💡Applicabilité du nouveau régime des nullités : l’ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025 qui a redéfini le régime des nullités en droit des sociétés est applicable au 1er octobre 2025, soit pour les sociétés constituées après le 1er octobre 2025 et les décisions sociales prises après le 1er octobre 2025.

💡 Uniformisation du régime des nullités : avant la mise en œuvre de l’ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025 applicable au 1er octobre 2025, il existait deux réglementations se rapportant au régime des nullités en droit des sociétés, soit les articles L235-1 à L235-14 du Code de commerce et qui se rapportaient aux sociétés commerciales et les articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil qui se rapportaient à l’ensemble des sociétés civiles et commerciales. Il existait bien une coexistence de deux règlementations devant permettre la compréhension du régime des nullités en droit des sociétés. Depuis le 1er octobre 2025, les dispositions des articles L235-1 à L235-14 du Code de commerce ont été purement et simplement abrogées et les dispositions des articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil ont été modifiées. Dès lors, le régime des nullités des sociétés et des décisions sociales se retrouve uniquement dans les articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil (1) et concerne, tant les sociétés civiles ou commerciales, ce qui constitue une mesure de simplification.

💡 Possibilité résiduelle d’intenter une action en nullité du contrat de société pour chaque actionnaire ou associé : les articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil définissent le régime des nullités des sociétés civiles ou commerciales, mais rien n’empêche à mon sens, qu’un associé ou un actionnaire, signataire du contrat de société, ce que l’on appelle les statuts, agisse en nullité de son engagement propre pour non respect des conditions de formation du contrat. Il est rappelé les conditions de formation propres à tous les contrats (2) « Sont nécessaires à la validité d'un contrat : le consentement des parties, leur capacité de contracter, un contenu licite et certain ». En vertu de l’article 1128 du Code civil, rien n’interdirait à un associé ou actionnaire de tenter de remettre en cause son engagement au titre de la nullité des contrats et si cette action aboutit, elle ne concernera que ses rapports entre lui-même et la société, mais ne permettra pas la remise en cause de l’existence de la société.

Les nouvelles dispositions des articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil prévoient le régime des nullités de la société, les clauses réputées non écrites des statuts et le régime des nullités des décisions sociales, mais permet la régularisation des nullités en vertu d’une procédure de régularisation, et cette note sera articulée autour de cette distinction.

Régime des nullités de la société et des décisions sociales et des clauses réputées non écrites des statuts

Il sera abordé le régime des nullités de la société, suivie de la violation d’une règle impérative dans les statuts et constituant une clause réputé non écrite, et enfin du régime de la nullité des décisions sociales.

Régime des nullités de la société

La nullité de la société ne peut résulter que de deux cas (3) :

  • de l'incapacité de tous les fondateurs (situation où tous les créateurs de la société sont mineurs et se sont engagés seuls sans la signature de leurs représentant légaux ou de majeurs protégés qui se sont engagés seuls, sans respecter les modalités de représentations tirées de la protection les concernant (le majeur en tutelle a signé les statuts, alors qu’ils auraient dû l’être par le tuteur, ou le majeur qui a signé les statuts seuls, alors qu’ils auraient dû l’être avec l’assistance du curateur.

📌 Nota : la nullité ne sera prononcée que si l’incapacité des associés ou actionnaires touche tous les actionnaires ou fondateurs, ce qui rend le cas peu probable.

  • ou de la violation des dispositions fixant un nombre minimal de deux associés ou actionnaires. Cela concerne toutes les sociétés où un minimum de deux associés ou actionnaires est exigé par la loi, soit la Société Civile, la SNC, la Société en Commandite Simple, la société en Commandite par Actions, la S.A.

📌 Nota : seules la SAS et la SARL peuvent être constituées avec un seul fondateur.

📌 Nota : les deux cas permettant de prononcer la nullité de la société sont limitatifs et donc exclusifs.

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La violation d’une règle impérative dans les statuts (4)

Principe général : toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du droit des sociétés dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite.

Application : l’article 1844-10 du Code civil indique, qu’à l’exception des deux cas de nullité, soit l'incapacité de tous les fondateurs et la violation des dispositions fixant un nombre minimal de deux associés ou actionnaires, toutes les clauses contenues dans les statuts, qui contreviendraient à une disposition impérative du droit des sociétés « serait déclarée non écrite ». Partant, si les statuts contiennent des dispositions qui se trouvent en opposition avec les principes du Code de commerce ou du Code civil se rapportant à la société et qui seraient considérées par les tribunaux comme « une disposition impérative », la clause serait déclarée non écrite, en sorte que les statuts seraient lus et interprétés en expurgeant la clause réputée non écrite, sans que cela n’affecte la société.

📌 Nota : il convient d’attendre la position des tribunaux, afin de savoir quelle disposition du Code de commerce ou du Code civil se rapportant aux sociétés sera considérée comme « une disposition impérative ».

📌 Nota : il est conseillé à présent de rédiger des statuts contenant une clause de sauvegarde et précisant que si une ou plusieurs dispositions des statuts venaient à être déclarées non écrites, en vertu de l’article 1844-10 du Code civil, la clause réputé non écrite serait remplacée par la disposition légale, tirée du Code de commerce ou du Code civil, s’y rapprochant le plus.

📌 Nota : une clause des statuts contenant un objet social illicite serait déclarée non écrite, impliquant l’obligation pour les associés ou actionnaires de redéfinir l’objet social, si la société n’avait qu’un seul objet social.

Régime de la nullité des décisions sociales (5)

La nullité des décisions sociales ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative de droit des sociétés, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833 du Code civil (la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité), ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.

La nullité d’une décision sociale ne peut résulter que la violation d’un texte majeur du droit des sociétés, tiré du Code Civil ou du Code de Commerce, ce qui reste à définir par la Jurisprudence.

Exemples de dispositions qui pourraient être considérées comme impératives en droit de sociétés :

  • le gérant d’une SARL est forcément une personne physique, tout comme le président du conseil d’administration d’une S.A et son directeur général ;
  • les comptes de l’exercice doivent être approuvés par la collectivité des associés ou actionnaires au-moins une fois par an, dans un délai maximum de six mois à compter de la clôture de l’exercice ;
  • les apports en nature dans une S.A, SARL, SAS avec possibilité de dispense dans certains cas pour la SARL et la SAS, doivent faire l’objet d’une évaluation par un commissaire aux apports.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais toutes les décisions sociales prises en violation de dispositions du Code de commerce et du Code civil se rapportant au droit des sociétés et qui seraient considérées comme impératives par les tribunaux pourraient faire l’objet d’une action en nullité. 

Attention : sauf si la loi en dispose autrement, la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité. Cette disposition implique qu’une décision sociale ne peut être annulée, que si elle est contraire à une disposition légale impérative, mais pas d’une simple violation des statuts.

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Cas de la nullité d’un apport (6)

Conditions de la nullité de l’apport

La nullité de l'apport ne peut résulter que des causes mentionnées au troisième alinéa de l'article 1844-10 du Code Civil et donc de la violation d'une disposition impérative de droit des sociétés.

Conséquences de la nullité de l’apport

La nullité de l'apport entraîne l'annulation des parts sociales ou des actions émises en contrepartie, et, dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du Code Civil (qui traitent des conditions de la remise à l’état d’origine des parties en cas de nullité du contrat), la restitution, par la société, des engagements exécutés par l'apporteur.

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Conséquences de la nullité de tous les apports

La nullité de tous les apports, qu'ils soient souscrits au cours de la constitution ou postérieurement à celle-ci, entraîne la dissolution de la société suivie de sa liquidation.

Conditions de l’action en nullité des décisions sociales

La nullité des décisions sociales ne peut être prononcée par le tribunal que si trois conditions cumulatives sont remplies (7) :

  • le demandeur justifie d'un grief résultant d'une atteinte à l'intérêt protégé par la règle dont la violation est invoquée. La simple violation d’une disposition impérative relative au droit des sociétés ne suffit pas à obtenir la nullité de la décision sociale, le demandeur à l’action doit justifier d’un grief ;
  • l'irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision. Non seulement, la décision sociale querellée doit avoir été prise en violation d’une disposition impérative relative au droit des sociétés, et le demandeur à l’action doit justifier d’un grief, et en outre, la violation de la loi querellée doit avoir eu une influence sur le sens de la décision sociale prise. Une décision sociale entachée d’une irrégularité grave de la loi et qui a généré un grief pour le demandeur ne sera pas annulée, si dans tous les cas la décision prise, aurait été la même, même sans irrégularité ;
  • les conséquences de la nullité pour l'intérêt social ne sont pas excessives, au jour de la décision la prononçant, au regard de l'atteinte à l'intérêt dont la protection est invoquée. La nullité de la décision sociale ne sera prononcée que si les conséquences de cette nullité ne sont pas trop graves pour la société. Le Tribunal devra apprécier la proportionnalité entre, d’une part, le grief subi par la partie qui s’estime lésée et, d’autre part, les conséquences sur la société, et si les conséquences de la nullité sont trop graves pour la société, la demande de nullité pourrait être rejetée.

Procédure de régularisation des nullités de la société et des décisions sociales

Le Code civil a mis en place diverses procédures afin de permettre de régulariser les causes permettant la nullité de la société ou des décisions sociales, de manière à éviter le prononcé de la nullité.

Fins de non recevoir de l’action en nullité en cas de régularisation des causes de la nullité

L'action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d'exister le jour où le Tribunal statue sur le fond en première instance. Toutes les nullités peuvent donc être couvertes par la régularisation avant le jugement prononçant la nullité, ce qui implique que les associés ou actionnaires saisis d’une action en nullité peuvent toujours faire diligence, afin de mettre en conformité les statuts de la société ou de prendre une nouvelle décision sociale, qui soit conforme à la loi et qui va se substituer à la décision sociale querellée (8).

Possibilités pour le Tribunal saisi d’une action en nullité de permettre la régularisation des causes de la nullité

Le Tribunal, saisi d'une demande en nullité, peut, même d'office, fixer un délai pour permettre de couvrir les nullités (9).

Le Tribunal ne peut prononcer la nullité moins de deux mois après la date de l'exploit introductif d'instance (ce qui permet de régulariser l’acte querellé).

Si, pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée, ou une consultation des associés effectuée, et s'il est justifié d'une convocation régulière de cette assemblée ou de l'envoi aux associés du texte des projets de décision accompagné des documents qui doivent leur être communiqués, le Tribunal accorde par jugement le délai nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision.

Conséquences de la nullité sur la société prononcée par le Tribunal

La nullité n’a d’effet que pour l’avenir

Lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à l'exécution du contrat (10).

La nullité entraîne la liquidation de la société

Il est procédé à la liquidation de la société.

La nullité de la société entraine la fin de la personne morale

A l'égard de la personne morale qui a pu prendre naissance, elle produit les effets d'une dissolution prononcée par justice.

Conséquences de la nullité de la nomination d’un dirigeant et sur les décisions prises par celui-ci

Sauf disposition législative contraire, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d'un organe ou d'un membre d'un organe de la société n'entraîne pas la nullité des décisions prises par celui-ci (11).

Possibilités de différer les effets de la nullité d’une décision sociale

Lorsque la rétroactivité de la nullité d'une décision sociale est de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l'intérêt social, les effets de cette nullité peuvent être différés (12).

📌 Nota : la nullité d’une décision sociale a bien un effet rétroactif, mais le Tribunal peut en différer les effets.

Impossibilité pour la société ou ses associés ou actionnaires de se prévaloir de la nullité à l’égard des tiers de bonne foi

Ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi (13).

Cependant la nullité résultant de l'incapacité ou de l'un des vices du consentement est opposable même aux tiers par l'incapable et ses représentants légaux, ou par l'associé dont le consentement a été surpris par erreur, dol ou violence.

Délai de prescription de l’action en nullité

Les actions en nullité de la société, de décisions sociales postérieures à sa constitution ou d'apports se prescrivent par deux ans à compter du jour où la nullité est encourue (14).

Action en responsabilité contre les auteurs de la cause de la nullité (15)

Délai de l’action en responsabilité

L'action en responsabilité fondée sur l'annulation de la société ou des décisions sociales et apports postérieurs à la constitution se prescrit par trois ans à compter du jour où la décision d'annulation est passée en force de chose jugée.

L’action en responsabilité peut toujours être engagée même si la cause de la nullité a disparu 

La disparition de la cause de nullité ne met pas obstacle à l'exercice de l'action en dommages-intérêts tendant à la réparation du préjudice causé par le vice dont la société, la décision sociale ou l'apport était entaché. Cette action se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité a été couverte.

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Conclusion :

Le régime des nullités mis en place par l’ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025 et applicable au 1er octobre 2025, a pour objet de simplifier le régime des nullités et surtout de permettre la régularisation de toutes les causes des nullités, et ce, de manière à ce que le Tribunal n’ait à prononcer que très peu de nullités, tant des sociétés, que des décisions sociales, l’objectif étant d’assurer la pérennité des sociétés et des décisions qu’elle prennent, et ce, indépendamment des irrégularités commises par leurs membres.

Références

(1) Articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil qui définissent le régime des nullités tant des sociétés civiles ou commerciales
(2) Articles 1128 du Code civil qui définit les conditions de formation propres à tous les contrats et par là même au contrat de société
(3) Article 1844-10 alinéa 1 du Code civil qui définit les deux cas de nullités de la société
(4) Article 1844-10 alinéa 2 du Code civil qui définit les clauses réputées non écrites des statuts comme violant une règle impérative
(5) Article 1844-10 alinéa 3 et 4 du Code civil qui définissent le régime de la nullité des décisions sociales
(6) Article 1844-10-1 du Code civil qui définit le régime de la nullité des apports
(7) Article 1844-12-1 du Code civil qui définit les conditions de l’action en nullité des décisions sociales
(8) Article 1844-11 du Code civil qui traite de la fin de non-recevoir des actions en nullité en permettant la régularisation des causes de la nullité
(9) Article 1844-13 du Code civil qui traite de la procédure de régularisation des causes de la nullité
(10) Article 1844-15 du Code civil qui traite des conséquences de la nullité sur la société
(11) Article 1844-15-1 du Code civil qui traite des conséquences de la nullité de la nomination d’un dirigeant sur les décisions prises par celui-ci
(12)  Article 1844-15-2 du Code civil qui traite de la possibilité de différer les effets de la nullité sur les décisions sociales
(13) Article 1844-16 du Code civil qui interdit la possibilité pour la société ou ses associés ou actionnaires de se prévaloir de la nullité à l’égard d’un tiers de bonne foi
(14) Article 1844-14 du Code civil qui définit le délai de prescription de l’action en nullité
(15) Article 1844-17 du Code ivil qui définit l’action en responsabilité contre les auteurs de la cause de la nullité