Oui : la Cour de cassation a récemment précisé qu'il est possible de reconnaître un préjudice d’anxiété au salarié ayant été exposé personnellement à une substance nocive ou toxique engendrant un risque élevé de développer une pathologie grave (exemple : l'amiante ou tout autre substance nocive ou toxique précitée). En revanche, le salarié doit prouver ce préjudice, ce qui n'est pas toujours chose aisée (exemple : dans cet arrêt, le préjudice n'a pas été prouvé par le salarié).
Cet arrêt permet notamment de préciser 3 points :
- d'abord, celle du préjudice d'anxiété ;
- ensuite, la charge de la preuve en ce cas ;
- et enfin, la potentielle responsabilité de l'employeur n'ayant pas remis la fiche d'exposition aux risques.
1. Le préjudice d'anxiété en cas d'exposition à une substance nocive ou toxique
Dans cet arrêt intervenu en 2024, la Cour indique que le salarié qui justifie d'une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, peut agir contre son employeur. Cette action repose sur un manquement de ce dernier à son obligation de sécurité (1).
Toutefois, l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.
En l’espèce, plusieurs anciens salariés demandaient réparation à leur employeur pour un préjudice d’anxiété qu’ils auraient subi en raison de l’exposition à des produits chimiques cancérigènes durant leur travail. Les juges du fond déboutent les parties qui forment alors un pourvoi en cassation.
Bon à savoir : si autrefois, le préjudice d'anxiété n'était reconnu que pour l'exposition à l'amiante, la Cour a reconnu qu'elle n'était plus l'unique cause pouvant caractériser un préjudice d’anxiété. Elle a ainsi étendu le préjudice à toute substance nocive ou toxique nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave (2).
En l’espèce, la Cour de cassation considère que les documents établis par un médecin du travail retraité afin de permettre à des salariés de justifier de leur exposition à différents produits chimiques, ne suffisaient pas à justifier de leur exposition personnelle ou du fait que les postes occupés étaient effectivement au contact de la substance nocive ou toxique.
Elle retient que "les documents rédigés par le médecin du travail retraité, qui énumèrent les produits auxquels les salariés avaient pu être exposés au cours de leurs activités professionnelles, n'étaient pas le fruit de constatations dudit médecin quant à la situation d'exposition personnelle des salariés” et que “ces documents ne contenaient aucune description des postes effectivement occupés par les salariés concernés”.
Elle a ensuite relevé que les autres pièces produites, notamment les fiches de poste, établissaient :
- soit l'absence d'exposition à des produits toxiques ;
- soit une exposition très rare ou de faible durée.
Elles n'étaient donc pas de nature à établir, pour l'ensemble des postes occupés pendant la durée de l'activité professionnelle, soit une exposition aux substances, soit une exposition suffisamment significative pour entraîner un risque de maladie grave.
2. La charge de la preuve
Il est rappelé qu’il appartient au salarié demandeur de prouver l’effectivité du préjudice. Dans cette même affaire, la Cour réaffirme la nécessité que le préjudice soit subi de façon individuelle et personnelle.
Ici, même si l'employeur n'avait pas remis les fiches d'expositions (voir ci-après), il appartenait au salarié de justifier le préjudice qui en était résulté pour lui.
3. La responsabilité de l'employeur peut-elle être engagée pour défaut de remise de l'attestation d'exposition aux risques ?
Une attestation d'exposition doit être établie par l'employeur et le médecin du travail lorsque le salarié est exposé à certains risques. Elle doit être délivrée à tout travailleur qui quitte un établissement dès lors qu'il a été exposé à l'amiante.
L'employeur doit rédiger une fiche d'exposition pour chaque travailleur exposé à l'amiante en indiquant (3) :
- la nature du travail réalisé, les caractéristiques des matériaux et appareils en cause, les périodes de travail au cours desquelles il a été exposé et les autres risques ou nuisances d'origine chimique, physique ou biologique du poste de travail ;
- les dates et les résultats des contrôles de l'exposition au poste de travail ainsi que la durée et l'importance des expositions accidentelles ;
- les procédés de travail utilisés ;
- les moyens de protection collective et les équipements de protection individuelle utilisés.
Un double de la fiche d’exposition doit être transmis au médecin du travail et conservé dans le dossier médical du collaborateur.
Bon à savoir : rappelons également, à cette occasion, que l'employeur doit établir, pour chaque travailleur, une fiche d'exposition à certains agents chimiques (cancérogène, mutagène, etc.) (4).
Cependant, la Cour de cassation, dans cette espèce, a considéré que "la seule absence de remise par l'employeur des attestations d'exposition aux produits chimiques cancérogènes et à l'amiante au salarié [n'entraînait] pas un préjudice pour ce dernier, dit préjudice nécessaire, ouvrant droit à une indemnisation automatique".
Autrement dit, le salarié doit prouver le préjudice qui résulte de l'absence de remise de ce document. L'absence, à elle-seule, ne permet pas d'obtenir réparation automatique.
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