Votre voisin décide de changer le revêtement de son sol et cette modification entraîne une gêne occasionnée par l'amplification des bruits d'impacts. Les bruits de pas, des objets qui tombent, le déplacement des chaises etc...  Ces bruits d'impacts, s'ils représentent des inconvénients « normaux » de voisinage, ne doivent pour autant pas être excessifs. Quelles sont les règles relatives à la modification du revêtement du sol ? Quelles sont les personnes juridiquement responsables ? Comment rapporter la preuve du trouble de voisinage et à qui appartient-t-il de rapporter cette preuve ? Votre avocate spécialisée en conflit de voisinage vous donne ses conseils.

I. Les fondement juridiques

1. Les clauses du règlement de copropriété

a) L'existence de clauses spécifiques

Le règlement de copropriété (RC) peut prévoir des clauses spécifiques concernant les modifications de revêtement de sols.

Par exemple, le règlement de copropriété peut prévoir qu’une telle modification doit être soumise à autorisation des copropriétaires et que le nouveau revêtement doit présenter certaines qualités d’isolation acoustique.

b)  En l'absence de clauses spécifiques : application des clauses générales

En l’absence de clauses spécifiques, le règlement de copropriété prévoit des clauses générales rappelant que « les occupants ne doivent rien faire qui puisse nuire aux droits et à la tranquillité des autres copropriétaires ».

2. La théorie du trouble anormal de voisinage

Indépendamment du respect du règlement de copropriété, il est possible de recourir à la théorie du trouble anormal de voisinage :

L'article R 1336-5 du Code de la Santé Publique :  « Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité. »

 

II. Les personnes juridiquement responsables

1. Le syndic de copropriété

Le syndic, représentant du syndicat des copropriétaires, est chargé de faire respecter le Règlement de copropriété (article 18 loi 10.07.65) et peut engager la responsabilité de l’auteur.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires peut être engagée sur les fondements suivants :

1.       Article 14 alinéa 4 de la loi du 10 juin 1965 qui prévoit que le syndicat des copropriétaires « a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes » et qu’il est « responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».

2.       Article 1242 du code civil : « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui causé par le fait (…) des choses que l’on a sous sa garde »

2. Le bailleur

Si vous êtes locataire, sachez que l'article 1719 du code civil met à la charge du bailleur copropriétaire l'obligation, même en l'absence de disposition particulière figurant dans le règlement de copropriété ou dans le bail, de permettre au locataire de jouir paisiblement de son logement pendant toute la durée du bail.

Par ailleurs, en application de l'article 1729 du code civil, le copropriétaire doit répondre de son locataire bruyant.

En effet, aux termes de cet article « si le preneur n'use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur , celui ci peut suivant les circonstances faire résilier le bail ».

3.   L'auteur des bruits

Naturellement et en premier lieu, il convient d'informer (par courrier recommandé avec AR) le voisin, auteur des bruits, des nuisances subies en prenant soin de les détailler et d'inviter ce dernier à prendre toutes mesures destinées à les faire cesser.

Cette étape est cruciale en cas de recours contentieux.

En effet, la victime du trouble devra justifier auprès du Tribunal avoir informé le voisin (lequel souvent ne réalise pas la gêne causée) et tenté de trouver une issue amiable.


III.  A qui appartient la charge de la preuve et comment la rapporter ?

C’est à la victime du trouble de démontrer le caractère « anormal » du trouble, du préjudice subi (préjudice de jouissance, financier, moral, de santé) et le lien de causalité entre les deux.

La preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens :

-          Courrier recommandé avec AR adressé au syndic pour lui rappeler sa responsabilité et lui demander de mettre fin aux nuisances

-          Courrier recommandé avec AR adressé au voisin auteur du trouble pour lui faire part du trouble et lui demander de mettre fin aux nuisances

-          PV d’huissier : Grande force probante de ses actes (en cas de saisine du Tribunal), l’huissier étant un officier public et ministériel, (Indispensable en cas d’action judiciaire pour démontrer l’existence des nuisances) ;

-          Attestations sur l’honneur des proches, voisins, familles pour attester du préjudice subi notamment (attention : formulaire cerfa N° 11527*03 à utiliser + copie de la CNI)

-          Rapport d’un expert acousticien : seul habilité à dire si le bruit est conforme à la règlementation en vigueur par l’utilisation de techniques appropriées

La désignation d’un expert acousticien est sollicitée par le dépôt d’une requête en référé, à condition de démontrer l’existence d’un motif légitime.