Qu’est-ce qu’un transfert d'entreprise ? Quelle est sa définition juridique en France ?
En droit social français, la notion de "transfert d'entreprise" fait référence à la situation dans laquelle un événement (comme une succession, une vente de l'entreprise, une fusion, une transformation du fonds ou une mise en société de l'entreprise) modifie la situation juridique d'un employeur initial et entraîne un changement d'employeur (1).
Il s'agit donc de la situation dans laquelle l'entreprise ou une activité de l'entreprise fait l'objet d'une reprise par un nouvel exploitant ou "repreneur".
📌 Terminologie. On parle :
- d’opération de “fusion” pour désigner (dans la plupart des cas) l’absorption d’une société A par une société B. Concrètement, il s’agit donc d’une opération par laquelle plusieurs sociétés se réunissent pour n’en former plus qu’une ;
- de “mise en société” lorsqu’un entrepreneur individuel transfert son fonds de commerce à une société (nouvellement créée ou existante).
Transfert d'activité/d'entreprise : quelques exemples et cas typiques
On parle par exemple de “transfert d’entreprise” pour désigner, sous respect de certaines conditions :
- la cession totale d’une entreprise à un tiers ;
- la cession d’une branche de l’entreprise à une société tierce ;
- la vente de certains éléments de l’actif (= du patrimoine) de la société à une société tierce (comme la vente de véhicules de transports et d’une clientèle par un transporteur) ;
- la mise en location-gérance d’un fonds de commerce (2) ;
- l’externalisation d’une activité constituant une entité économique autonome, poursuivie ou reprise par le repreneur (3) ;
- etc.
⚠ Attention ! Il ne faut pas confondre la notion de transfert d’entreprise avec celle de changement d’associés d’une société. Dans ce dernier cas, seuls les titres de la société (parts ou actions) de la société sont cédés.
Quels sont les différents types de transferts et leurs modalités respectives ?
Le transfert automatique des contrats prévu à l'article L1224-1 du Code du travail, toutes conditions remplies
Pour garantir la pérennité de l'emploi du personnel de l'entreprise objet du transfert, la loi prévoit qu'en cas de modification de la situation juridique de l'employeur en raison notamment d'une succession, d’une vente, d’une fusion, d’une transformation du fonds ou d’une mise en société de l’entreprise, les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise (4).
Concrètement, cela signifie que les contrats de travail en cours sont automatiquement transférés au repreneur de l’activité.
⚠ Attention : la liste légale des évènements donnant lieu à un transfert d’entreprise n’est pas exhaustive. D’autres évènements, identifiés par la jurisprudence, peuvent générer cette même situation, dès lors qu’ils induisent une continuité de l’entreprise.
Transfert automatique des contrats de travail : quelles conditions cumulatives doivent être respectées ?
Le mécanisme de transfert automatique des contrats de travail ne trouve à s'appliquer que sous réserve du respect des 2 conditions suivantes :
- d'une part, l'entreprise transférée doit constituer une "entité économique autonome" qui, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, est formée comme "un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre" (6) ;
- d'autre part, il est nécessaire que l'identité de l'entreprise transférée soit maintenue et son activité poursuivie (7). Pour apprécier ce critère, la jurisprudence accorde une importance particulière aux conditions dans lesquelles l'activité transférée est exploitée par le repreneur, et notamment au transfert (ou non) des moyens d'exploitation existants, corporels et incorporels (matériel, outillage, bâtiments, marchandises, clientèle, etc.).
Quid du transfert partiel d'activités ?
Selon la Cour de cassation, le transfert d’entreprise peut ne porter que sur un secteur d'activité ou sur une branche de celle-ci (activité principale, secondaire ou accessoire), à la triple condition que (9) :
- la partie transférée constitue, à elle seule, une entité économique autonome conservant son identité ;
- l'activité soit poursuivie par le repreneur ;
- une partie des moyens d'exploitation soit transférée.
Comment se passe un transfert automatique de contrat de travail ? Le salarié peut-il refuser de travailler pour le nouveau repreneur ?
Non.
Le transfert des contrats de travail prévu par le Code du travail s'opère de plein droit, ce qui signifie qu'il ne peut faire l'objet d'aucune opposition de la part des parties (employeur comme salarié).
Par principe donc, un salarié n'a pas la possibilité de s’opposer au transfert de son contrat de travail au nouveau repreneur.
⚠ Attention : le contrat de travail transféré de plein droit est celui signé par le salarié et son employeur initial. Le repreneur de l’entreprise ne peut pas conditionner le transfert du contrat à une modification substantielle de celui-ci. Il doit être maintenu “dans les mêmes conditions” (10).
Le possible transfert conventionnel de contrats de travail
Si les 2 conditions posées par la jurisprudence de la Cour de cassation ne sont pas réunies (transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise), le transfert des contrats de travail au nouveau repreneur n'est pas automatique.
Il demeure néanmoins possible si le nouvel employeur et les salariés concernés y sont favorables (11).
🔍Dans un tel cas de figure, on parle de transfert “conventionnel” ou "d'application volontaire de l'article L1224-1 du Code du travail".
Si cette situation se présente, il convient que l'ancien employeur, le nouvel employeur et le salarié signent ensemble une convention tripartite prévoyant l'application volontaire de cet accord. Besoin d’un exemple de convention de transfert volontaire ? Découvrez notre modèle sur-mesure dans notre dossier spécial !
Puisque le changement d’employeur constitue une modification de son contrat de travail, le salarié qui se voit proposer le transfert conventionnel de son contrat a la possibilité de s’y opposer.
S’il n’est pas d’accord avec l’opération, le transfert de contrat ne pourra avoir lieu.
Transfert légal ou conventionnel de contrats : le salarié peut-il s'y opposer ? Récapitulatif
| Transfert d'entreprise | Opposition de la part du salarié |
| Transfert légal des contrats de travail (article L1224-1 du Code du travail) | Impossible |
| Transfert conventionnel des contrats de travail | Possible |
Transfert d’entreprise : la perte de marché de prestations de services et le cas particulier du secteur de l’hôtellerie-restauration (HCR)
Certains secteurs sont plus exposés que d'autres au risque de perte de marchés de prestations de services, comme celui de l’hôtellerie-restauration (HCR).
Dans certains cas particuliers, la perte de marché ne donne lieu à l'application de l'article l1224-1 du Code du travail et au transfert automatique des contrats de travail concernés.
Néanmoins, des dispositions conventionnelles particulières expresses peuvent aménager le transfert de ceux-ci, selon des conditions et modalités spécifiques, comme c'est le cas de la convention collective nationale (CCN) HCR. Pour en savoir plus, consultez notre dossier spécial !
En cas de transfert légal des contrats de travail, quels sont les droits des salariés en place dans l'entreprise ? Maintien ou baisse des salaires, reprise de l'ancienneté, etc.
Un transfert (légal ou conventionnel) de contrats de travail consécutif à un transfert d'entreprise génère nécessairement certaines questions légitimes pour les salariés. Voici quelques exemples :
- un salarié dont le contrat a été transféré peut-il, postérieurement à ce transfert, faire l'objet d'un licenciement ?
- en tant que repreneur de l’entreprise, pouvez-vous prendre l'initiative de baisser le salaire des salariés dont le contrat de travail a été transféré ?
- que deviennent les jours de congés payés des salariés dont la date a été fixée avant le transfert d'entreprise et le changement d'employeur ?
- le nouveau repreneur de l’entreprise peut-il imposer une période d’essai aux salariés dont le contrat de travail est transféré ?
- que deviennent les clauses du contrat objet du transfert, et plus particulièrement la clause de non-concurrence ?
- que devient l'ancienneté d'un salarié dont le contrat de travail fait l'objet d'un transfert de plein droit ?
Divers éléments de réponse à ces questions ont été donnés par la loi et la jurisprudence. Par exemple, en ce qui concerne un transfert légal des contrats de travail :
| Transfert d’entreprise - Garanties octroyées aux salariés dont le contrat est transféré automatiquement | |
| Ancienneté acquise auprès de l’employeur initial | Conservée à l'identique |
| Rémunération | Maintenue à l'identique |
| Pour avoir accès à l’ensemble des décisions applicables en la matière, consultez notre dossier spécial ! | |
Le comité social et économique (CSE) en place doit-il être informé du transfert d’entreprise et du transfert légal des contrats de travail ?
Par principe, oui.
Selon les termes de la loi, dans les entreprises d'au moins 50 salariés, le CSE doit être informé et consulté sur les questions relatives à l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, ou sur la modification de son organisation économique et juridique (12).
Sauf exception, il semble donc logique de penser que le transfert d’entreprise doive faire l’objet d’une information du CSE.
🔍 Cette actualité pourrait aussi vous intéresser : Consultation CSE : le guide complet des obligations et le processus
Transfert d’entreprise : quels impacts sur le statut conventionnel applicable ?
Par principe, un contrat n’engage que ceux qui le signent (13).
Par conséquent, le repreneur de l’entreprise n’est pas tenu de respecter les accords collectifs signés par l’employeur initial, sauf s’il en décide autrement (14).
Pour sécuriser la situation des salariés d’une entreprise dont le repreneur refuserait l’application des accords antérieurs à la suite d'un transfert d'entreprise, la loi prévoit néanmoins le maintien provisoire de ceux-ci, dans certaines conditions et pour un certain temps. Pour en savoir plus, consultez notre dossier spécial !
Références :
(1) Article L1224-1 du Code du travail
(2) Cass. Soc. 18 décembre 2000, n°98-41178
(3) Cass. Soc. 18 juillet 2000, n°99-13976
(4) Article L1224-1 du Code du travail
(5) Cass. Soc. 28 mai 1997, n°94-43561
(6) Cass. Soc., 7 juillet 1998, n°96-21451
(7) Cass. Ass. Plénière, 16 mars 1990, n°89-45730
(8) Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements
(9) Cass. Soc., 26 septembre 1990, n°87-40518
(10) Cass. Soc. 24 janvier 1990, n°86-41497
(11) Cass., Soc., 17 mars 1993, n°90-41996
(12) Article L2312-8 du Code du travail (CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés)
(13) Article 1199 du Code civil
(14) Cass. Soc. 5 février 1975, n°74-40140






Le modèle est un peu trop chargé avec des pages inutiles avant et après le contenu pertinent.