Qu'est-ce que le travail dissimulé ?

Le travail dissimulé est une forme de travail illégal (1)

L'infraction est effective dès lors que le travail est partiellement dissimulé (2)

A noter : La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé, est interdite.

Il existe 2  types de dissimulation du travail :

Le travail dissimulé par dissimulation d'activité (3) 

La dissimulation d'activité est constituée lorsque les conditions cumulatives suivantes sont effectives :

  • l'exercice à but lucratif :

d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ;

- ou de l'accomplissement d'actes de commerce.

  • par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

- n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

- ou n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale (non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radiée par les organismes de protection sociale) ;

- ou s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

Le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié (4) 

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur :

  • de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail) ;

  • ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales.


Les travaux d'urgence dont l'exécution immédiate est nécessaire pour prévenir les accidents imminents ou organiser les mesures de sauvetage ne constituent pas du travail dissimulé (5).

Quelles sanctions en cas de travail dissimulé ?

Un employeur peut être sanctionné qu'il s'agisse de travail dissimulé au sein de son entreprise, ou s'il a recouru sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé (sous-traitance(2).

📝 Travail dissimulé au sein de l'entreprise : 

                                                      Sanctions administratives 

En cas de contrôle, l'employeur encourt les risques suivants :

✅ Suppression des aides publiques (6) (par exemple, les exonérations de charges sociales ou les aides à l'embauche d'un contrat d'apprentissage) pendant 5 ans maximum ;

✅ Remboursement des aides publiques déjà perçues sur les 12 derniers mois (7) ;

✅ Exclusion des contrats publics pour une durée maximale de 6 mois pour les personnes physiques (8) ;

✅ Fermeture de 3 mois maximum décidée par le Préfet avec confiscation du matériel professionnel (8).

                                                            Sanctions fiscales

Redressement des cotisations sociales :

  • à défaut de preuve contraire en termes de durée effective d'emploi et de rémunération versée, le redressement est évalué forfaitairement à 10 284 euros (majoration de 25 %) (9) ;

  • la base forfaitaire s'élève à 16 454 euros (majoration de 40 %) lorsque le travail dissimulé concerne plusieurs personnes employées, un mineur, une personne vulnérable ou lorsque le délit est commis en bande organisée (10).

Le délai pour s'acquitter du montant du redressement est de 5 ans.

S'il y a récidive dans les 5 ans du constat : 

  • 45 % si la majoration lors du 1er redressement était de 25 % ;

  • 60 % si la majoration lors du 1er redressement était de 40 %.

                                                                 Sanctions pénales 

Pour les personnes physiques :

L'employeur d'un travailleur dissimulé risque jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (11) ;

  • Si le travail dissimulé concerne un mineur ou une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance est apparent ou connu de l'auteur, la sanction va jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (12).

  • Si le délit est commis en bande organisée, la sanction est de 10 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende (12).

Pour les personnes morales : 

La société auteur de l'infraction risque 225 000 euros d'amende (amende prévue pour les personnes physiques x 5) et l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée (13).

                                                         Peines complémentaires 

Pour les personnes physiques (14) :

  • l'interdiction, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
    Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;

  • l'exclusion des marchés publics pour une durée de 5 ans au plus ;

  • la peine de confiscation ;

  • l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;

  • l'interdiction des droits civiques, civils et de famille.

✅ Pour les personnes morales (15) :

  • la dissolution, l'exclusion des marchés publics à titre définitif, la peine de confiscation et l'interdiction de percevoir toute aide publique pendant 5 ans ;

  • l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de 5 ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

A retenir : En cas de rupture de la relation de travail, le salarié pour lequel un employeur a eu recours au travail dissimulé, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire (17).

📝 Travail dissimulé de votre sous-traitant

Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est interdit (2)

Si vous faites appel à un sous-traitant, vous êtes soumis à un devoir de vigilance. En cas de contrôle, il vous appartiendra d'apporter la preuve de la demande adressée pour justifier de ses déclarations d'activité.

Si le contrat est supérieur à 5 000 euros hors taxes, vous devez lui demander tous les 6 mois une attestation de vigilance (18)

Les sanctions encourues sont les mêmes que si le travail dissimulé était constaté dans votre entreprise.

Exemples de décisions sanctionnant le travail dissimulé 

Les décisions sanctionnant les employeurs pour travail dissimulé ne sont pas rares.

 Le 19 avril 2022, le Tribunal correctionnel de Paris a condamné à une forte amende la plateforme de livraison Deliveroo pour travail illégal. 

Elle était accusée d'avoir fait travailler, entre 2015 et 2017, des livreurs sous un statut de travailleurs indépendants aux conditions précaires alors qu'ils auraient dû être qualifiés de salariés

💡 Si la Cour de cassation avait déjà retenu la qualification de contrat de travail pour de “faux indépendants” (19), il s'agit cette fois-ci d'une condamnation pénale.

Les anciens dirigeants ont été condamnés à une amende et une peine d'emprisonnement avec sursis.

Deliveroo devra aussi verser des dommages et intérêts à chacune des 5 organisations syndicales (CGT, Union Solidaires, SUD-Commerces et services, SUD-Commerces et services Île-de-France et Syndicat national des transports légers) qui se sont constituées parties civiles pour préjudice moral.

Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions en faveur d'un salarié, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé (20).

Références :
(1) Article L8211-1 du Code du travail
(2) Article L8221-1 du Code du travail
(3) Article L8221-3 du Code du travail
(4) Article L8221-5 du Code du travail
(5) Article L8221-2 du Code du travail
(6) Article L8272-1 du Code du travail
(7) Article L8272-1 du Code du travail
(8) Article L8272-4 du Code du travail
(9) Article L242-1-2 du Code de la sécurité sociale
(10) Article L243-7-7 du Code de la sécurité sociale
(11) Article L8224-1 du Code du travail
(12) Article L8224-2 du Code du travail
(13) Article L8224-5 du Code du travail
(14) Article L8224-3 du Code du travail
(15) Article L8224-5 du Code du travail
(16) Article R8222-1 du Code du travail
(17) Article L8223-1 du Code du travail
(18) Article R8222-1 du Code du travail
(19) Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 mars 2020, 19-13316, Publié au bulletin
(20) Article L8223-4 du Code du travail