Obligation de reclassement en cas d'inaptitude : les limites
Le licenciement peut être prononcé si l’employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi ou si le salarié refuse une proposition conforme. Surtout, l’obligation de reclassement disparaît lorsque le médecin du travail mentionne dans l’avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (2).
Cette possibilité offerte au médecin du travail de cocher ces mentions pré-imprimées résulte de la loi du 8 août 2016 (3), qui visait à limiter les cas de contentieux liés à l’inaptitude, en réponse à une jurisprudence critiquée pour avoir étendu excessivement l’obligation de reclassement.
Malgré cette réforme, les contentieux n’ont pas disparu. Certaines parties contestent l’avis d’inaptitude lui-même, ce qui peut conduire à la désignation d’un autre médecin, voire d’un inspecteur du travail (4). D’autres litiges portent sur le contenu même de l’avis d’inaptitude et sur son interprétation par les parties.
La Cour de cassation a rappelé que l’employeur peut licencier un salarié inapte s’il justifie que ce dernier a refusé un reclassement proposé en conformité avec les recommandations du médecin du travail (5).
Il est donc essentiel que l’employeur examine attentivement les termes de l’avis d’inaptitude. En effet, toute imprécision peut entraîner un malentendu sur la portée de l’obligation de reclassement (Dr. soc. 2023. 895, F. Héas).
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Obligation de reclassement en cas d'inaptitude : contentieux et cas concrets
📌 Par exemple, dans un cas où le médecin avait indiqué que « l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi » mais avait précisé qu’il s’agissait d’un obstacle « sur le site », la Cour a considéré que cela ne dispensait pas l’employeur de rechercher un reclassement hors de ce site (6).
📌 Dans une autre affaire, même si l’avis faisait état d’un empêchement dans l’entreprise, il existait un groupe, et la Cour a jugé que l’employeur devait étendre sa recherche à l’autre société du groupe expressément mentionnée (7).
📌 Dans l’affaire jugée le 12 juin 2024 (8), le salarié souffrait d’une maladie non professionnelle et avait été déclaré inapte de manière définitive. Le médecin du travail avait expressément mentionné : « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ». L’employeur avait donc procédé à son licenciement pour inaptitude. La cour d’appel, saisie par le salarié, a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, au motif que l’expression « dans l’emploi » ne concernait que le poste précédemment occupé, et non l’ensemble des emplois de l’entreprise. Elle en a conclu que l’employeur aurait dû rechercher un reclassement. La Cour de cassation casse cette décision. Elle estime que l’indication selon laquelle l’état de santé fait obstacle à tout reclassement « dans l’emploi » doit s’entendre comme une dispense de reclassement, conformément à l’article L. 1226-2-1 du Code du travail. L’employeur n’était donc pas tenu de rechercher d’autres postes.
Cette solution est conforme à l’objectif poursuivi par la loi du 8 août 2016 : éviter d’imposer une recherche vaine de reclassement quand le médecin juge que l’état de santé du salarié la rend impossible.
⚠ Cependant, cette jurisprudence ne mettra pas fin aux contentieux. Même de bonne foi, les parties peuvent interpréter différemment l’avis d’inaptitude, d’autant plus lorsque sa rédaction manque de clarté. Il serait donc judicieux de réviser les formulaires utilisés par les médecins du travail, pour y inclure des mentions explicites précisant si la dispense vaut pour un poste, pour tous les postes de l’entreprise, pour l’ensemble du groupe, ou pour des sociétés spécifiquement nommées.
Références :
(1) Articles L1226-2 et L1226-10 du Code du travail
(2) Articles L1226-2-1 et L1226-12 du Code du travail
(3) Article 102, Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
(4) Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22-13464 ; Cass. soc., 22 mai 2024, n° 22-22321
(5) Article L1226-2 du Code du travail ; Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-18758
(6) Cass. soc., 13 décembre 2023, n° 22-19603
(7) Article L1226-10 du Code du travail ; Cass. soc., 13 décembre 2023, n° 22-19603
(6) Cass. soc., 12 juin 2024, n° 23-13522



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