Qu'est-ce que l'inaptitude au travail ?

Seul le médecin du travail peut déclarer un salarié inapte. L’inaptitude peut avoir une origine professionnelle ou non professionnelle.

Différence entre inaptitude, incapacité et invalidité

Avant toute chose, il est nécessaire de faire la différence entre : 

  • l'inaptitude, qui est déclarée par le médecin du travail si aucune mesure d'aménagement ou d'adaptation du poste du travail du salarié qui en a besoin, n'est possible ;
  • l'incapacité, qui désigne l'impossibilité d'un assuré, temporaire ou définitive, de travailler ou d'effectuer des tâches déterminées à la suite d'un accident du travail (AT) ou d'une maladie professionnelle (MP), reconnue par le médecin-conseil de l'assurance maladie ;
  • l'invalidité, déclarée lorsque un assuré a une capacité de travail réduite, sans que cette réduction n'ait une origine professionnelle. L'invalidité est constatée par le médecin-conseil de la caisse d'assurance maladie.

Définition de l'inaptitude d'origine professionnelle ou non professionnelle

On parle "d'inaptitude au travail" pour désigner la situation dans laquelle un salarié n'est plus en mesure d'occuper son emploi sans mettre en péril sa santé et sa sécurité.

Concrètement, l'inaptitude d'un salarié peut avoir une origine

  • professionnelle, si elle découle (au moins partiellement) d'un accident de travail (AT) ou d'une maladie professionnelle (MP) (1) ;
  • non professionnelle, si elle est liée à un accident ou à une maladie non professionnel(le)s (2).
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Quels exemples concrets / motifs d'inaptitude au travail ?

Un salarié peut, par exemple, être déclaré inapte à son poste : 

  • s'il a été victime d'une chute sur son lieu de travail (auquel cas, il s'agit d'une inaptitude d'origine professionnelle) ;
  • s'il a contracté une maladie infectieuse sur son lieu de vacances ou sur son lieu de vie, et que celle-ci génère des conséquences telles qu'il est dans l'impossibilité de reprendre son poste (auquel cas, il s'agit d'une inaptitude d'origine non professionnelle).

💡 Les circonstances dans lesquelles l'incident ayant mené à l'inaptitude du salarié a eu lieu sont essentielles pour déterminer le régime juridique applicable (inaptitude d'origine professionnelle ou non professionnelle). 

Qui peut déclarer l'inaptitude d'un salarié à son poste de travail ?

Compétence exclusive du médecin du travail

📌 Selon les termes de la loi, seule la médecine du travail est habilitée à déclarer un salarié inapte à son poste de travail (3). Il est donc impossible, pour un médecin traitant, de procéder à une telle déclaration.

Comment se passe la procédure de déclaration d'inaptitude : reconnaissance de l'inaptitude et visite médicale de reprise ?

Procédure abandon de poste

Procédure abandon de poste

En pratique, le médecin du travail peut constater l'inaptitude du salarié à son poste : 

  • à l'occasion de la visite médicale de reprise, qui, pour mémoire, doit notamment avoir lieu (4) :
    • si le salarié a été victime d'un accident du travail ayant entraîné un arrêt d'au moins 30 jours ;
    • s'il a été en arrêt pour maladie professionnelle ;
    • ou s'il a été en arrêt, pendant au moins 60 jours, en raison d'un accident ou d'une maladie d'origine non-professionnelle (pour les arrêts de travail ayant débuté après le 31 mars 2022) ;
  • à l'occasion de tout examen médical pratiqué au cours de l'exécution du contrat de travail (5).

Employeur, comme salarié, peuvent être à l'origine de la saisine du médecin du travail en vue d'examiner l'aptitude ou l'inaptitude à occuper ou reprendre un poste de travail.

Une fois saisi, le médecin du travail examine l'état de santé du salarié (mental et physique) pour apprécier si celui-ci est en état de reprendre, de manière partielle ou totale, son poste de travail. 

Pour cela, il doit notamment examiner, dans le détail, les conditions de travail du salarié afin de s'assurer que celles-ci sont compatibles avec son état de santé. Il peut, s'il l'estime nécessaire, réaliser un second examen médical, dans un délai maximal de 15 jours à compter du premier (6)

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Quelles sont les modalités de notification de l'avis d'inaptitude au salarié et à l'employeur ? 

Selon les termes de la loi, l'avis d'inaptitude qui est émis par le médecin du travail doit être transmis au salarié et à l'employeur par tout moyen leur conférant une date certaine (7)

L'employeur doit impérativement conserver l'avis d'inaptitude pour être en mesure de le présenter à tout moment à l'inspecteur du travail (ou au médecin inspecteur du travail).

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Notification par remise en main propre : arrêt 4 décembre 2024

En cas de notification par remise en main propre, elle doit impérativement être faite contre récépissé ou émargement. En l'absence de récépissé ou émargement, dans ce cas de remise en main propre, le délai de contestation de 15 jours ne commence pas à courir, car la notification n'est pas considérée comme régulière. C'est ce qu'à jugé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 décembre 2024 (8).

Quelles sont les conséquences, pour l'employeur, de la reconnaissance d'une inaptitude au travail ?

L'importance des mentions figurant dans l'avis d'inaptitude

S'il estime le salarié inapte à son poste, le médecin du travail va rendre un avis d'inaptitude, dont le contenu va déterminer si le reclassement du salarié (= son affectation, par l'employeur, à un autre poste dans l'entreprise ou sur un lieu de travail différent) est possible. 

Notez que l'employeur doit avoir l'occasion de faire part de ses observations au médecin du travail, avec lequel un échange doit s'établir. Il a aussi la possibilité de contester l'avis d'inaptitude devant le Conseil de prud'hommes (CPH), dans les 15 jours suivant la notification de l'avis.

🔍 Cet article peut vous intéresser : Litige devant le Conseil des prud'hommes (CPH) : pouvez-vous utiliser un élément de preuve déloyal ?

L'obligation de reclassement de l'employeur

L'employeur est légalement tenu, sauf exceptions, de proposer au salarié déclaré inapte, un autre poste, davantage adapté à son état de santé : c'est ce qu'on appelle "l'obligation de reclassement" de l'employeur (9)

Consultation du CSE

En principe, l'employeur doit consulter le CSE dans le cadre de son obligation de reclassement. Pour en savoir plus, consultez notre article : Consultation du CSE en cas d'inaptitude d'un salarié.

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Principe de recherche d'un emploi adapté

Pour formuler sa proposition de reclassement, l'employeur doit tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail formulées sur l'avis d'inaptitude. 

Il doit proposer un poste le plus proche possible de l'emploi initial du salarié et mettre en œuvre, dans la mesure du possible, tous les outils permettant d'adapter tout poste de reclassement éventuel à la situation du salarié (aménagement du temps de travail, modification de poste existant, etc.).

Etendre la recherche de reclassement dans l'entreprise ou le groupe

Sa recherche doit s'étendre à tous les postes disponibles dans l'entreprise (dans tous les établissements éventuels de celle-ci) et, si l'entreprise appartient à un groupe, à tous les postes disponibles dans les entreprises situées en France (territoire national), dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. 

La recherche de l'employeur doit être faite de bonne foi (de manière loyale), et de manière sérieuse.

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Nouveauté 4 septembre 2024 : preuve de la loyauté dans la recherche de reclassement

La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 4 septembre 2024 (10), que, lorsque la proposition de reclassement est conforme aux règles en vigueur et aux indications du médecin du travail, l'obligation de reclassement est réputée satisfaite.
Dans ce cas, il revient au salarié qui le conteste de prouver que cette proposition n'a pas été faite loyalement (la charge de la preuve pèse sur le salarié, et non sur l'employeur).

Quelles sont les obligations de l'employeur en matière de formation pour le reclassement du salarié ? 

Le médecin du travail peut donner des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté (9).

Dans une telle hypothèse, l'employeur se doit d'y donner suite, ou du moins d'indiquer pourquoi il n'y donne pas suite.

L'obligation de reclassement est une obligation de moyens

Attention : l'obligation de l'employeur de rechercher un reclassement au salarié est une "obligation de moyens". Cela signifie que l'employeur doit tout mettre en œuvre pour atteindre son objectif, mais qu'il peut néanmoins apporter la preuve qu'il est dans l'impossibilité de procéder au reclassement du salarié au vu des conditions requises. Dans un tel cas de figure, sa responsabilité ne peut pas être engagée. 

S'il est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il est tenu de lui faire communiquer, par écrit, les motifs qui s'opposent à son reclassement (11).

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Bon à savoir : 

Si l'avis d'inaptitude précise que "tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable pour la santé du salarié" ou que "l'état de santé du salarié rend impossible tout reclassement dans un emploi", l'employeur est dispensé de rechercher à le reclasser (11).

Rupture du contrat si pas de reclassement possible

Si le reclassement n'est pas possible, l'employeur devra licencier le salarié pour inaptitude.

Quelles sont les conséquences pour le salarié de la reconnaissance d'une inaptitude au travail ?

Absence de salaire dans l'attente d'un reclassement ou d'un licenciement

Lorsque le salarié est déclaré inapte, il ne peut plus travailler sur son poste. Son salaire est donc suspendu. L'employeur a 1 mois pour trouver un poste de reclassement ou licencier le salarié. S'il ne le fait pas, il doit reprendre le versement du salaire, après écoulement de ce délai.

Une indemnité temporaire d'inaptitude (ITI) possible après un avis d'inaptitude

Par principe, le salarié victime d'un accident de travail (AT) ou d'une maladie professionnelle (MP), qui a été déclaré inapte, peut bénéficier d'une indemnité particulière dénommée "indemnité temporaire d'inaptitude" (ITI), versée par la CPAM ou la MSA, dans l'attente de son reclassement ou de son licenciement (12)

Cette ITI vient compenser l'absence de salaire pendant 1 mois, en attendant que l'employeur trouve un poste de reclassement ou licencie le salarié (uniquement en cas d'inaptitude professionnelle).

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Reclassement ou rupture du contrat

Suite à l'avis d'inaptitude, l'employeur a l'obligation de reclasser ou de licencier le salarié déclaré inapte.

La rupture (éventuelle) du contrat de travail du salarié déclaré inapte

Dans quel cas le contrat de travail du salarié inapte peut-il être rompu ?

Concrètement, le contrat de travail du salarié inapte doit être rompu : 

  • si l'avis d'inaptitude n'empêchait pas le reclassement du salarié, mais que :
    • aucun poste disponible dans l'entreprise ne correspondait à l'avis du médecin du travail ;
    • le salarié a refusé tous les postes de reclassement proposés par l'employeur ;
  • si l'avis d'inaptitude rendait impossible tout reclassement du salarié, en précisant que :
    • "tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable pour la santé du salarié" ;
    • "l'état de santé du salarié rend impossible tout reclassement dans un emploi".

La procédure que l'employeur doit suivre pour rompre le contrat de travail du salarié déclaré inapte va différer selon que celui-ci est à durée indéterminée (CDI) ou à durée déterminée (CDD).

Rupture anticipée du contrat pour inaptitude, en cas de CDD

Si le contrat signé est un CDD, alors l'employeur peut le rompre de manière anticipée en cas d'inaptitude (professionnelle ou non professionnelle) du salarié (13).

Procédure de licenciement pour inaptitude, en cas de CDI

La rupture du contrat de travail du salarié déclaré inapte donne lieu à la mise en place de la procédure de licenciement pour motif personnel (non disciplinaire).

Celle-ci induit le respect de plusieurs étapes, notamment la convocation du salarié à un entretien préalable et la notification du licenciement.

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Evitez les erreurs !

Maîtrisez la procédure à suivre en cas de déclaration d'inaptitude de l'un de vos salariés, en consultant notre article : Licenciement pour inaptitude : procédure et obligations de l'employeur

Tout salarié victime d'un licenciement considéré sans cause réelle et sérieuse, a droit au versement d'indemnités spécifiques.

🔍 Pour en savoir plus, et éviter les erreurs, consultez notre article : Les pièges du licenciement pour inaptitude professionnelle : comment les éviter ?

À l'issue de la procédure de licenciement (justifiée), l'employeur est tenu au calcul et au versement d'une indemnité spécifique (indemnité de licenciement ou indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle). 

🔍 Pour tout comprendre des modalités de calcul et éviter les erreurs, consultez notre article : Calcul de l'indemnité de licenciement pour inaptitude

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🔍 Vous êtes salarié, vous venez d'être déclaré inapte à votre poste de travail et vous vous interrogez sur le revenu auquel vous pouvez prétendre (reprise de salaires, indemnité de licenciement, chômage) ? Découvrez notre article sur le sujet : Inapte au travail : quels revenus pouvez-vous obtenir ?

Départ en retraite anticipée en cas d'inaptitude au travail

La réforme des retraites a introduit la possibilité, pour les salariés reconnus inaptes au travail, de bénéficier d'un dispositif de retraite anticipée à taux plein

⚠ Attention néanmoins, celui-ci concerne les salariés reconnus inaptes au travail au sens où l'entend le Code de la Sécurité sociale. Pour en savoir plus sur ce dispositif particulier, réservé à certains assurés dont la situation a été, en principe, médicalement constatée par le médecin conseil de l’organisme qui attribue la pension de vieillesse, téléchargez notre dossier dédié aux droits des salariés déclarés inaptes !

Références

(1) Articles L1226-10 et suivants (inaptitude d'origine professionnelle) du Code du travail

(2) Articles L1226-2 et suivants (inaptitude d'origine non professionnelle) du Code du travail 

(3) Articles R4623-14 et R4623-1 du Code du travail

(4) Articles L4624-2-3 et R4624-31 du Code du travail

(5) Cass. Soc., 7 juillet 2016, n°14-26590

(6) Article R4624-42 du Code du travail

(7) Article R4624-55 du Code du travail

(8) Cass. Soc., 4 décembre 2024, n°23-18128

(9) Articles L1226-2 (inaptitude d'origine non professionnelle) et L1226-10 du Code du travail (inaptitude d'origine professionnelle)

(10) Cass. Civ. Soc., 4 septembre 2024, n°22-24005

(11) Articles L1226-2-1 (inaptitude d'origine non professionnelle) et L1226-12 (inaptitude d'origine professionnelle) du Code du travail

(12) Article D433-2 du Code de la Sécurité sociale

(13) Article L1226-20 du Code du travail