Le projet de loi sur le plein-emploi en France, du ministre Olivier Dussopt, pour faire oublier la réforme des retraites ?
Depuis le début d'année, les syndicats ont été très actifs sur le sujet de la réforme des retraites et ont pointé du doigt le manque d'intérêt du Gouvernement concernant la qualité de vie au travail, du "travailler mieux", des seniors notamment.
C'est dans cette optique que s'était ouverte la Commission Renaissance, nouvelle étape du quinquennat, un peu moins d'un an après la réélection d'Emmanuel Macron. L'objectif était de débattre d'une nouvelle "Loi travail" ou "Loi plein-emploi" à l'Assemblée nationale avant l'été : ouvrir une nouvelle séquence, plus positive, autour du "Care" en entreprise, dans l'optique peut-être de calmer le mécontentement de certains Français.
Le projet de loi plein emploi de l'été 2023 ne reprend pas tous les points évoqués par le Gouvernement
Le projet de loi plein emploi présenté en Conseil des ministres et déposé au Sénat le 7 juin 2023 a été adopté récemment (2).
Contrairement à ce qui avait été annoncé précédemment, ce projet ne contient que les dispositions relatives à :
- l'éventuelle transformation de "Pôle emploi" en "France Travail" ;
- à l'emploi des personnes handicapées ;
- et à l'accueil des jeunes enfants.
La transcription de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur, qui devait faire l'objet de la loi plein emploi, est finalement intervenue dans un projet de loi distinct : un projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, a été présenté en Conseil de ministres et déposé au Sénat le 24 mai 2023 (3) et adopté par l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, le 29 juin 2023.
En ce qui concerne les autres points précédemment évoqués par le Gouvernement, qui devaient être intégrés dans la loi plein emploi : le Gouvernement laisse la possibilité aux partenaires sociaux, de trouver des accords sur ces points (emploi des séniors...) jusqu'à fin 2023/début 2024. Certains acteurs de la presse parlent ainsi de nouvelles lois travail pour fin 2023 ou début 2024.
Pôle emploi : toujours Pôle emploi ?"France Travail", mesures pour les demandeurs d'emploi, les bénéficiaires du RSA, les personnes handicapées...
Le projet de loi initial prévoyait notamment de transformer Pôle emploi en France Travail. Les sénateurs ont voté pour la modification du texte en maintenant le nom Pôle emploi.
L'objectif ne change pas pour autant. Il s'agit toujours de proposer un meilleur accompagnement pour les personnes afin qu'elles retrouvent un emploi et de renforcer l’accompagnement des entreprises dans les processus de recrutement.
Le nom "France Travail" sera, selon le projet de loi adopté par le Sénat, réservé aux différents réseaux des acteurs de l'emploi et de l'insertion.
L'inscription à France Travail pour les personnes qui cherchent un emploi ou qui ont des difficultés sociales ou professionnelles (bénéficiaires du RSA, jeunes, personnes en situation de handicap...), pour leur fournir un accompagnement adapté.
Les conditions de perception du RSA ont également fait l'objet d'une modification. À cet effet, les sénateurs ont voté pour :
- l'inscription dans le contrat d'engagement des demandeurs d'emploi nécessitant un accompagnement ou des bénéficiaires du RSA une durée hebdomadaire de 15 heures minimum d’activité (immersion, remise à niveau ou encore formation) ;
- la limitation à 3 mois de RSA les sommes qui pourront être versées rétroactivement en cas de sanction de suspension-remobilisation, c'est-à-dire que le versement du RSA pourra être suspendu dès lors que le bénéficiaire ne respecte plus ses engagements. Le versement reprendra si l'allocataire remplit à nouveau les conditions sans pour autant remonter à plus de 3 mois après la suspension. Il s'agit ici en occurrence du respect de la durée minimum d'activité.
L'emploi des parents de jeunes enfants facilités par le projet de loi plein emploi
Le secteur de la petite enfance est en crise depuis plusieurs années.
Le projet de loi sur le plein emploi a pour objet de faciliter l'emploi des parents de jeunes enfants, en essayant de supprimer les freins à la reprise d'emploi des parents et garantir l'accueil des jeunes enfants.
La mise en place de la stratégie nationale initialement proposée n'a pas été adoptée par le Sénat. Ce dernier a voté la suppression de cette stratégie et le relâchement des contraintes imposées aux communes comme organisatrice de l'accueil des jeunes enfants. Néanmoins la suppression des freins à la reprise d'emploi demeure.
La transposition de l'ANI du 10 février 2023 sur le partage de la valeur : projet de loi du 24 mai 2023
Les partenaires sociaux ont signé un accord national interprofessionnel (ANI) le 10 février 2023, relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.
=> Le 29 juin 2023, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, le projet de loi. L'examen du texte par le Sénat est toujours en cours.
Elisabeth Borne avait annoncé que cet accord serait repris fidèlement dans la loi Plein-emploi. En réalité, la loi plein emploi ne reprend pas ce point. En revanche, un projet de loi distinct, porte transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (3). C'est dans ce projet de loi, déposé au Parlement le 24 mai 2023, qu'est repris fidèlement l'ANI.
Voici les principales mesures :
- généralisation des dispositifs de partage de la valeur pour les entreprises de 11 à 49 salariés (prime de partage de la valeur, intéressement, participation...) ;
- possibilité de placer la prime de partage de la valeur sur un PEI, PEI, PER ;
- possibilité de verser 2 primes de partage de la valeur dans la même année ;
- maintien du régime fiscal et social renforcé après le 1er janvier 2024, pour les entreprises de moins de 50 salariés ;
- négociation supplémentaire en cas de bénéfices exceptionnels ;
- développement de l'actionnariat salarié.
De nouvelles règles pour l'emploi des séniors : éviter les plans de départ et les ruptures conventionnelles, index sénior, CDI sénior ?
Airbus, Safran, Michelin, Stellantis… Nombreux sont les groupes et grandes entreprises qui mettent en place des plans de départs volontaires s'appuyant sur des mesures d'âge ces derniers mois. Pour les entreprises plus petites, les ruptures conventionnelles peuvent être proposées avec un montant d'indemnisation augmenté pour les salariés les plus âgés.
Le Gouvernement a pour objectif de limiter au maximum les départs qui ciblent principalement les salariés de 55 ans et plus. Les vagues de départs touchant les salariés les plus expérimentés se multiplient depuis 2020 et la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Pour pallier ce problème, le régime social de l'indemnité de rupture conventionnelle va être unifié avec celui de l'indemnité de mise à la retraite dès le 1er septembre 2023 : cela a été prévu dans une loi du 14 avril 2023 (4).
Il était question, dans la loi plein-emploi, d'inscrire des sanctions pour ces entreprises qui stigmatisent particulièrement les seniors avant leur retraite. Ce ne fût pas le cas. Reste à voir si de nouveaux éléments (autres que le régime social unifié) seront prévus dans les accords sur l'emploi des séniors, discutés par les partenaires sociaux par la suite.
Concernant le CDI sénior et l'index sénior, ces 2 mesures devaient être intégrées dans la réforme des retraites. Cependant, ils ont été censurés par le Conseil Constitutionnel (les considérant comme cavaliers législatifs). Ils n'apparaissent pas non plus dans le projet de loi pour le plein emploi. Le Gouvernement a en effet demandé aux partenaires sociaux d'étudier ces sujets d'ici fin 2023, début 2024, et notamment l'emploi des seniors en général, afin de trouver un accord, qui pourrait déboucher, ensuite, sur un projet de loi.
La généralisation de la semaine de quatre jours : travailler moins pour travailler mieux ?
Depuis la crise sanitaire, les expérimentations autour de la semaine de quatre jours se multiplient en Europe (au Royaume-Uni, en Belgique et en Espagne, par exemple).
Depuis peu, ce dispositif est en test dans le secteur public français, en Picardie. Gabriel Attal, l'ancien ministre délégué aux Comptes publics, avait ainsi annoncé le 31 janvier 2023 dans le journal L'Opinion que la semaine de 36 heures en quatre jours allait être expérimentée pour les agents de l'Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Picardie. L'expérimentation est en cours.
En France, certaines entreprises privées ont déjà testé depuis plusieurs mois cette organisation, qui semblerait plus flexible. Pour certains entrepreneurs, le résultat est très positif. Laurent de la Clergerie, le président de l'entreprise LDLC, publiait sur LinkedIn un "Bilan : 6% de croissance, 20% de gain de résultat et un solde entre embauche et départ négatif".
En droit français, l'entreprise peut modifier le nombre de jours travaillés par semaine, tant que les règles de droit sont respectées par ailleurs. Les partenaires sociaux sont, quant à eux, très vigilants sur cette nouvelle pratique.
Notre objectif n’est pas de rendre quoi que ce soit obligatoire, n’est pas de contraindre, mais c’est simplement une modalité d’organisation à la disposition des partenaires sociaux et des entreprises
Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion
La semaine de 4 jours pourrait faire l'objet de discussions et d'accords entre les partenaires sociaux, pour l'encadrer ou préciser les organisations possibles. Ce point ne fait, dans tous les cas, pas l'objet du projet de loi plein emploi.
Le Compte Épargne Temps : un CET universel, mais aussi portable et monétisable
La généralisation du compte épargne temps universel, ouvert à tous les salariés, pourrait faire partie des points sur lesquels les partenaires sociaux doivent discuter et parvenir à un accord.
Ce dispositif, proposé par plusieurs candidats dont Emmanuel Macron ou Yannick Jadot lors des élections présidentielles de 2022, peut déjà être mis en place dans certaines entreprises.
Depuis plusieurs années, la CFDT porte l'idée de la création d'une "banque des temps", qui prendrait la forme d'un compte épargne temps universel (Cetu), inspiré du Compte Épargne Temps (CET). Ce nouveau compte épargne temps serait accessible à tous, quels que soient, son statut (agent de la fonction publique, salarié, indépendant...), la taille de son entreprise, son secteur d'activité ou la nature de son contrat de travail et pourrait suivre l'individu tout au long de sa carrière. Il pourrait être actionné tout au long de sa vie, et notamment en fin de carrière.
La Loi "Plein Emploi" n'est pas la Loi Travail déjà en vigueur depuis le 22 décembre 2022 (réforme chômage).
Le projet de loi "Plein-emploi" ou "Nouvelle loi travail" est différent de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, qui modifiait notamment les règles encadrant le dispositif de la VAE et le prolongement des règles actuelles de l'assurance chômage jusqu'au 31 décembre 2023 (réforme de l'assurance chômage).
Les députés doivent l'examiner l'automne prochain.
Références :
(1) Décret du 11 septembre 2023 portant convocation du Parlement en session extraordinaire
(2) Projet de loi pour le plein emploi
(3) Projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise
(4) Loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
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