Etre en couple constitue le droit le plus fondamental, tout autant que celui de devenir membre d’une société et ainsi d’y effectuer un apport, ce qui permet en contrepartie de détenir des titres de la société, qui sont des actions ou des parts sociales.

Avoir le droit, implique dans tous les cas, savoir ce que l’on a le droit de faire ou pas et encore plus de respecter la réglementation qui s’applique à la situation donnée, soit le mariage, le PACS ou le concubinage.

La note sera articulée donc autour du régime du mariage, suivie de celui du PACS et du concubinage.

Incidence du régime matrimonial sur les apports effectués à une société par une personne mariée

Principe général du mariage : tout couple qui se marie va disposer d’un régime matrimonial (1)

Définition du régime matrimonial

Le régime matrimonial est constitué par un ensemble de dispositions légales ou conventionnelles, qui règlent les rapports patrimoniaux entre les époux durant le mariage.

Il existe différents régimes matrimoniaux, certains sont conventionnels et relèvent de la volonté des parties d’établir un contrat de mariage, devant notaire, avant la célébration du mariage et l’autre relève de l’application de la loi, en l’absence de choix d’un contrat de mariage par les deux époux.

Il existe également des régimes matrimoniaux dits « communautaires », soit pour l’essentiel, le régime légal et le régime de la communauté universelle, qui forment une communauté entre les deux époux et un régime séparatiste, dit « de régime de séparation de biens », où chaque époux sera propriétaire de ses biens et dettes, sans jamais former « une union juridique » avec l’autre conjoint. Le régime de séparation de biens est régi par le Code civil (2).  

Définition du régime matrimonial communautaire

Dans un régime communautaire, les biens du couple appartiennent à la communauté composée des deux époux. S’agissant d’un régime communautaire, tous les biens acquis par le couple, selon le cas, soit avant, soit pendant le mariage, font partie intégrantes de la communauté, composée des deux époux. La communauté relève donc d’une enveloppe juridique qui « absorbe » les biens acquis par le couple, en sorte que ledit bien n’appartient ni à l’un, ni à l’autre, mais à la communauté composée des deux époux.

Il existe deux régimes matrimoniaux dits « communautaires », soit :

  • le régime légal qui s’applique à tout couple qui se marie, sans faire choix d’un régime matrimonial particulier et qui se nomme le régime de la communauté réduite aux acquêts (3). Dans le régime légal, tous les biens acquis par le couple durant le mariage à titre onéreux (à la différence de « à titre gratuit » qui correspond à des donations, legs, héritages) « rentrent » dans la communauté ;
  • ou le régime de la communauté universelle qui s’applique à tout couple qui se marie, en ayant fait le choix devant notaire de ce régime matrimonial (4). Dans le régime de la communauté universelle, et sauf dispositions contraires du contrat, au jour du mariage tous les biens acquis avant ou après le mariage « rentrent » dans la communauté.

Dispositions spécifiques en droit des sociétés

Un époux marié sous un régime communautaire, donc « le régime légal » ou « le régime de la communauté universelle » ne peut employer des biens communs du couple et notamment des fonds en numéraire, en vue d’effectuer un apport à une société, dont le capital est divisé en parts sociales, que si son conjoint a été averti au préalable d’un tel apport (5).

📌Attention cette disposition prévue par l’article 1832-2 du Code civil ne concerne que :

  • les époux mariés, d’une part, et d’autre part, sous un régime communautaire, donc le régime légal et le régime de la communauté universelle ;
  • les apports réalisés à une société dont le capital social est divisé en parts sociales, soit la société civile, la société en nom collective, les deux sociétés en commandites (pour les commandités), la société à responsabilité limitée. Il est rappelé, qu’une part sociale est un titre non négociable, et par là même, affectée d’une restriction juridique à la vente et qui ne peut être cédée, qu’avec l’accord des autres associés, à la majorité prévue par les statuts, à l’issue d’une procédure d’agrément de l’acheteur. Le fondement de l’article 1832-2 du Code civil repose sur la protection d’un couple marié sous un régime communautaire, où un des époux souhaiterait effectuer un apport dans une société, dont le capital social est divisé en parts sociales, et par là-même, les parts sociales qu’il détiendrait ne pourraient être cédées, qu’avec l’accord des autres associés, ce qui justifie l’obligation d’informer l’autre époux de cette situation ;
  • les apports effectués à une société dont le capital est divisé en parts sociales, avec des fonds issus de la communauté.
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Modalités d’informations du conjoint de l’apporteur

Le conjoint de l’apporteur doit être prévenu d’un tel apport à une société dont le capital est divisé en parts sociales :

  • soit par lettre recommandée avec accusé de réception avant la signature des statuts ;
  • soit le conjoint de l’apporteur peut également intervenir à l’acte constitutif de société et ainsi manifester la reconnaissance de l’apport au moyen de biens faisant partie de la communauté.

📌 Cette disposition prévue par l’article 1832-2 du Code civil, oblige l’apporteur à prévenir son conjoint, en sorte qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir son accord, même s’il est préférable d’obtenir l’accord de l’autre époux.

Sanction : en application de l’article 1832-2 du Code civil qui renvoie à l’article 1427 du Code civil (6), faute d’avoir été averti par l’apporteur d’un bien à une société, son conjoint peut demander l’annulation de l’acte de d’apport, dans un délai de deux ans, à compter du jour où il a eu effectivement connaissance de l’apport à une société.

📌 Cette disposition prévue par l’article 1832-2 du Code civil, qui renvoie à l’article 1427 du Code civil institue un cas de nullité de l’opération d’apport dans un délai de deux ans, à compter du jour où le conjoint en a eu connaissance. Il est précisé que le respect des dispositions de l’article 1427 du Code civil ne constitue pas un point de contrôle de la part du Registre du commerce et des sociétés, lors de l’immatriculation de la société.

Possibilité de devenir associé

Le conjoint de l’apporteur qui a été prévenu, de l’apport, au moyen de fonds de la communauté pourrait également manifester la volonté de devenir associé de la société en notifiant cette volonté par lettre recommandé avec accusé de réception, sauf s’il y renonce dans les statuts ou dans un acte subséquent.

Absence de disposition particulière pour certains régimes matrimoniaux ou certaines sociétés

L’obligation d’information du conjoint n’est pas prévue et selon l’article 1832-2 du Code civil :

  • pour un régime séparatiste comme le régime de séparation de biens
  • ou lorsqu’il s’agit d’une société dont le capital est divisé en actions (SA et SAS). Il est rappelé qu’une action est un titre négociable, qui n’est affectée d’aucune restriction juridique et qui peut donc être vendue sans restriction.

Incidence du régime du PACS ou du concubinage sur les apports effectués à une société

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Attention :

Par une assimilation trop facile et trop rapide, il a été considéré que la disposition prévue par l’Article 1832-2 du Code civil pour « les couples mariés sous un régime communautaire » devait être transposée, au cas qui concernerait un couple sous le régime du PACS indivision. La situation est un peu plus compliquée que cela et ce sera examiné.

💡 Le concubinage : le Code civil définit le concubinage comme une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple (7). Il n’existe aucune disposition particulière s’agissant de la situation du concubin qui effectuerait un apport à une société. Il n’y a donc aucune mesure à prendre s’agissant d’un apport effectué par un associé ou actionnaire vivant en concubinage.

Il sera porté une attention toute particulière au régime du PACS.

💡 Le PACS : ou pacte civil de solidarité est un contrat entre deux personnes partageant une certaine communauté de vie dont l’objectif est d’organiser et de définir les rapports patrimoniaux entre eux (8).

Il existe deux types de PACS ayant des conséquences différentes s’agissant de la création d’une société, soit le PACS « séparatiste » et le PACS « indivision » :

Le PACS dit « séparatiste »

Le PACS dit « séparatiste » organise une séparation totale du patrimoine des deux protagonistes (9). Le PACS dit « séparatiste » n’a aucune incidence sur l’apport à une société, et quelle que soit sa forme.

Le PACS dit « indivision »

Définitions

💡Indivision : l'indivision est la situation juridique dans laquelle plusieurs personnes exercent des droits de même nature sur un même bien ou sur une même masse de biens, sans pour autant que leurs parts respectives se trouvent matériellement divisées. Les biens de l'indivision sont alors appelés "biens indivis".  

💡PACS indivision : le PACS « indivision » organise une situation juridique au terme de laquelle, tous les biens acquis durant l’exécution du PACS et donc de la vie de couple vont appartenir en indivision. Le couple uni par un PACS « indivision » sera propriétaire de tous leurs biens en indivision et cela concerne également les fonds monétaires figurant sur un compte bancaire. Dans un PACS indivision, tout appartient aux deux indivisaires, qui disposent des mêmes droits sur les biens (10).

Incidence du PACS dit « indivision » s’agissant d’un apport à une société au moyen de fonds appartenant à l’indivision

Dans un PACS dit « indivision », si un des cocontractants (partenaire du PACS) envisage d’effectuer un apport à une société, et quel que soit la composition du capital social de ladite société, soit en actions ou en parts sociales, il devra impérativement demander l’autorisation de son partenaire de PACS dit « indivision ». Non seulement, l’accord du partenaire du PACS dit « indivision » est requis afin d’utiliser des fonds de l’indivision, dans le but d’effectuer un apport à une société, mais en outre, le partenaire de PACS dit « indivision » sera de plein droit propriétaire indivisaire des actions ou des parts sociales qui sont la contrepartie de l’apport.

📌 S’agissant du PACS dit « indivision », il est question d’obtenir l’accord de l’autre indivisaire et non pas seulement de l’informer. Effectuer un apport à une société, ne constitue en effet pas un acte de gestion ou d’administration relevant de la capacité d’un seul indivisaire. Ce point est discutable pour les apports effectués à une société dont le capital est divisé en actions qui pourrait relever d’un acte de gestion et donc de la capacité d’un seul indivisaire. 

📌 Si un apport est effectué à une société, au moyen de fonds détenus en indivision, et ce, sans l’accord de l’autre indivisaire, une action en nullité de l’apport pourrait être engagée, et ce, sur le fondement de l’article 815-16 du Code civil (11) portant nullité de la cession de droits indivis.

📌 Les actions ou les parts sociales obtenues en contrepartie d’un apport à une société, au moyen de fonds appartenant à une indivision seront donc indivises, en sorte que chaque partenaire du PACS pourra prétendre à être soit actionnaire, soit associé de la société (12)

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Attention :

A mon sens, les actions ou les parts sociales obtenues en contrepartie d’un apport à une société, au moyen de fonds appartenant à une indivision seront ipso facto indivises, en sorte, qu’il ne me paraît pas possible, qu’un des partenaires du PACS renonce à devenir associé ou actionnaire. Il est par contre possible qu’un des partenaires du PACS renonce à exercer ses droits d’associés ou actionnaires, en donnant « mandat » au partenaire du PACS qui a effectué l’apport, afin d’exercer ses droits d’actionnaires ou d’associés à sa place. Le mandat doit être écrit. Il pourrait même être fait application du mandat tacite de l’indivision pour tous les actes de gestion de l’indivision, et ce, en vertu de l’article 815-3 du Code civil.

Possibilités pour un partenaire d’un PACS dit « indivision » s’agissant d’un apport à une société d’être seul associé ou actionnaire de la société

Dans un PACS dit « indivision », si un des cocontractants (partenaire du PACS) utilise des fonds de l’indivision, afin d’effectuer un apport à une société, les parts sociales ou les actions reçues en contrepartie de son apport seront indivises.

📌 Il existe une solution afin d’éviter de créer des parts sociales ou actions en indivision, et cela consiste pour le partenaire du PACS dit « indivision » à intervenir lors de la signature des statuts, afin de reconnaître, que les fonds ayant permis l’apport ne font pas partie de l’indivision, ce qui va permettre de créer des parts sociales ou actions non indivises. L’article 515-5-2 du Code civil définit les biens ne faisant pas partie de l’indivision.

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Conclusion :

Un époux marié sous un régime communautaire ne peut employer des fonds appartenant à la communauté, afin d’effectuer un apport à une société, dont le capital social est divisé en parts sociales, et ce, sans avoir prévenu son conjoint et sous les dispositions de l’article 1832-2 du Code civil, qui renvoie à l’article 1427 du Code civil, qui institue un cas de nullité de l’opération d’apport.

​​​Cette même disposition est souvent transposée pour le régime du PACS dit « indivision », ce qui constitue à mon sens une erreur, l’article 1832-2 du Code civil ne visant que le mariage.

Aucune disposition particulière du PACS dit « indivision » n’est prévue dans le Code civil au titre des apports en société.

Le seul moyen à mon avis d’échapper à la mise en place d’actions ou de parts sociales indivises, consiste à faire reconnaître par les deux partenaires du PACS dit « indivision », que l’apport a été réalisé par des fonds ne faisant pas partie de l’indivision.

 

Références :

(1) Article 1387 du Code civil qui traite du régime matrimonial devant s’appliquer à tous les couples mariés
(2) Articles 1536 à 1543 du Code civil traitant du régime de la séparation de biens au titre des régimes matrimoniaux
(3) Article 1400 à 1491 du Code civil traitant du régime légal au titre des régimes matrimoniaux
(4) Article 1426 du Code civil traitant du régime de la communauté universelle au titre des régimes matrimoniaux
(5) Article 1832-2 du Code civil traitant de l’apport en société dont le capital social est divisé en parts sociales s’agissant d’un associé marié sous un régime communautaire
(6) Article 1427 du Code civil qui définit la sanction de la nullité de l’apport à une société dont le capital social est divisé en parts sociales au moyen de fonds communs pour les époux mariés sous un régime communautaire
(7) Article 515-8 du Code civil relatif au concubinage
(8) Article 515-1 du Code civil relatif au Pacte civil de solidarité (PACS)
(9) Article 515-5 du Code civil relatif au PACS séparatiste
(10) Article 515-5-1 du Code civil relatif au PACS indivision
(11) Article 815-16 du Code civil sur la nullité de la cession de droits indivis
(12) Cass. Com., 07 juillet 2020, n°18-19330