La cession de bail : qu'est-ce que c'est ?

La cession de bail est un contrat qui va permettre au locataire de transférer à un tiers le bénéfice du bail. Votre locataire est appelé le “cédant”, tandis que la tierce personne qui va se voir transférer le bail commercial est désignée comme “cessionnaire”.

Au cours de cette opération, certaines formalités doivent être respectées.

En tant que bailleur, vous avez un droit de regard prévu par la loi (1). Mais le contrat de bail peut également prévoir des règles et spécificités (2).

Attention : le droit au bail est un élément du fonds de commerce à part entière, qui appartient à votre locataire (3). Ce dernier peut de ce fait : 

  • céder le fonds de commerce, ce qui comprend le bail commercial ;
  • céder le droit au bail seul.

Bon à savoir :

Si le locataire souhaite effectuer la cession du fonds de commerce, alors toute clause tendant à interdire la cession du bail, élément essentiel du fonds, est réputée non écrite (3)

Si votre locataire souhaite procéder à la cession du droit au bail seul, alors il peut être prévu dans le contrat que la cession soit :

  • totalement libre ;
  • soumise à des conditions contractuelles particulières ;
  • interdite. 

L'information du bailleur prévue par la loi

Votre locataire n'a pas à demander votre accord sur la cession du bail commercial si vous rentrez dans une de ces conditions de transmission (3) suivantes :

    • cession à la société issue de la fusion, à la société désignée par le contrat de scission ou, à défaut, aux sociétés issues de la scission, à la société bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine ou à la société bénéficiaire de l'apport ;
    • cession à une tierce personne, même non-acquéreur du fonds, en cas de départ pour la retraite ou d'invalidité du locataire.
 Remarque :
Votre accord n'est pas obligatoire dans ces conditions pour que la cession soit valable, même si une clause prévoit le contraire dans le bail commercial.

En revanche, pour que la cession vous soit opposable, il faut que le locataire effectue les formalités légales de signification.

Comment annoncer la cession au bailleur ?

Votre locataire (le cédant) doit vous signifier la cession (4), soit par remise d'un acte d'huissier, soit dans un acte authentique.

 À noter : la signification peut également être réalisée par le cessionnaire (le tiers qui va bénéficier du bail commercial).

Dans ce cas, elle doit comporter tous les éléments nécessaires (identité, coordonnées, date de la cession, etc.) pour que vous puissiez identifier ce cessionnaire.

Il vous est possible en tant que bailleur de matérialiser votre accord par acte authentique plutôt que de passer par le procédé de la signification.

Attention :
Cette formalité est requise si le contrat de cession du droit au bail a été établi par acte authentique ou si une clause du bail prévoit cette démarche.

L'acceptation écrite du bailleur dans un acte sous seing privé vaut acceptation authentique.

Les effets de la cession régulière

La cession du bail commercial établit un transfert des droits reliés au bail du cédant au cessionnaire (6). Le nouveau locataire pourra donc faire valoir auprès de vous ses droits issus du contrat.

Pour le cédant (locataire actuel)

Le cédant ne peut pas être tenu du paiement des loyers échus après la cession. Mais il peut choisir soit :

  • de se déclarer solidaire du cessionnaire ;
  • de se porter caution de ce dernier.

Il faut savoir que dans la pratique, la cession de bail commercial est assortie d'une clause de solidarité.

Pour le cessionnaire (futur locataire)

Le cessionnaire devient locataire et doit exécuter les obligations résultant du contrat de bail, sauf s'il a conclu un accord particulier avec vous.

Exemple : la destination des lieux doit être respectée (7).

À noter :

En cas de cessions successives du bail, il y a transmission des obligations au dernier titulaire du contrat. Celui-ci devient débiteur envers vous des éventuelles dégradations causées et non réparées par les précédents locataires (8).

Les risques de la cession irrégulière

Inopposabilité de la cession

En cas de non-respect de ces formalités, la cession n'est pas nulle. En revanche, elle est inopposable au bailleur, c'est-à-dire :

  • le cessionnaire pourra être considéré comme occupant sans droit ni titre ;
  • le cédant reste locataire aux yeux du bailleur.

Par conséquent, le propriétaire peut demander l'expulsion de l'occupant précaire et poursuivre le cédant en paiement des loyers. Et le cessionnaire évincé pourra agir en responsabilité civile contre le cédant.

Extinction du bail

En cas de cession irrégulière, vous pouvez remettre en cause le bail commercial et procéder à sa résolution. Cette dernière peut se faire :

  • soit par l'application d'une clause résolutoire ;
  • soit en saisissant le juge de cette demande.
 Remarque :
Le manquement que vous invoquez doit revêtir une gravité suffisante. En cas de litige, c'est apprécié au cas par cas par le juge.

Vous pouvez aussi refuser le renouvellement du bail. Dans ce cas, vous n'êtes tenu au paiement d'aucune indemnité. Attention cependant, il faut justifier d'un motif grave et légitime à l'encontre de votre locataire (9).

La cession irrégulière du bail commercial constitue un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement du bail. Le bailleur peut remettre en cause le bail en procédant à la résolution du contrat soit par l'application d'une clause résolutoire, soit en saisissant le juge de cette demande.

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 L'information du bailleur prévue par le contrat

Le contrat de bail commercial peut prévoir des clauses qui viendront aménager le droit de cession (votre autorisation préalable, ou un droit de préemption par exemple). Ces clauses sont légalement valables. 

L'agrément du bailleur

Le bail peut prévoir une clause qui envisage que vous donniez votre accord pour l'agrément ou le refus du candidat proposé par votre locataire. Pour autant, vous n'êtes pas partie à la cession.

Le bail peut entrevoir les modalités de votre choix (simple autorisation du bailleur, autorisation expresse ou encore donnée par écrit) (10).

Bon à savoir :
Les tribunaux ont reconnu l'acceptation tacite (11). Ainsi, si vous avez accepté de façon tacite la cession, vous renoncez à vous prévaloir de la clause. La cession vous sera alors opposable.

L'acceptation tacite se réalise par un acte positif non équivoque. Par exemple si :

  • vous faites une demande de paiement ou de révision des loyers du cessionnaire ;
  • vous acceptez le paiement des loyers effectués par le cessionnaire ;
  • vous délivrez des quittances de loyer au nom du cessionnaire ;
  • etc.

En revanche, la simple connaissance par le bailleur ne vaut pas acceptation de sa part.

Le bail peut prévoir une simple autorisation du bailleur ou préciser si elle doit être expresse et donnée par écrit.

Les tribunaux ont reconnu l'acceptation tacite. En effet, si le bailleur a accepté tacitement une cession et renoncé à se prévaloir de la clause, la cession lui est opposable.

C'est le cas lorsque le bailleur réalise un acte positif non équivoque. Par exemple, vaut acceptation tacite :

  • la demande de paiement et de révision des loyers adressée au cessionnaire ;
  • l'acceptation pendant plusieurs années du paiement des loyers effectué par le cessionnaire ;
  • la demande faite par le bailleur lui-même de réitérer la cession par acte notarié ;
  • la délivrance au cessionnaire d'un congé comportant offre de renouvellement et l'existence de pourparlers sur la fixation du prix du bail renouvelé ;
  • la délivrance de quittances au nom du cessionnaire après avoir encaissé sans réserve les loyers versés par celui-ci et la demande directe d'augmentation de loyer.

En revanche, la simple connaissance par le bailleur de la cession ne vaut pas acceptation de sa part.

En cas de refus d'agrément abusif par le bailleur, les tribunaux peuvent soit passer outre et autoriser la cession (12), soit allouer des dommages et intérêts au locataire.

Le concours du bailleur à l'acte

Contrairement à la clause d'agrément, la clause qui prévoit un appel du bailleur à concourir à l'acte a pour seul but de vous avertir de la cession. Dans ce cas, vous n'avez pas à donner votre autorisation.

Ainsi, la cession ne peut avoir lieu qu'en votre présence, après que vous avez été informé au préalable, par acte d'huissier.

Si vous êtes volontairement absent, malgré l'information préalable via huissier, vous ne pourrez pas invoquer un défaut d'agrément.

Attention : cette obligation ne concerne pas la vente du fonds de commerce.

Le droit de préemption au profit du bailleur

La clause qui prévoit un droit de préemption permet de conférer au bailleur une priorité, un droit de préférence sur le bail. Ce droit vous permet de vous porter acquéreur dans un délai donné, aux prix et conditions de l'offre de cession.

La loi n'interdit pas cette clause dans le cas où le locataire vendrait son fonds de commerce. En effet, cette clause de préemption ne prive pas votre locataire de sa faculté de vendre son fonds de commerce, et de céder son droit au bail.


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Références :
(1) Article 1690 du Code civil
(2) Article 1717 du Code civil
(3) Article L145-16 du Code du commerce
(4) Article 1690 du Code civil
(5) Cass., Civ., 2 février 1977 n°75-13002 et Cass., 3e civ., 16 janvier 2019, n°17-08946
(6) Article 1216 du Code civil et Cass., Civ., 18 juillet 1979 n°78-10657
(7) CA Paris, Pôle 5 Ch.3., 9 octobre 2019, RG n°17-12126 
(8) Cass., 3e Civ., 9 juillet 2003 n°02-11794
(9) Article L145-17 du Code du commerce
(10) Cass., 3e civ., 9 mai 2019 n°18-14540
(11) Cass., Com., 4 janvier 1965 n°63-12063
(12) Cass. 3e civ., 28 février 1956, sté Combe, Paire et Cie c :Procédés Cellonites : Bul. Civ. III N° 88