🔍 Lorsque l’on s’adresse à un couple qui se présente comme étant propriétaire d’un ou plusieurs biens immobiliers, avec pour objectif, soit de louer un ou plusieurs biens, suivant bail à usage d’habitation, bail professionnel ou bail commercial ou soit de vendre un ou plusieurs biens, la question qui se pose est : « qui de l’un ou de l’autre est effectivement propriétaire du bien à louer ou à vendre ? Le bien appartient-il à l’un individuellement ou à l’autre individuellement ou aux deux, voilà une première question dont il convient de répondre ».
Par ailleurs, lorsqu’un couple se présente comme étant propriétaire d’un ou plusieurs biens immobiliers, il arrive fréquemment qu’au nom et pour le compte du couple, un seul des membres n’agit réellement, l’autre se contentant de se retrancher, au-moins en apparence derrière son partenaire, quels sont les pouvoirs de celui qui agit, voilà une seconde question, dont il convient de répondre.
Cette note sera articulée autour de deux cas de figure, le couple marié, suivi du couple sous le régime du PACS ou du concubinage.
Le contrat de mandat immobilier qui s’applique à un couple marié
Principe du régime matrimonial pour tout couple marié : tout couple marié dispose forcément d’un régime matrimonial, soit par choix contractuel avant le mariage, soit de plein droit, en vertu d’une disposition légale, et ce, en vertu de l’article 1387 du Code civil (1).
💡 Définition d’un régime matrimonial : le "régime matrimonial" est constitué par un ensemble de dispositions légales ou conventionnelles qui règle les rapports patrimoniaux entre époux.
Il existe pour l’essentiel trois régimes matrimoniaux qui découlent du mariage et qui vont permettre de déterminer l’aspect patrimonial des conséquences du mariage.
Les régimes matrimoniaux se différencient, d’une part, entre :
- la « régime légal » soit le régime de la communauté réduite aux acquêts, qui est imposé à tout couple marié qui n’a pas exprimé de choix particulier avant le mariage et ;
- d’autre part, les régimes dits « contractuels » choisis par le couple marié avant le mariage, suivant acte notarié, et notamment le régime de « la communauté universelle » et le régime de « la séparation de biens » ;
- il existe un autre régime matrimonial, marginal, qui ne sera pas abordé.
🔍 Vous pourriez être intéressé par Quels sont les différents types de mandats immobiliers ?
Régime légal de la communauté réduite aux acquêts (article 1400 à 1496 du Code Civil)
Cadre de la mise en place : le régime légal de la communauté réduite aux acquêts est le régime matrimonial qui va s’appliquer à tous les couples qui se marient sans faire choix d’un régime matrimonial particulier suivant contrat passé devant notaire. Le régime légal relève de loin du régime matrimonial le plus courant (2).
💡Le régime légal crée deux masses :
- les « biens propres » constitués de tous les biens acquis par les époux avant le mariage et ceux acquis postérieurement, mais à titre gratuit, soit donations, legs, succession ;
- et les « biens communs » constitués des biens acquis par le couple à titre onéreux durant le mariage. Les biens acquis à titre onéreux par l’un ou l’autre des deux époux durant le mariage rentrent dans la communauté composée des deux époux. La communauté fonctionne à l’image d’une enveloppe juridique, qui absorbe l’actif et une partie du passif généré par le couple. S’agissant d’un bien dit « commun » et faisant partie de la communauté, il appartient à la communauté composée des deux entités du couple.
Gestion des biens propres
Les époux conservent la propriété et la pleine gestion de leurs biens propres, sans qu’il soit besoin de solliciter l’accord de l’autre époux.
⚠ Attention : il existe une protection particulière du logement familial (3). Néanmoins, le logement familial est soumis à un statut particulier, en ce que, si le logement familial est un bien propre, il ne peut être vendu ou alors faire l’objet d’un autre acte de disposition, soit conclusion d’un bail commercial ou rural, sans l’accord des deux époux, et ce, tant qu’il restera logement familial, ainsi qu’en dispose l’article 215 du Code civil.
Si l’un des époux est propriétaire en propre d’un bien immobilier et qui constitue un immeuble à usage d’habitation et que ledit bien constitue la résidence du couple, il ne peut donner un mandat de vente, ou un mandat pour conclure un bail commercial ou rural, sans que son conjoint ait donné son accord, et ce, tant que ledit bien constitue le domicile conjugal. En cas de manquement à cette disposition, une action en nullité est ouverte, dans l'année à partir du jour où le conjoint a eu connaissance de l'acte, où il n’a pas exprimé son consentement, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous.
📌 Nota : la protection du logement familial s’applique quel que soit le régime matrimonial. Le logement familial est le logement où la famille, donc le couple avec ou sans enfant a sa résidence principale.
Mandat tacite sur les biens propres (4) : quand l'un des époux prend en main la gestion des biens propres de l'autre, au su de celui-ci, et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration et de jouissance, mais non les actes de disposition, et ce, en vertu des dispositions de l’article 1432 du Code civil. Un époux peut parfaitement gérer les biens propres de son conjoint en vertu d’un mandat tacite, mais cela ne peut concerner la vente du bien, la conclusion d’un bail commercial ou rural.
📌 Nota : la vente d’un bien immobilier relève d’un acte de disposition, tout comme la conclusion d’un bail commercial ou rural. A l’inverse, la conclusion d’un bail à usage d’habitation ou d’un bail professionnel relèvent d’un acte de gestion ou d’administration.
Gestion des biens communs
Les époux sont propriétaires en commun de leurs biens communs. La gestion des biens communs est « concurrente », mais la loi admet que chaque époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs, en ce qui concerne les actes de gestion, mais pas les actes de disposition d’un immeuble ou d’un fonds de commerce, qui implique l’accord des deux époux.
Un époux pourrait aliéner seul sans le consentement de l’autre « un bien mobilier commun ». Un époux peut gérer seul les biens communs, mais à condition de n’accomplir que des actes de gestion, mais cela ne peut concerner la vente du bien immobilier, la conclusion d’un bail commercial ou rural qui sont des actes de disposition.
Régime de la communauté universelle (article 1526 du Code civil)
Cadre de la mise en place (5) : le régime de la communauté universelle est un régime matrimonial que l’on peut adopter suivant contrat passé devant notaire avant le mariage. Le régime de la communauté universelle est un régime communautaire accompli, dans la mesure où après le mariage, tous les biens des époux, qu’ils aient été acquis avant le mariage ou après et quel que soit le mode d’acquisition, à titre gratuit ou onéreux rentrent de la communauté.
⚠ Attention : si le régime de la communauté universelle relève bien d’un régime absorbant, rien n’interdit d’insérer dans le contrat de mariage des dispositions particulières, telles notamment, que les biens acquis durant le mariage à titre gratuit, donations, legs ou successions ne rentreront pas dans la communauté et resteront des biens propres.
Gestion de la communauté universelle : la gestion des biens dans le cadre de la communauté universelle est identique au régime légal dans le cadre de la gestion des biens communs. Chaque époux dispose de la capacité de gérer seul les biens communs, à condition de n’accomplir que des actes de gestion et non pas de disposition, tels la vente du bien, la conclusion d’un bail commercial ou rural.
Régime de la séparation de biens (article 1536 à 1543 du Code civil)
Cadre de la mise en place (6) : le régime de la séparation de biens est un régime matrimonial que l’on peut adopter suivant contrat passé devant notaire avant le mariage. Le régime de la séparation de biens relève d’un régime, où chaque époux reste propriétaire de ses biens, sans jamais former « une quelconque union juridique » avec l’autre.
Gestion du régime de la séparation de biens : le régime de la séparation de biens ne crée aucune communauté entre les époux et chacun reste propriétaire des biens acquis avant et après le mariage. Chaque époux gère seul ses biens lui appartenant, étant précisé que si le logement familial est constitué par un bien propre, celui-ci ne peut être vendu, donné à bail commercial ou rural, qu’avec l’accord des deux époux.
Achat d’un bien en commun : si, durant le mariage, le couple marié en séparation de biens achète un bien en commun, le bien sera soumis au régime de l’indivision, et ce, suivant les articles 815 et suivants du Code civil.
Mandat donné par un des époux (Article 1539 du Code civil) : si, pendant le mariage, l'un des époux confie à l'autre l'administration de ses biens personnels, les règles du mandat sont applicables. L'époux mandataire est, toutefois, dispensé de rendre compte des fruits, lorsque la procuration ne l'y oblige pas expressément. Dans le cadre du régime de la séparation de biens, il est parfaitement possible que chaque époux donne mandat à l’autre, et ce, en vertu d’un contrat de mandat de gérer tout ou partie de ses biens. Le contrat de mandat écrit va définir les droits et obligations des parties.
Mandat tacite : quand l'un des époux prend en main la gestion des biens de l'autre, au su de celui-ci, et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration et de gérance, mais non les actes de disposition, et ce, en vertu de l’article 1540 du Code civil. Le mandat tacite permet à un époux de gérer les biens de l’autre, sans qu’un contrat ne soit conclu, mais cela ne concerne que les actes de gestion et non pas de disposition, soit, pas la vente ou la conclusion d’un bail commercial ou professionnel.
💡 Définition du contrat de mandat (7) : le contrat de mandat est le contrat au terme duquel le mandant va donner pouvoir au mandataire d’accomplir un ou plusieurs actes juridiques en son nom et est régi par les articles 1984 à 2010 du Code civil.
Le contrat de mandat immobilier qui s’adresse à un couple sous le régime du PACS ou du concubinage
Il sera étudié le cas du couple, sous le régime du PACS (8), suivi du couple sous le régime du concubinage.
Pacte civile de solidarité (PACS)
💡Définition du PACS (9) : un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.
Le PACS prévoit deux régimes possibles :
Régime séparatiste du PACS
S’agissant d’un PACS dit « séparatiste », chaque partenaire du PACS reste propriétaire de ses biens et est tenu des dettes qu’il a contactées (10). Dans un PACS dit « séparatiste », chaque partenaire gère ses propres biens.
Mandat apparent dans le cadre du PACS (11) : la théorie du mandat apparent où un des partenaires du PACS va accomplir des actes de gestion uniquement, avec l’accord tacite de l’autre est toujours possible s’agissant du PACS séparatiste, mais est soumise à des conditions plus rigoureuses, qu’en cas de mariage où il est question du mandat tacite.
📌 Nota : le mandat apparent fonctionne, si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté. Lorsqu'il ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité. La théorie du mandat apparent est plus compliquée à mettre en œuvre, que le mandat tacite dans le cadre du mariage.
Dans le cadre d’un PACS dite « séparatiste », il serait possible qu’un des partenaires du PACS gère les biens de l’autre, à condition de n’accomplir que des actes de gestion et non pas de disposition, telles, la vente, la conclusion d’un bail commercial ou rural. Les conditions du mandat apparent sont plus rigoureuses que s’agissant du mandat tacite qui s’applique au mariage.
📌 Nota : la protection attachée au logement familial n’est pas prévue en cas de PACS.
Exception le PACS dit « indivision »
Les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l'indivision les biens qu'ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l'enregistrement de ces conventions. Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale (12).
Pouvoir de gestion des indivisaires (13) : à défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l'indivision et peut exercer les pouvoirs reconnus par les articles 1873-6 à 1873-8 du Code civil, soit que chacun des partenaire du PACS peut conclure des actes de gestions sans demander l’accord de l’autre, mais pas de disposition.
📌 Nota : s’agissant du PACS dit « indivision », les deux partenaires du PACS acquièrent leurs biens en indivision et seront soumis au régime de l’indivision. Chaque indivisaire a le pouvoir de gérer seul le ou les biens indivis, à condition de n’accomplir que des actes de gestion (bail à usage d’habitation ou bail professionnel) et non pas de disposition (vente, bail commercial, bail rural).
Concubinage
💡 Le concubinage (14) est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.
Absence de conséquence juridique au concubinage : le concubinage ne crée aucune situation juridique particulière entre les concubins. Chacun des concubins gère ses propres biens. Les deux concubins peuvent conclure un contrat de mandat, dont les termes sont librement organisés par le contrat. La théorie du mandat apparent pour les actes de gestion peut éventuellement s’appliquer avec des conditions bien plus dures que le mariage, où il est question de mandat tacite.
Références :
(1) Articles 1387 à 1399-6 du Code civil relatifs aux dispositions générales sur le régime matrimonial
(2) Articles 1400 à 1491 du Code civil relatif au régime de la communauté légale
(3) Article 215 du Code civil relatif à la protection du logement familial
(4) Article 1432 du Code civil qui définit le mandat tacite
(5) Article 1526 du Code civil relatif au régime de la communauté universelle
(6) Articles 1536 à 1543 du Code civil relatif au régime de séparation de biens
(7) Articles 1984 à 2010 du Code civil relatifs au contrat de mandat
(8) Articles 515-1 à 515-7-1 du Code civil relatif au pacte civil de solidarité
(9) Article 515-1 du Code civil portant définition du PACS
(10) Article 515-5 du Code civil portant définition du PACS séparatiste
(11) Article 1156 du Code civil relatif au mandat apparent
(12) Article 515-5-1 du Code civil portant définition du PACS indivision
(13) Article 515-5-3 du Code civil portant définition des pouvoirs de gestions dans le PACS indivision
(14) Article 515-8 du Code civil relatif au concubinage




conforme à la commande