Crise agricole (manifestations, blocages routiers à Paris, Lyon, Metz, etc.) : quelles sont les difficultés rencontrées par les agriculteurs ?

Les manifestations et les blocages des agriculteurs en France font écho à celles observées dans d'autres pays européens, notamment l'Allemagne et la Belgique.

À la source de leur mouvement notamment, la contestation de la hausse des coûts de production, entre autres en raison de l'explosion de leurs factures énergétiques, et le poids grandissant de leurs obligations administratives et environnementales.

Depuis la fin janvier 2024, plusieurs autoroutes menant à la ville de Paris ont par exemple été bloquées par les agriculteurs.

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Mouvement des agriculteurs : quelles sont les mesures immédiates annoncées par le Gouvernement pour répondre à leur colère ? 

En réponse à cette mobilisation, le Gouvernement, par la voix de Gabriel Attal, Premier ministre, a annoncé la mise en place de diverses mesures immédiates, dont certaines ont déjà fait l'objet de décrets d'application. Parmi ces mesures, figurent celles portant sur (1) :

  • la hausse progressive de la taxe sur gazole non routier (GNR) d'ici à 2030, prévue dans la Loi de finances pour 2024, qu'il a finalement décidé d'abandonner. Il s'agissait là d'une revendication-phare des agriculteurs, pleinement impactés par la mesure du fait de l'emploi du GNR dans l'utilisation de leurs machines agricoles. Concrètement, cette mesure se traduit, en pratique, par le remboursement partiel, aux agriculteurs, des taxes sur les carburants non routiers. Les exploitants peuvent d'ores et déjà déposer leur demande de remboursement, de manière anticipée, à l'adresse suivante : https://portail.chorus-pro.gouv.fr (rubrique "applications du domaine facturation", onglet "Remboursement de taxes") (2). Notez par ailleurs que le Gouvernement a annoncé le versement d'une avance au titre de 2024, correspondant à 50 % des sommes qui ont été remboursées sur la base des achats réalisés en 2023, dans un délai de 15 jours. Cette avance sera proposée automatiquement au moment du dépôt de la demande de remboursement annuelle classique. Le montant de l'avance sera déduit du remboursement partiel octroyé l'année suivante (3) ;
  • la création d'un fonds d'urgence de 50 millions d'euros pour aider les exploitations touchées par la maladie hémorragique épizootique (MHE) (4), devant permettre leur indemnisation à hauteur de 90 % et la prise en charge des frais vétérinaires via un guichet spécifique dont l'ouverture est prévue le 5 février 2024. Les premières aides devraient être versées à compter de ce mois, et doivent profiter aux petites et moyennes entreprises ayant déclaré un foyer de maladie hémorragique épizootique (dont un cas confirmé par analyse PCR entre le 19 septembre 2023 et le 31 décembre 2023 inclus) ;
  • une aide d'urgence pour la filière bio, à hauteur de 50 millions d'euros ;
  • le versement de l'intégralité des aides de la Politique agricole commune (PAC) d'ici au 15 mars 2024, directement sur les comptes bancaires des exploitants ;
  • le doublement du fonds d'urgence pour les agriculteurs bretons touchés par la tempête Ciaran ;
  • l'ouverture d'un fonds d'urgence pour soutenir le milieu viticole, spécialement en Occitanie.
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Quelles solutions pérennes ont été annoncées pour protéger et améliorer le revenu des agriculteurs  ?

Outre ces mesures d'urgence, le Gouvernement a fait part de son intention de renforcer et de faire respecter les lois Egalim qui, pour mémoire, visent à protéger la rémunération des agriculteurs et à équilibrer davantage les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.  

Au titre des mesures qu'elles prévoient figurent notamment l'obligation de conclure un contrat écrit pour la vente d'un produit agricole, sous réserve d'exceptions, et la mise en place d'un mécanisme de révision automatique des prix fixes

Dans cette optique, Gabriel Attal a annoncé la prochaine sanction d'entreprises coupables de manquements en la matière et la réutilisation des amendes ainsi payées pour soutenir le milieu agricole.

Dans le même sens, Bruno Le Maire a indiqué, le jeudi 1ᵉʳ février 2024, le contrôle, dans les prochains jours, de toutes les grandes chaînes de supermarché.

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Le Gouvernement souhaite également : 

  • simplifier, de manière massive et rapide, les normes applicables au secteur agricole ;
  • intensifier les contrôles, notamment pour lutter contre les pratiques de "francisation", qui visent à faire passer des légumes étrangers pour des légumes français, afin de favoriser leur commercialisation. Plus de 10.000 contrôles sur l'origine française des produits sont ainsi prévus, selon Bruno Le Maire ;
  • renforcer le dispositif fiscal applicable à l'élevage, pour aider à contrer l'inflation ;
  • inscrire, dans la loi, le principe de souveraineté agricole et alimentaire ;
  • mettre en pause le plan visant à réduire l'usage des pesticides (plan Ecophyto), qui avait pour objectif de réduire de 50 %, d'ici à 2025, l'utilisation des pesticides en France, et empêcher l'importation de fruits et légumes traités avec le pesticide thiaclopride (qui permet de lutter contre certains insectes, et qui est interdit en Europe), dans le but de lutter contre la concurrence déloyale ;
  • dans le même objectif, s'opposer à ce que la France signe le traité actuel UE-Mercosur qui, pour mémoire, est un accord de libre-échange dont plusieurs pays d'Amérique du Sud sont signataires ; 
  • mettre en place une législation européenne, ayant trait à la dénomination de la viande de synthèse ;
  • inscrire, dès que possible, une proposition de loi sur les troubles du voisinage à l'ordre du jour du Sénat ; 
  • assouplir la réglementation instaurant l'obligation, pour les agriculteurs, de maintenir des surfaces en prairies.

Le Gouvernement a enfin promis un soutien fiscal et social aux éleveurs d'un montant de 150 millions d'euros. Un travail avec la filière devrait permettre d'en définir les modalités.

Pour autant, le Gouvernement n'est pas le seul préoccupé par le sort des agriculteurs. En effet, le président de la commission des affaires sociales du Sénat s'est illustré avec le dépôt d'une proposition de loi en urgence afin d'améliorer les retraites agricoles. Cette proposition de loi intervient après la remise d'un rapport du Gouvernement sur la mise en place du calcul de la retraite agricole sur les 25 meilleures années. Ce rapport a été rejeté par les parlementaires et les syndicats agricoles. Dès lors, la proposition de loi sénatoriale entend définir un mode de calcul plus juste et plus égalitaire. Affaire à suivre...

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Références :

(1) Compte-rendu de la Déclaration de politique générale du Premier ministre devant l'Assemblée nationale en date du 30 janvier 2024, communication du Gouvernement sur les mesures d'urgence en faveur du monde agricole, Conférence de presse du Premier ministre français le 1ᵉʳ février 2024
(2) Communiqué de presse du Ministère de l'Économie et des Finances, n°1525, du 1er février 2024
(3) Décret n°2024-76 du 2 février 2024 prévoyant une avance sur le remboursement partiel d'accise sur les produits énergétiques utilisés pour la réalisation de travaux agricoles ou forestiers
(4) Décret n°2024-81 du 3 février 2024 portant création d'un dispositif d'aide visant à compenser les coûts et les pertes subis par les agriculteurs en raison de la maladie hémorragique épizootique affectant les bovins et les ovins