Utilisation d'internet au travail : quels sont les impacts pour l'entreprise ?
Le surf sur internet représente une chute de productivité de 17,6 % pour l'entreprise."
Étude Olfeo 2016 (1)
Selon une étude datant d'il y a quelques années, les salariés passeraient environ 6 h 15 par semaine sur internet à des fins personnelles, soit presque 1 journée par semaine ou 1 mois par an (1).
📌 Ce temps de travail consacré à des occupations personnelles pour surfer sur internet peut avoir diverses conséquences sur l'activité :
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une baisse de la productivité ;
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une exposition à des virus ou du piratage de données à caractère personnel ou de fichiers confidentiels lorsque les sites consultés ne sont pas fiables ou sécurisés (cyber-attaques contre l'entreprise) ;
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une dégradation de la bonne image de l'entreprise en cas de fuites de données de la clientèle par exemple ;
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la compromission du matériel informatique ;
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un encombrement de votre réseau internet (ralentissements, etc.) ;
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la circulation de fichiers ou l'échange de messages non professionnels voire délictuels sur le matériel informatique professionnel (pornographie, fichiers piratés, messages haineux, etc.) ;
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des risques pour la sécurité de tous, si les missions du salarié exigent une concentration optimale mais qu'il est distrait (conduite de véhicule, manipulation de produits dangereux, etc.) ;
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etc.
Pour toutes ces raisons, un employeur peut être tenté de restreindre, voire sanctionner, l'usage d'internet à des fins personnelles pendant le temps de travail.
💡 Bon à savoir : si votre structure collecte des données à caractère personnel auprès de ses clients ou de ses salariés, vous êtes concerné par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Utiliser internet à des fins personnelles au travail peut-il justifier une sanction disciplinaire ?
Principe : une utilisation raisonnable d'internet à des fins personnelles
Une utilisation personnelle de ces outils est tolérée si elle reste raisonnable et n’affecte pas la sécurité des réseaux ou la productivité."
CNIL (2)
En droit du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives. Durant ce temps, il ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles (3).
En conséquence, et comme le rappelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), un salarié peut utiliser internet à des fins personnelles, mais cet usage doit rester raisonnable. Cela signifie qu'il ne doit pas compromettre la sécurité de l'entreprise, ni impacter déraisonnablement le travail qu'il doit effectuer et pour lequel il a été recruté.
Les abus, quant à eux, entrent dans le cadre du pouvoir disciplinaire de l'employeur.
Le salarié qui consulte internet à des fins personnelles peut-il faire l'objet d'un avertissement ?
Il convient toujours de choisir une sanction proportionnée à la gravité de la faute (4).
Si les faits commis ne requièrent pas de sanctionner le salarié, mais que l'employeur souhaite malgré tout lui enjoindre de rectifier son comportement, il peut en premier lieu lui adresser un rappel à l'ordre.
En revanche, si les faits sont propices à une sanction disciplinaire mais ne rendent pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, l'employeur peut envisager une sanctions dite légère (ou mineure), telle qu'un avertissement.
Si les faits sont plus graves, des sanctions plus lourdes, c'est-à-dire ayant un effet sur le contrat de travail, peuvent être prononcées. Cela peut être, par exemple, une mise à pied disciplinaire, selon l'impact que le comportement du salarié a eu sur l'image, la sécurité et la poursuite de l'activité de l'entreprise.
Enfin, dans les cas les plus graves, le salarié peut faire l'objet d'un licenciement.
Le salarié qui consulte internet à des fins personnelles peut-il faire l'objet d'un licenciement pour faute grave ?
La possibilité de licencier le salarié pour faute grave
Constitue une faute grave justifiant le licenciement, la connexion sur des sites non-professionnels durant le temps de travail pendant une durée excessive."
Cass. Soc, 26 février 2013, n°11-27372
En fonction de la gravité des faits, les achats en ligne et autres consultations personnelles sur le temps de travail peuvent justifier de l'impossibilité de poursuivre le contrat de travail.
Les outils de l'entreprise sont présumés être utilisés à des fins professionnelles. Une mise à profit personnelle déraisonnable est nécessairement susceptible de faire l'objet d'une sanction.
Si la faute graves est caractérisée, le licenciement pour faute grave est donc envisageable.
Finalement, en pratique, le fait pour un salarié d'aller sur internet pendant ses heures de travail peut justifier la rupture de son contrat de travail s'ils ont été réalisés de manière abusive et qu'il en résulte un préjudice pour l'entreprise (les réseaux ou la productivité s'en trouvent affectés).
🔍 À lire aussi : Quels sont les différents types de fautes professionnelles ? Tableau récapitulatif
Exemples de fautes graves dans l'utilisation d'internet à des fins personnelles au travail
Si l'accès à internet est un outil indispensable pour de nombreux postes, il peut aussi être source de nombreux abus.
📌 Voici quelques exemples issus de la jurisprudence dans lesquelles le juge a considéré que le licenciement pour faute grave en raison de connexion sur internet était justifié :
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la connexion sur des sites non professionnels durant le temps de travail et pendant une durée excessive : ici, la consultation de sites extraprofessionnels (sites de voyage, tourisme, comparaison de prix, vente en ligne de prêt-à-porter, etc.) par la salariée était évaluée à plus de 10.000 sur une période de moins de 2 mois (6) ;
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les nombreuses connexions sur des sites "d'activité sexuelle et de rencontres" ainsi que d'un site de téléchargement d'un logiciel permettant d'effacer les fichiers temporaires du disque dur de l'ordinateur (7) ;
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la connexion sur internet à des fins non professionnelles pour une durée totale d'environ 44 heures sur une période de 1 mois (8) ;
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l'envoi, par un salarié à ses collègues, de 178 courriels accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif, malgré l'interdiction établie par le règlement intérieur (9) ;
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etc.
Dans tous les cas, l'employeur devra être en mesure de prouver les faits reprochés au salarié. Dans le cas contraire, la sanction prononcée ne serait reposerait pas sur une cause réelle et sérieuse.
🔍 Pour aller plus loin : Litige devant le conseil des prud'hommes (CPH) : pouvez-vous utiliser un élément de preuve déloyal ?
Télétravail et utilisation d'internet à des fins personnelles : quelles sont les limites ?
Depuis quelques années, le télétravail s'est largement pérennisé dans nos habitudes. La consultation de sites internet non professionnels peut évidemment se poser pour les salariés concernés par cet aménagement des conditions de travail.
Le télétravail suppose l'existence d'un lien de subordination entre votre salarié et vous-même. Le télétravailleur, au même titre que lorsqu'il travaille au siège de l'entreprise, doit respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la relation contractuelle qui vous lie. Il est alors censé exécuter son contrat de travail de bonne foi et respecter les dispositions du règlement intérieur (10).
Néanmoins, le travail en home office impliquant nécessairement une certaine marge de liberté, l'activité d'un salarié peut en effet être plus difficile à contrôler, d'autant plus lorsqu'il utilise son matériel personnel pour travailler.
Si l'employeur arrive malgré tout à prouver que le salarié consulte déraisonnablement des sites non professionnels pendant son temps de travail, celui-ci pourra être sanctionné comme n'importe quel salarié de l'entreprise.
💡 Bon à savoir : afin de réduire les risques d'abus, l'employeur et le salarié en télétravail doivent bâtir une relation de confiance mutuelle.
Quelles pratiques mettre en oeuvre pour éviter les risques liés à l'utilisation d'internet au travail ?
Si les risques pour l'entreprise liés à une utilisation personnelle d'internet sont bien réels, vous pouvez lutter contre en prenant des mesures de prévention et de contrôle.
Le contrôle et la surveillance des connexions internet par l'employeur grâce à la charte informatique et le règlement intérieur
En pratique, l'employeur peut contrôler et limiter l'utilisation d'internet en mettant en place, par exemple, des dispositifs de filtrage de sites ou de détection de virus.
Selon la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), ces limites ne constituent pas une atteinte à la vie privée, dans la mesure où vous informez de la mise en place d'un dispositif de contrôle de l'activité :
- les représentants du personnel (11) ;
- les salariés (concernant les modalités de contrôle au regard notamment des finalités poursuivies ou de la durée et conservation des données).
Vous pouvez mettre en place une charte informatique annexée au règlement intérieur. Elle vous permet d'informer vos salariés sur la bonne conduite à adopter et de porter à leur connaissance, les limites liées à l'utilisation d'internet.
Par la même occasion, vous pourrez justifier l'exercice de votre pouvoir disciplinaire sur le fondement de la charte. Il convient de transmettre le règlement intérieur contenant la charte à l'inspection du travail (12) avec l'avis du CSE, le déposer au greffe du conseil des prud'hommes (13) et le porter à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l'embauche (14).
Prévention de l'utilisation abusive d'internet au travail
En pratique, il est complexe de repérer les sites à usages extraprofessionnels consultés par vos salariés, mais vous pouvez mettre en place un blocage sélectif consistant à interdire l'accès à certains sites (réseaux sociaux, sites non fiables, etc.). Pour ce faire, n'hésitez pas à faire appel à votre administrateur réseau, qui peut réaliser un audit des sites les plus consultés.
Lorsque votre entreprise a recours au télétravail, vous pouvez utiliser un serveur VPN (Virtual Private Network).
Des actions de formation, prévention et sensibilisation peuvent également être menées à l'échelle de votre entreprise : bons réflexes à adopter sur internet, reconnaître un site fiable, reconnaître une tentative d'hameçonnage, etc.
Ces mesures ne vous permettent pas d'enrayer définitivement le surf sur internet, mais peuvent vous permettre de réduire les risques liés à son utilisation abusive.
Comment contrôler et prouver l'utilisation d'internet à des fins personnelles par le salarié ?
Le contrôle des outils informatiques professionnels est-il possible ?
Les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence."
Cass. Soc. 9 juillet 2008, n°06-45800
L'employeur peut consulter tous les fichiers qui ne sont pas indiqués comme "personnels" lorsqu'ils sont sur le matériel informatique de l'entreprise, car ils sont présumés avoir un caractère professionnel (15). Dans ce cas, la présence du salarié n'est pas requise.
En principe, les fichiers personnels pourront être consultés, mais seulement en présence du salarié concerné, sauf dans le cas où une urgence ou un risque particulier nécessite de les consulter malgré l'absence de celui-ci.
Est-ce que l'employeur peut consulter l'historique internet du salarié pour se constituer une preuve ?
S'agissant de l'usage que les salariés font du réseau internet, les connexions établies pendant le temps de travail via l'outil informatique mis à disposition par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut les rechercher via l'historique, aux fins de les identifier, et ce, même sans la présence des intéressés (5).
⚠ Attention ! Le pouvoir de contrôle de l'employeur n'est pas sans limites. L'employeur n'a par exemple pas le droit d'installer des "keyloggers", logiciels permettant de surveiller les frappes sur le clavier du salarié, à distance.
Tableau récapitulatif : l'utilisation d'internet au travail
Cas |
Possible ? |
Utiliser internet de façon raisonnable pour une recherche personnelle (ponctuelle, site sécurisé, etc.) |
✅ |
Utiliser internet de façon déraisonnable pour des motifs personnels (temps démesuré, sites non fiables, exposition de l'entreprise à des virus, messages haineux, etc.) |
❌ |
Vérifier l'historique sur le matériel professionnel du salarié |
✅ |
Installer un logiciel pour surveiller ce que tape le salarié sur son ordinateur professionnel |
❌ |
Restreindre l'accès à certains sites (réseaux sociaux, sites non sécurisés, plateformes de divertissement, etc.) |
✅ |
Sanctionner le salarié pour usage d'internet au travail |
✅ |
Licencier le salarié pour usage d'internet au travail |
✅ |
Références :
(1) Étude Olfeo 2016, la réalité de l'utilisation d'Internet au bureau
(2) "Travail et données personnelles - Les outils informatiques au travail", CNIL, éditions 2018
(3) Article L3121-1 du Code du travail
(4) Article L1333-2 du Code du travail
(5) Cass. Soc. 9 juillet 2008, n°06-45800
(6) Cass. Soc. 26 février 2013, n°11-27372
(7) Cass. Soc. 1er septembre 2011, n°10-14869
(8) Cass. Soc. 18 mars 2009, n°07-44247
(9) Cass. Soc. 18 décembre 2013, n°12-17832
(10) Article L1222-1 du Code du travail
(11) Article L1321-4 du Code du travail
(12) Article R1321-4 du Code du travail
(13) Article R1321-2 du Code du travail
(14) Article R1321-1 du Code du travail
(15) Cass. Soc. 2 octobre 2001, n°99-42942 (affaire Nikon)
Bien dans sa globalité, manques des exemples plus parlant (je sais c'est pas facile)