Lorsqu’un salarié tombe malade à cause de son travail, deux cadres juridiques distincts s'appliquent :

  • le droit de la sécurité sociale, qui reconnaît officiellement la maladie comme professionnelle pour une prise en charge spécifique ;
  • le droit du travail, qui détermine les effets sur le contrat de travail.

Conditions pour bénéficier de la protection du Code du travail

Pour bénéficier de la protection spéciale du Code du travail applicable aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, deux conditions doivent être réunies :
✔️ L’inaptitude doit avoir, au moins en partie, une origine professionnelle ;
✔️ L’employeur doit avoir eu connaissance de cette origine au moment du licenciement.

Si ces deux conditions ne sont pas remplies, le licenciement sera considéré comme lié à une inaptitude non professionnelle, ce qui prive le salarié de la protection renforcée et des indemnités prévues à l’article L1226-14 du Code du travail (1).

Rappel de la Cour de cassation

Les faits

La Cour de cassation a rappelé ces principes dans un arrêt du 10 septembre 2025 (2) :
Un salarié d’une papeterie, arrêté en 2016 pour des raisons de santé, demande en 2018 la reconnaissance d’une maladie professionnelle en raison d’une allergie à la poussière de papier. La caisse primaire d'assurance maladie rend une décision de reconnaissance de maladie professionnelle, mais la commission de recours amiable déclare que cette décision n’est pas opposable à l’entreprise.
Entre-temps, le salarié est licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle. Il saisit alors le juge, estimant que son licenciement aurait dû être prononcé pour inaptitude d’origine professionnelle.

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La question posée

🔍 Le juge du travail doit-il automatiquement se conformer à la décision de la Sécurité sociale reconnaissant la maladie professionnelle, ou peut-il apprécier lui-même si l’inaptitude du salarié a, pour partie, une origine professionnelle ?

🏛️ La réponse de la Cour de cassation : le juge du travail n’est pas lié par la décision de la caisse primaire d’assurance maladie.
Le droit de la sécurité sociale et le droit du travail sont deux domaines autonomes.
Ici, le salarié n’a pas démontré que son inaptitude provenait, même en partie, d'une maladie professionnelle. Son licenciement pour inaptitude non professionnelle a donc été confirmé.

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À retenir :

- le juge du travail conserve sa liberté d’appréciation ;
- la prise en charge d'une affection au titre de la législation sur les maladies professionnelles ne suffit pas à constituer à elle seule la preuve de l'origine professionnelle de la maladie et bénéficier de la protection spéciale du Code du travail.


* Le rôle de l’avocat près du salarié est important puisqu’il s’emploiera à montrer l’origine professionnelle de la maladie et le lien avec l’inaptitude, ainsi que la connaissance qu’en avait l’employeur. Dans ma pratique, j’ai souvent constaté que la clé réside dans une analyse fine et rigoureuse de chaque situation.

 

 

Références

(1) Article L1226-14 du Code du travail
(2) Cass. soc., 10 septembre 2025, n°23-19841