1. Qu'est-ce qu'une prise d'acte ? Définition !

La prise d'acte est l'action par laquelle un salarié quitte l'entreprise et demande au juge de prononcer la rupture de son contrat de travail en raison des manquements graves qu'il reproche à son employeur et qui empêchent la poursuite de la relation de travail :

  • une prise d'acte justifiée produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 
  • une prise d'acte injustifiée produit, quant à elle, les effets d'une démission.

Le salarié a en effet la possibilité de mettre un terme à la relation contractuelle le liant à l'employeur en utilisant la voie judiciaire, dès lors qu'il estime que ce dernier manque gravement à ses obligations.

En effet, lorsque le salarié constate de la part de son employeur, des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de ce dernier. Cela entraîne la rupture immédiate de la relation contractuelle.

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Bon à savoir :

Il appartient au juge de décider si la prise d'acte du salarié est justifiée ou non. Lors de l'examen des griefs, le juge examine les raisons qui ont motivé le départ au moment de la rupture. Ainsi, un salarié ne peut se prévaloir, pour justifier sa requête, de faits fautifs commis par son employeur dont il n'a eu connaissance qu'après avoir pris position (1).

2. Qui peut faire une prise d'acte et quand est-il possible de la faire ?

Tous les salariés peuvent prendre acte de la rupture de leur contrat de travail lorsqu'ils reprochent à leur employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Peu importe la nature de leur contrat de travail (c'est-à-dire qu'ils soient en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat à durée indéterminée (CDI)).

La prise d'acte est possible à tout moment sauf lorsque le salarié est en période d'essai. En effet, dans ce dernier cas, chaque partie peut rompre librement le contrat de travail, sans justification.

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Vous êtes employeur et l'un de vos salariés a pris acte de la rupture de son contrat de travail ? Nous vous aidons à comprendre le dispositif et à visualiser les conséquences pour votre entreprise.

3. Comment le salarié doit-il faire pour faire sa demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail ?

Aucun formalisme n'est imposé pour prendre acte de la rupture du contrat de travail, ni au salarié, ni à l'employeur.

Néanmoins, le salarié doit informer son employeur de la rupture de son contrat. Il peut le prévenir par l'envoi d'un courrier écrit, qui peut mentionner les reproches qu'il lui fait et qui, pour lui, justifient la prise d'acte. Cet écrit servira de preuve en cas de contentieux ultérieur. De son côté, l'employeur peut éventuellement répondre à ce courrier afin de connaître les raisons qui ont poussé le salarié à quitter l'entreprise.

Ce n'est qu'après avoir accompli ces formalités que le salarié doit saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de prise d'acte de rupture du contrat de travail.

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Bon à savoir :

La Cour de cassation a récemment invité à rester vigilant lors de la saisine du Conseil de prud'hommes sur les conséquences qu'un salarié voudrait que sa demande de prise d'acte produise. Ainsi, si une prise d'acte aurait dû produire les effets d'un licenciement nul, mais que le salarié a demandé un licenciement sans cause réel et sérieuse, le juge ne pourra requalifier la demande du salarié. Une telle requalification priverait en effet la demande d'objet (2).

Quelle est la différence entre la résiliation judiciaire et la prise d'acte de rupture du contrat de travail ?

Tout d'abord, ces 2 procédures constituent une voie judiciaire de rupture du contrat de travail : seul le juge a la faculté de prononcer de telles ruptures.

Par ailleurs, dans les 2 cas, des manquements graves de l'employeur doivent empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il existe cependant des différences entre ces procédures :

  • un salarié qui entend prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur doit au préalable informer ce dernier de sa volonté. Aussi, un salarié qui saisirait directement le conseil de prud'hommes verrait sa demande requalifiée en demande de résiliation judiciaire par le juge (3) ;
  • en cas d'échec de la procédure : un salarié débouté de sa demande de prise d'acte la rupture requalifiée en démission. En cas d'échec d'une demande de résiliation judiciaire, le contrat de travail se poursuit.

4. Quels sont les effets de la prise d'acte ? Licenciement ou démission ?

La prise d'acte produit des effets différents selon que le juge estime qu'elle est justifiée ou non (4) :

  • soit elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le juge estime la prise d'acte justifiée (5) ;
  • soit elle produit les effets d'une démission dans le cas contraire.

La demande du salarié peut être faite par son avocat, en son nom, auprès de son employeur.

5. Dans quels cas la prise d'acte est-elle justifiée ? Harcèlement moral, non-paiement des salaires...

La jurisprudence a notamment déjà qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte dans laquelle le salarié reprochait à son employeur :

  • le non-versement d'une prime ou le non-paiement du salaire ;
  • le non-respect du droit au repos hebdomadaire (6) ;
  • le fait de subir des actes de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel (7) ;
  • le fait de ne pas organiser les visites médicales obligatoires (visite d'information et de prévention, examen médical de reprise, etc.) (9).

6. Quels sont les avantages de la prise d'acte pour le salarié ? Peut-il toucher le chômage ?

La prise d'acte permet au salarié de quitter un emploi sans entrer en conflit direct avec son employeur.

Lorsque la prise d'acte est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse par le juge, le salarié peut obtenir diverses indemnités et toucher le chômage, s'il remplit les conditions d'attribution.

7. Quels sont les effets de la qualification par les juges ?

Dès que le salarié prend acte de la rupture de son contrat, il cesse d'être rémunéré. Comme indiqué ci-dessus, il faut ensuite attendre la décision du conseil de prud'homme pour connaître les effets de la prise d'acte.

Tous les manquements de l'employeur ne sont pas fautifs au point de justifier la rupture du contrat de travail à ses torts.

Si les juges considèrent la prise d'acte abusive de la part du salarié, elle sera requalifiée en démission et produira ses effets, à savoir :

  • rupture du contrat sans indemnité de licenciement ;
  • pas de droit immédiat au chômage.

Dans ce cas, c'est le salarié qui est redevable, auprès de son employeur, d'une indemnité équivalente au préavis non exécuté.

8. Combien de temps faut-il attendre pour savoir si la prise d'acte du salarié est justifiée ?

Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une telle demande, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, sans passer par une phase préalable de conciliation.

Il statue au fond, autrement dit, il tranche le litige en appréciant si la prise d'acte été justifié ou pas, dans un délai de 1 mois suivant sa saisine (10).

9. Les représentants du personnel ou salariés protégés peuvent-ils faire une prise d'acte ?

Les représentants du personnel ont également la possibilité de saisir la justice pour mettre fin à leur contrat de travail.

Néanmoins, il existe une différence avec les autres salariés qui porte sur les effets de la prise d'acte.

En effet, lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat représentatif prend acte de la rupture de son contrat de travail, cette rupture produit (11) :

  • soit les effets d'un licenciement nul pour violation d'un statut protecteur lorsque le juge considère la prise d'acte justifiée ;
  • soit les effets d'une démission lorsque ce n'est pas le cas.

10. Quelles indemnités l'employeur doit-il verser au salarié ?

La prise d'acte est justifiée

Lorsque le juge considère la prise d'acte justifiée et qu'elle produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié bénéficie des indemnités suivantes :

  • d'une indemnité légale de licenciement (ou indemnité conventionnelle si elle est plus avantageuse) ;
  • d'une indemnité pour licenciement injustifié (dit aussi sans cause réelle et sérieuse ou abusif) (12) ;
  • d'une indemnité compensatrice de préavis ;
  • d'une indemnité compensatrice de congés payés si le salarié n'a pas pris tous les congés acquis avant la prise d'acte.

Si la prise d'acte, justifiée, vient d'un salarié protégé, elle produit les effets d'un licenciement nul (13).

Le salarié protégé a alors droit aux mêmes indemnités que le salarié non protégé, à la différence que l'indemnité pour licenciement injustifié est remplacée par une indemnité pour licenciement nul dont le montant ne peut être inférieur aux 6 derniers mois de salaires (14).

Par ailleurs, le salarié protégé peut également prétendre à une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre la rupture de contrat de travail et l'expiration de sa période de protection dans la limite de 2 ans, augmentée de 6 mois (soit 30 mois maximum) (15).

La prise d'acte n'est pas justifiée

En revanche, si le juge estime que les faits invoqués ne sont pas suffisamment graves et que la prise d'acte n'est pas justifiée, elle produit les effets d'une démission et ce, que le salarié soit protégé ou non. Dans ce cas, le salarié ne bénéficie d'aucune indemnité de licenciement, seulement de l'indemnité compensatrice de congés payés (le cas échéant).

De son côté, l'employeur peut lui réclamer le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et le remboursement des frais de formation si une clause de dédit-formation est prévue au contrat.

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Bon à savoir :

Le salarié ne peut pas demander à être réintégré dans l'entreprise. La rupture par un salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et ne peut être rétractée (16).

11. Quelles sont les obligations de l'employeur suite à une prise d'acte ?

Le contrat de travail qui lie le salarié et l'employeur est immédiatement rompu du fait de la prise d'acte.

 À l'issue du contrat, l'employeur doit adresser au salarié les documents de fin de contrat habituels :

  • un solde de tout compte ;
  • une attestation Pôle Emploi en mentionnant "Prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié" sur la ligne "Autre motif" ;
  • un certificat de travail.
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Références :
(1) Cass. Soc. 9 octobre 2013, n°11-24457

(2) Cass. Soc. 25 mai 2022, n°20-18433
(3) Cass. Soc. 16 mai 2012, n°10-15238
(4) Cass. Soc. 19 janvier 2005, n°03-45018
(5) Article L1235-3 du Code du travail
(6) Cass. Soc. 7 octobre 2003, n°01-44635
(7) Cass. Soc. 26 janvier 2005, n°02-47296
(8) Cass. Soc. 1er décembre 2004, n°02-46231
(9) Cass. Soc. 8 février 2017, n°15-14874
(10) Article L1451-1 du Code du travail
(11) Cass. Soc. 5 juillet 2006, n°04-46009
(12) Article L1235-3 du Code du travail
(13) Cass. Soc. 12 mars 2014, n°12-20108
(14) Article L1235-11 du Code du travail
(15) Article L1235-3-1 du Code du travail et Cass. Soc. 15 avril 2015, n°13-27211
(16) Cass. Soc. 29 mai 2013, n°12-15974