assoupli sa position en 2020, en posant le principe selon lequel que le droit à la preuve pouvait justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. (5).
2 arrêts du mois de décembre 2023 marquent le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation en matière de preuve déloyale dans un procès civil, et l'alignement des régimes de preuve applicables aux preuves illicites et déloyales.
Dans le premier arrêt, un salarié est licencié pour faute grave. L'employeur justifie le licenciement en produisant un enregistrement sonore clandestin du salarié, dont la teneur des propos a donné lieu à sa mise à pied conservatoire. Le salarié conteste la recevabilité de la preuve, soulignant le fait que cet enregistrement a été fait à son insu. La Cour d'appel saisit de l'affaire rejette la preuve produite par l'employeur sur ce fondement.
Saisie de l'affaire, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel, et considère que "dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats".
Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. En cela, la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits est admise, à condition que cette production soit indispensable à l’exercice des droits du justiciable et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
L'affaire est donc renvoyée devant une autre cour d'appel, sans que la Cour de cassation ait tranché au fond (6).
Dans un second arrêt, un salarié est licencié pour faute grave. Pour justifier la rupture de son contrat, l'employeur produit une discussion personnelle du salarié tenue via son compte Facebook avec sa compagne, sur son ordinateur professionnel, dans laquelle il sous-entend que la promotion dont a bénéficié l'un de ses collègues (en l'occurrence, l'intérimaire qui le remplace) est liée à son orientation sexuelle, et à celle de son supérieur hiérarchique. L'employeur a eu accès à la conversation par l'entremise du salarié intérimaire ayant remplacé le salarié en cause, qui a eu accès au poste informatique de celui-ci et à son compte Facebook qu'il avait laissé ouvert.
Dans cette affaire, la Cour de cassation rappelle que le licenciement disciplinaire d'un salarié ne peut pas être fondé sur une conversation privée par messagerie personnelle, dès lors qu'aucun manquement du salarié à ses obligations professionnelles ne peut être relevé. Dans une telle hypothèse, la question de la preuve n'a pas à se poser, et la teneur de la discussion tenue sur Internet par le salarié, et produite par l'employeur comme preuve de la faute de celui-ci, n'a pas à être examinée (7).
En résumé donc, la preuve est libre, mais doit en principe être licite et loyale. Néanmoins, lorsque cette preuve est indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et que l'atteinte est proportionnelle au but recherché, alors cette dernière, même illicite ou déloyale, peut être recevable devant les Prud'hommes.
Tout dépend donc de l'appréciation du juge au cas par cas.
Ce que pensent nos clients :
Note moyenne sur 5 avis
Régine S.
le 31/01/2017
Ce dossier ne comporte pas la lettre de convocation à l'entretien préalable de licenciement. autrement, oui les modèles sont apprèciables
Pierre W.
le 15/05/2023
Très clair et bien rédigé.
Jean-François F.
le 20/02/2023
- dossier complet - lettres types très utiles
Morgane B.
le 04/07/2023
Contenus intéressants mais quelques bugs pour télécharger les dossiers
Véronique C.
le 06/12/2023
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