Penser que l'entretien d'évaluation annuel est une obligation : est-ce qu'il est obligatoire ?
L'entretien d'évaluation annuel n'est pas obligatoire, contrairement à l'entretien professionnel. En effet, rien dans le Code du travail ne prévoit que l'employeur a l'obligation d'organiser un tel entretien pour réaliser le bilan de l'année écoulée et définir les objectifs de l'année à venir.
Néanmoins, des dispositions conventionnelles peuvent l'imposer, auquel cas l'employeur est dans l'obligation de l'organiser. Pensez donc à consulter votre convention collective.
Ne pas consulter le CSE avant la mise en place des entretiens annuels d'évaluation
Lorsque l'employeur décide de mettre en place l'entretien annuel d'évaluation (EAE) dans son entreprise, il doit informer et consulter le comité social et économique (CSE) (2).
Cette consultation doit porter sur la mise en place de l'évaluation et sur les éventuels changements quant aux modalités d'organisation des entretiens.
En effet, les entretiens annuels d'évaluation (EAE) peuvent être de nature à générer du stress et une pression psychologique chez certains salariés soucieux de ne pas avoir atteint leurs objectifs. Les EAE peuvent aussi avoir une incidence sur l'évolution de carrière et/ou sur la rémunération des salariés.
Ne pas informer les salariés de la mise en place des entretiens annuels individuels dans l'entreprise
Information sur les méthodes et techniques d'évaluation utilisées (exemple : modèle de grille et fiche d'évaluation)
Avant la tenue du rendez-vous entre le supérieur hiérarchique (manager ou autre) et le salarié, vous devez informer vos collaborateurs sur les méthodes et techniques d'évaluation qui seront utilisées à leur égard (3).
📌 Exemple :
L'évaluation annuelle peut être effectuée au moyen d'une grille d'évaluation que vous pouvez demander à vos salariés de remplir en amont.
Aucune information personnelle d'un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance (4).
À défaut d'information, le salarié peut contester les méthodes et techniques d'évaluation utilisées devant le juge et obtenir des dommages-intérêts (5).
Information sur la collecte et le traitement de leurs données d'évaluation
Par ailleurs, il est impératif d'informer en amont les personnes concernées avant la collecte des données d'évaluation, conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD).
Vous devez informer les salariés de la finalité du traitement des données collectées, leur transmettre les coordonnées du délégué à la protection des données (DPO) mais également les informer de la durée de conservation des données, des droits dont ils disposent concernant la collecte de leurs données d'évaluation et des conditions d'exercice de ces droits.
Interroger le collaborateur sur des sujets personnels au cours de l'entretien
Gardez aussi à l'esprit que les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie (3).
Les informations demandées ne doivent avoir pour unique but que d'apprécier les aptitudes professionnelles du salarié et ses axes d'amélioration (6).
Elles doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes.
L'entretien annuel d'évaluation doit permettre :
- de faire un bilan de l'année écoulée et des performances du salarié ;
- d'évaluer les compétences du salarié. Vous pouvez mettre en avant ses compétences techniques mais également ses soft-skills qui sont de plus en plus importantes dans les entreprises ;
- de définir les objectifs de l'année à venir ;
- d'échanger avec le salarié sur une éventuelle promotion, augmentation de salaire ou d'autres avantages appréciés des salariés négociés lors d'un entretien annuel.
Aucune information relative à la vie privée du collaborateur ne doit être abordée. Cela implique de ne pas interroger le salarié sur des sujets tels que son orientation sexuelle ou encore son état de santé par exemple, en vue d'éviter toute discrimination à son égard (7).
Lors de l'évaluation d'un représentant du personnel, des précautions particulières sont à prendre. En effet, les fonctions syndicales du salarié ne doivent en aucun cas interférer dans le déroulement de l'entretien et lui porter un quelconque préjudice (8).
Enfin, n'oubliez pas que toutes les informations échangées au cours de l'entretien doivent rester confidentielles.
Refuser d'écouter le salarié
Il est primordial d'écouter le salarié. En effet, l'entretien est aussi l'occasion pour chaque partie de faire part de ses difficultés, récriminations, choix et incompréhensions.
Il est donc important que l'entretien soit un bon moment qui se déroule dans un environnement adéquat permettant aux parties de s'exprimer librement.
À cet égard, il convient de garder à l'esprit que le salarié reste soumis à un lien de subordination avec sa hiérarchie, qui parfois ne lui permet pas d'exprimer réellement ses attentes et son avis sur l'atteinte des objectifs qui lui sont fixés.
L'employeur doit, au titre de son obligation de sécurité, évoquer la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle. À défaut, il manque à ses prérogatives, l'entretien annuel étant le moment propice pour effectuer un suivi sur les missions du salarié (9).
Lors de l'entretien, il faut également éviter de dévaloriser le salarié et de le comparer à d'autres collègues de travail plus performants. Une telle erreur peut être constitutive de harcèlement moral, si elle n'est pas isolée, en fonction du contexte ou si elle est répétée (10). L'entretien d'évaluation doit se baser sur des critères objectifs établis en amont.
Sanctionner le salarié pour avoir refusé de signer le compte-rendu d'évaluation
Le déroulement de l'entretien annuel peut être formalisé par la rédaction d'un compte-rendu d'évaluation.
Les informations contenues dans celui-ci doivent être pertinentes. Soyez donc vigilant quant à la rédaction de ce document.
En effet, les éléments inscrits sont susceptibles de constituer des éléments de preuve permettant au salarié d'appuyer sa contestation dans le cas d'une procédure devant le Conseil de prud'hommes.
Vous pouvez demander à votre salarié de signer le compte-rendu, mais rien ne l'y oblige. Effectivement, il n'est pas obligé de signer le compte-rendu d'évaluation. Vous ne pouvez pas prendre une sanction à son encontre en raison de son refus de signer.
L'absence de signature ne remet pas en cause sa validité. Néanmoins, l'absence de signature du collaborateur diminue la portée du compte-rendu qui aura une force probante moindre devant le Conseil de prud'hommes en cas de contentieux.
(2) Cass. Soc, 28 novembre 2007, n°06-21964
(3) Article L1222-3 du Code du travail
(4) Article L1222-4 du Code du travail
(5) Cass. Soc, 11 avril 2008, n°06-45804
(6) Article L1222-2 du Code du travail
(7) Article L1132-1 du Code du travail
(8) Article L2141-5 du Code du travail
(9) Cass. Soc., 13 avril 2023, n°21-20043
(10) Cass. Soc., 16 mai 2012, n°11-12025
pdf de la CC : fonctionnel mais rien sur l'indemnisation des congés payés non pris du fait de l'employeur