1. Discours présidentiel du 16 janvier 2024 : focus sur les branches qui paient moins que le SMIC
Fin 2023, 34 branches ne respectaient pas le SMIC.
En effet, suite aux revalorisations répétées du SMIC ces dernières années (liées à l'inflation), plusieurs secteurs se retrouvent avec des grilles de salaires dont les montants sont inférieurs à ce minimum légal.
À la suite de ce constat, Emmanuel Macron, actuel Président de la République, a évoqué le sujet lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024.
Il a mis l'accent sur sa volonté de mettre en place des mesures, pour donner plus de dynamisme aux carrières et mieux gagner sa vie par le travail.
Ainsi, comme il l'a annoncé, il y aura un travail à faire avec les "branches qui continuent de payer sous le SMIC, pour qu’elles réembauchent davantage et qu’elles attirent plus de travailleurs". Ceci vaut particulièrement pour les métiers de la restauration, du soin, et certains métiers manuels, qui ont du mal à recruter.
Nous allons encourager les branches où il y a encore des difficultés de rémunération à accélérer les négociations pour qu’elles puissent se conformer aux dynamiques des derniers mois.
Emmanuel Macron
Attention : même lorsqu'une convention collective de branche prévoit des salaires minima plus bas que le SMIC, l'employeur doit appliquer (au minimum) le SMIC. Dans ce cas, il ne peut pas se baser sur le salaire minimum de la convention collective (voir la suite de cet article, pour comprendre ces mécanismes, et pour un point sur les conventions collectives qui "paient moins que le SMIC").
2. Qu'est-ce que le salaire minimum conventionnel (SMC) ? Définition
À noter : on parle indistinctement de "salaire minimum conventionnel", de "salaire minimum professionnel hiérarchique" ou encore de "minima hiérarchique". Toutes ces expressions désignent la même chose.
Le Code du travail ne définit pas la notion de salaire minimum professionnel hiérarchique.
Concrètement, il s'agit du montant minimum de rémunération garanti au salarié, par un accord de branche, en fonction de son positionnement dans les grilles de classification conventionnelles. On parle de "minima hiérarchiques", car les branches négocient des salaires minima pour tous les niveaux hiérarchiques.
Autrement dit, le salaire minimum conventionnel correspond à la rémunération minimale prévue par la convention collective, soit le salaire en dessous duquel l'employeur ne peut pas rémunérer son salarié. Ce salaire minimum hiérarchique est défini selon les niveaux hiérarchiques dans la branche (donc selon les qualifications, l'emploi, les responsabilités, etc.).
Rappelons, à propos de la rémunération et des classifications, que :
- les salaires minima sont liés à l'emploi des intéressés, c'est-à-dire à leur qualification ;
- la classification du salarié est déterminée par un niveau ou un coefficient hiérarchique ;
- le nom de l'emploi du salarié ainsi que sa position dans la classification conventionnelle doivent apparaître sur le bulletin de paie (2).
3. Dois-je automatiquement respecter le salaire minimum conventionnel (à savoir les grilles de salaires conventionnelles) ?
Concrètement, l'employeur doit respecter les salaires minima hiérarchiques fixés par une convention collective, dans 2 situations :
- lorsqu'il est adhérent à l'une des organisations ou groupements patronaux signataires du texte conventionnel (du texte qui prévoit les salaires minima de la convention collective) ;
- même s'il n'est pas affilié à l'une de ces organisations, lorsque le texte conventionnel a fait l'objet d'une procédure d'extension. Autrement dit, si les textes relatifs aux salaires conventionnels ont été étendus (par un arrêté d'extension), l'employeur qui se trouve dans le champ d'application du texte doit le respecter.
Lorsqu'une convention collective s'applique à votre entreprise, vous ne pouvez pas rémunérer vos salariés en dessous du salaire minimum conventionnel.
Les minima conventionnels sont renégociés régulièrement. C'est pourquoi vous devez être vigilant et rester informé sur l'évolution des grilles de salaires dans votre secteur d'activité.
Notez néanmoins que lorsque le salaire minimum prévu par la convention collective est inférieur au SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance), vous devez absolument respecter le minimum légal (c'est-à-dire le SMIC).
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4. Quelle différence entre SMIC et SMC ? Quel montant dois-je appliquer au salarié ?
SMIC ou SMC, quelle différence ?
Le salaire minimum conventionnel (SMC) est prévu par la convention collective applicable dans l'entreprise. L'employeur ne peut pas rémunérer ses salariés en dessous de ce montant.
Comme indiqué précédemment, le SMIC est un minimum social légal (et non conventionnel) garanti à tous les salariés. Son montant évolue notamment en fonction de l'inflation, et il est défini par décret ou arrêté. Il s'agit du salaire minimum légal, en dessous duquel les employeurs ne peuvent pas rémunérer leurs salariés.
Aucune rémunération effective ne peut être inférieure au SMIC ou au SMC.
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Quel montant dois-je appliquer au salarié : le SMIC ou le salaire minimum conventionnel ?
Même si les partenaires sociaux se réunissent périodiquement pour négocier et, le cas échéant, revaloriser les salaires, il n'est pas rare de constater des salaires minima conventionnels inférieurs au SMIC .
Dans ce cas, c'est-à-dire si les minima conventionnels sont inférieurs au SMIC, les dispositions conventionnelles sont privées d'effet et ne s'appliquent pas.
Ainsi, l'employeur doit verser à ses salariés, au minimum le montant le plus élevé entre le SMIC et le SMC :
- si SMC > SMIC => l'employeur doit verser au moins le SMC ;
- si SMIC > SMC => l'employeur doit verser au moins le SMIC.
Je souhaite comparer le SMIC et le SMC : quel est le montant du SMIC en 2024 ?
Depuis le 1er janvier 2024, le SMIC mensuel brut est porté à 1.766,92 euros sur la base de la durée légale de 35 heures, soit un montant horaire brut de 11,65 euros (hors Mayotte) (3).
Le salaire minimum conventionnel serait inférieur au SMIC dans 34 branches professionnelles en décembre 2023
En 2023, les différents suivis de la négociation salariale de branche ont permis de faire un bilan des négociations salariales dans les 171 branches professionnelles principales, notamment sur la conformité du salaire minimum conventionnel au montant du SMIC.
Les tendances suivantes se sont dégagées :
- en juin 2023, sur ces 171 branches principales, 140 affichaient un SMC inférieur au montant du SMIC, ce qui pouvait s'expliquer par la revalorisation du SMIC au 1er mai 2023 ;
- en août 2023, près de la moitié des branches, à savoir 80 d'entre elles, affichaient encore un SMC ne respectant pas le SMIC ;
- en novembre 2023, elles étaient toujours 39 à n'avoir toujours pas résolu ce retard ;
- en décembre 2023, elles passaient à 34 (branche des pompes funèbres, de l'industrie du caoutchouc, de la blanchisserie, du bricolage, la branche Syntec, etc.). Certaines d'entre elles devaient être reçues par le ministère du Travail, notamment dans le but d'expliquer ce retard et de présenter les actions qu'elles entendent mettre en place pour établir un SMC en conformité avec les obligations légales.
Dès juin 2023, Olivier Dussopt, ministre du Travail à l'époque, avait appelé les partenaires sociaux à la négociation afin que les minimas conventionnels soient supérieurs au SMIC.
Il avait estimé que ce sujet constituait un enjeu majeur en matière de pouvoir d'achat et de déroulement de carrière. C'est aussi un critère d'attractivité non négligeable dans les secteurs concernés, plus particulièrement dans ceux qui rencontrent de fortes tensions de recrutement. L'année étant fortement marquée par l'inflation, plusieurs acteurs rappellent en effet l'importance de la négociation conventionnelle salariale en la matière.
Sur ce point, depuis 2016, le ministre du Travail a également la possibilité de fusionner les champs d'application des conventions collectives d'une branche (5), notamment lorsqu'il constate la faiblesse de cette branche à signer des accords ou avenants assurant un salaire minimum national professionnel au moins égal au SMIC. Il s'agit ici d'inciter les partenaires sociaux à prendre en main le sujet pour revaloriser les minima de leurs branches respectives de façon régulière. Pour cette raison, la branche des casinos (IDCC 2257) a fait l'objet d'une fusion administrative, après avoir été alertée plusieurs fois, sans succès.
Actuellement, seules 12 branches continuent à avoir des grilles conventionnelles ayant une rémunération en dessous du SMIC. « Ce sont donc 80 % de ces branches qui se sont mises en conformité, traduisant une belle dynamique de négociation » d'après le ministère du Travail.
Elizabeth Borne, précédent 1er ministre, avait évoqué en octobre dernier l'idée de proposer au Parlement d'ici au 1er juin 2024 un "texte de loi qui permettra de calculer les exonérations non pas sur la base du SMIC, mais sur la base du minimum de branche".
Gabriel Attal, actuel 1er ministre, approuve et reprend l'idée. Des sanctions sont donc envisagées pour les branches ayant un niveau de rémunération inférieur au SMIC pour la fin du mois de juin si des solutions ne sont pas trouvées.
Ces mesures nécessitent de prendre des dispositions législatives et pourraient donc figurer dans l'acte II de la réforme du marché du travail. Reste à savoir ce que sera l'avenir de ce texte, au regard des prochaines élections législatives anticipées...
5. Comment puis-je vérifier que le montant du SMC de mon accord de branche est respecté ?
Pour contrôler le respect du minimum conventionnel, il convient de comparer :
- les éléments de rémunération effectivement versés au salarié en contrepartie de son travail ;
- avec le montant plancher conventionnel garanti au salarié, c'est-à-dire avec le salaire minimum conventionnel.
Cela suppose donc que soient définis les éléments de salaire à prendre en compte pour apprécier si la rémunération versée au salarié est au moins égale au minimum conventionnel. Certains compléments de rémunération doivent être intégrés dans le calcul. C'est de cette manière qu'il sera possible de vérifier si le salaire est bien supérieur ou égal au minimum conventionnel.
En principe, c'est à la convention collective de définir ces éléments.
À défaut de précision, la Cour de cassation considère que seules peuvent être prises en compte les primes qui sont la contrepartie directe de la prestation de travail du salarié, à l'exclusion de celles qui sont liées à sa présence ou à son ancienneté dans l'entreprise (6).
Selon la jurisprudence, les éléments de rémunération suivants peuvent être pris en compte :
- une gratification collective (7) ;
- une prime de rendement (8) ;
- une prime mensuelle d'objectifs (9) ;
- les commissions versées à un salarié (10).
Lorsque la rémunération d'un salarié comprend un fixe et un pourcentage sur le chiffre d'affaires qu'il réalise, il y a lieu de totaliser ces 2 éléments (11).
En revanche, les sommes versées par l'employeur pour l'acquisition, par le salarié, de tickets-restaurant, sont exclues du fait qu'elles ont une finalité distincte de la rémunération de la prestation de travail proprement dite (12). Autrement dit, les sommes correspondant aux titres-restaurants n'entrent pas dans le salaire à prendre en compte pour calculer le minimum conventionnel, car elles ne sont pas la contrepartie directe du travail.
En principe, il convient d'apprécier, mois par mois, si le salarié a bien perçu une rémunération au moins égale au minimum conventionnel (13).
Néanmoins, si la convention collective le prévoit, le respect du minimum conventionnel pourra s'apprécier sur l'année (14).
6. Non-respect du salaire minimum conventionnel : quelles sanctions j'encours en cas de salaire inférieur aux grilles de l'accord de branche ?
Sanctions civiles
En cas de manquement à cette obligation, vos salariés sont en droit d'exiger la régularisation de leur salaire. Généralement, lorsqu'ils intentent une action en justice, ils demandent un rappel de salaires.
Tout litige relatif au versement du salaire peut vous coûter cher, puisque le délai fixé pour saisir le Conseil de Prud'hommes, dans le cadre d'une action visant à obtenir le paiement des sommes dues, est de 3 ans (15).
Sanctions pénales
Les sanctions pénales ne s'appliquent qu'en cas d'accord de branche étendu, c'est-à-dire d'accord conclu au niveau d'une branche professionnelle qui a été étendu par le Ministère du Travail. Cela signifie que l'accord s'applique à toutes les entreprises qui entrent dans le champ d'application visé par l'accord. Cette situation est néanmoins assez fréquente.
Jusqu'à 750 eurosd'amende
Le fait pour l'employeur, lié par une convention ou un accord collectif de travail étendu, de payer des salaires inférieurs à ceux fixés dans cette convention ou cet accord, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 4ème classe. L'amende est prononcée autant de fois qu'il y a de salariés concernés (18) (19).
Les agents de contrôle de la Dreets (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités), autrement dit de l'inspection du travail, ont qualité pour relever les infractions.
Sanctions administratives
Sous réserve de l'absence de poursuites pénales, la Dreets peut (20) :
- adresser à l'employeur un avertissement ;
- ou prononcer à son encontre une amende administrative en cas de manquement aux dispositions relatives au salaire minimum fixé par la convention ou l'accord de branche étendu applicable à l'entreprise.
Le montant maximal de l'amende administrative est de 4.000 euros, et peut être appliquée autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés (21) !
7. Où trouver et comment lire une grille de salaires ?
Où trouver les grilles de SMC applicables à mon entreprise ?
Les grilles de salaires se trouvent généralement dans les accords/avenants/annexes des conventions collectives.
Il s'agit de textes négociés par les partenaires sociaux, puis annexés à la convention collective à laquelle ils s'appliquent. Ils peuvent porter différents noms tels que, par exemple, "avenant relatif aux salaires", "accord relatif aux salaires conventionnels hiérarchiques", etc. Il convient de se référer au dernier accord conclu sur ce point.
Si ces accords/avenants/annexes, sont étendus (par arrêté d'extension), ils s'appliquent à toute la branche d'activité. S'ils ne sont pas étendus, ils s'appliquent uniquement aux entreprises adhérentes aux organisations patronales signataires de l'accord.
Comment lire une grille de salaires et comment se présente-t-elle ?
Bien souvent, la grille de salaires se présente sous forme de tableau et définit les règles de rémunération applicables à vos salariés.
Généralement, les minima définis sont fonction de l'échelon (niveaux, coefficient, etc.) et du statut/catégorie professionnelle (ouvrier, employé, ingénieur, cadre, etc.).
Cette grille de salaires permet d'avoir une politique salariale cohérente et clairement définie. Bien entendu, il ne s'agit que de seuils en dessous desquels vous ne pouvez pas rémunérer vos salariés.
Afin de fixer leur rémunération, il convient de tenir compte du marché de l'emploi dans le secteur géographique dans lequel votre entreprise est implantée et éventuellement des difficultés à pourvoir le poste.
Il faut ensuite lire le tableau en se référant à l'échelon et à la catégorie professionnelle du salarié. Chaque grille de salaires est différente.
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8. Exemple de la grille de salaires mensuels bruts des ETAM dans la convention collective SYNTEC
Prenons pour exemple la convention collective applicable aux salariés des bureaux d'Études Techniques des Cabinets d'Ingénieurs-Conseil et des sociétés de conseil (SYNTEC) (22).
La grille des salaires minima hiérarchiques syntec se retrouve dans l'avenant n°2 du 29 septembre 2022 à l'avenant n°47 du 31 mars 2022 (étendu par arrêté du 12 décembre 2022) (22).
Calcul du salaire minimum conventionnel
Bon à savoir : voici la formule applicable pour déterminer les salaires minima hiérarchiques des ETAM SYNTEC : Base fixe + (valeur du point ETAM x coefficient de la position) = salaire minimum
Pour en savoir plus : Grilles de salaires minimaux prévus par la Convention collective Syntec
Par exemple :
Pour les salariés concernés par les coefficients 240 et 250, le salaire minimal conventionnel (1.715 euros) est actuellement inférieur au SMIC 2024 (1.766,92 euros). L'employeur doit donc appliquer le SMIC.
(1) Discours de politique générale prononcé par Gabriel Attal le 30 janvier 2024, devant l'Assemblée Nationale
(2) Article R3243-1 du Code du travail
(3) Décret n°2023-1216 du 20 décembre 2023 portant relèvement du salaire minimum de croissance, pour 2024
(4) Article L3231-5 du Code du travail
(5) Article L2261-32 du Code du travail
(6) Cass. Soc., 4 février 2015, n°13-20879
(7) Cass. Soc., 1er juin 1983, n°80-41666
(8) Cass. Soc., 8 novembre 1983, n°81-41538
(9) Cass. Soc., 4 juin 2002, n°00-41140
(10) Cass. Soc., 2 avril 2003, n°01-40338
(11) Cass. Soc., 15 décembre 1982, n°80-41008
(12) Cass. Soc., 3 juillet 2019, n°17-18210
(13) Cass. Soc., 2 juillet 2014, n°12-25752
(14) Cass. Soc., 20 novembre 2019, n°18-11811
(15) Article L3245-1 du Code du travail
(16) Article L2132-3 du Code du travail
(17) Cass. Soc., 20 janvier 2021, n°19-16283
(18) Article R2263-3 du Code du travail
(19) Article L131-13 et 131-41 du Code pénal
(20) Article L8115-1 du Code du travail
(21) Article L8115-3 du Code du travail
(22) Convention collective applicable aux Salariés des bureaux d'Études Techniques des Cabinets d'Ingénieurs- conseil et des sociétés de conseil, avenant n°2 du 29 septembre 2022 à l'avenant n°47 du 31 mars 2022 relatif aux salaires minimaux hiérarchiques des ETAM
Contenu claire et précis.