Prescription civile et prud’homale : un délai de 5 ans, mais avec des exceptions

Quels recours possibles pour un salarié ?

Le salarié qui agit devant le conseil de prud’hommes ou le tribunal judiciaire dispose, en principe, d’un délai de 5 ans pour faire valoir ses droits. Ce délai s’applique :

  • à l’action en réparation du préjudice moral ;

  • à l’action en nullité du licenciement fondée sur le harcèlement.

Ce délai de 5 ans est prévu par l’article 2224 du Code civil et constitue une exception à la prescription plus courte (12 mois) applicable aux litiges portant sur la rupture du contrat de travail (article L1471-1 du Code du travail).

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Point de départ du délai : fin du harcèlement ou découverte des faits

Le point de départ du délai commence :

  • au jour du dernier acte de harcèlement,

  • ou au jour où la victime a eu connaissance des faits lui permettant d’agir.

Cela permet de tenir compte du caractère répétitif ou continu du harcèlement moral. Si les agissements ont duré plusieurs années, le délai commence à courir à la fin de cette période, et non au premier fait.

Par ailleurs, si le harcèlement se poursuit jusqu’à la rupture du contrat de travail, le délai de prescription ne court qu’à compter de la rupture.

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Prescription pénale : un délai de 6 ans, voire 12 en cas de dissimulation

Le harcèlement moral, un délit reconnu par le Code pénal

Le harcèlement moral est un délit pénal, puni jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende (article 222-33-2 du Code pénal).
À ce titre, il est soumis à la prescription de 6 ans, prévue à l’article 8 du Code de procédure pénale.

Délai prolongé si les faits sont cachés ou difficiles à détecter

Mais ici encore, la loi et la jurisprudence prévoient des assouplissements :

  • le point de départ du délai est fixé au dernier acte de harcèlement, en raison du caractère continu de l’infraction ;

  • en cas d’infraction dissimulée ou occulte, le délai ne commence à courir qu’à partir du moment où l’infraction a pu être découverte dans des conditions permettant l’enquête ou la plainte.
    C’est ce que prévoit l’article 9-1 du Code de procédure pénale.

💡 Cependant, une limite existe : le délai butoir de 12 ans. Cela signifie que, même en cas de dissimulation, l’action pénale est définitivement prescrite 12 ans après les faits.

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Jurisprudence : la reconnaissance du harcèlement comme une infraction continue

Les juges admettent depuis longtemps que le harcèlement moral, parce qu’il repose sur des faits répétés, est une infraction dite continue ou d’habitude.

Cela implique que :

  • le dernier acte marque le début du délai de prescription ;

  • tous les faits antérieurs, même anciens, peuvent être pris en compte pour caractériser l’infraction.

📌 Exemple : si un salarié a subi du harcèlement pendant plusieurs années, mais que le dernier acte date de moins de 5 ans (en civil) ou de moins de 6 ans (en pénal), l’action reste recevable, et tous les actes passés peuvent être évoqués devant le juge.

Est-il encore possible d’agir en cas de dénonciation tardive ?

Tout dépend du moment où les faits ont cessé ou ont été découverts. Il faut distinguer deux hypothèses :

Les cas pour lesquels une action reste encore possible

  • si le dernier acte de harcèlement est récent ;

  • ou si les faits ont été dissimulés et que la victime les découvre tardivement (dans la limite des 12 ans), alors une action reste possible, même si certains faits remontent à plusieurs années.

Quand il est trop tard pour agir

  • si plus de 5 ans se sont écoulés en matière civile ou prud’homale ;

  • ou plus de 6 ans en matière pénale (ou plus de 12 ans en cas de dissimulation), alors l’action sera prescrite, et la victime ne pourra plus obtenir réparation.

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Conclusion

La prescription en matière de harcèlement moral tient compte de la complexité des faits et de leur caractère répété ou dissimulé. Elle permet d’agir dans un délai raisonnable, tout en protégeant les droits des victimes. Mais au-delà de certains seuils, plus aucun recours n’est possible.

C’est pourquoi il est essentiel, même en cas de doute ou de souffrance ancienne, de consulter rapidement un avocat ou une structure d’accompagnement. Un signalement précoce peut tout changer.

Références :

- Article L1152-1 du Code du travail : définition du harcèlement moral
- Article L1471-1 du Code du travail : délais de prescription en droit du travail, dont l’exception de 5 ans pour harcèlement moral ou sexuel
- Article 2224 du Code civil : prescription de droit commun (5 ans à compter de la connaissance des faits)
- Article 8 du Code de procédure pénale : prescription de droit commun des délits (6 ans)
- Article 9-1 du Code de procédure pénale : règles spécifiques aux infractions occultes ou dissimulées (report du point de départ + délai butoir de 12 ans)

Jurisprudences :

- Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-11360 : la prescription de cinq ans s’applique à l’action en nullité du licenciement fondée sur des faits de harcèlement moral. Même décision par raisonnement inversé, si le licenciement n'est pas motivé par la dénonciation d'un harcèlement moral, la prescription de douze mois peut s'appliquer, rendant l'action du salarié prescrite. Il en résulte qu'une salariée peut agir plus d’un an après le licenciement si elle fonde son action sur le harcèlement moral : prescription spéciale de cinq ans
- Cass. soc., 4 septembre 2024, n° 22-22860 : l'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par cinq ans lorsqu'elle est fondée sur le harcèlement moral
- Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-21931 : précise que le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du harcèlement moral est fixé à la date du dernier acte pouvant être qualifié comme tel
- Cass. crim., 19 juin 2019 n° 18-85725 précise que, s'agissant du délit de harcèlement moral, le point de départ du délai de prescription de l'action publique court à partir du dernier acte de harcèlement incriminé, et ce pour chaque acte de harcèlement.