La prise d’acte est l’acte par lequel le salarié décide unilatéralement de mettre un terme à son contrat de travail en faisant porter le chapeau à son employeur.
I. Définition de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d’acte est l’acte par lequel le salarié informe son employeur de sa décision de rompre unilatéralement son contrat de travail en lui en imputant le motif.
La prise d’acte doit être justifiée par des manquements graves de l’employeur qui créent un préjudice au salarié.
Elle n’est réservée qu’aux salariés en CDI.
II. Les conditions nécessaires à la validité de la prise d’acte
1. Des manquements graves de l’employeur à l’égard du salarié
Le salarié doit reprocher à son employeur de ne pas respecter ses obligations issues du contrat de travail.
Différents faits peuvent être reprochées à l’employeur :
- une inexécution de ses obligations contractuelles ou conventionnelles (ex. : défaut de paiement du salaire) ;
- une attitude fautive ( harcèlement, etc.).
2. L’impossibilité de maintenir le contrat de travail
Les faits reprochés à l’employeur doivent être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44236 ; Cass. soc. 5 juillet 2017, n° 16-11520).
Il ne faut pas que les manquements reprochés à l’employeur soient anciens.
A défaut la prise d’acte n'est pas fondée puisque le contrat de travail a pu se poursuivre malgré l’attitude de l’employeur (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-23634).
III. Aucun formalisme pour prise d’acte
Aucun formalisme n’est requis.
Une simple lettre suffit. Par mesure de précaution, une lettre recommandée ou une lettre remise en main propre avec date certaine est à privilégier.
IV. Les conséquences de la prise d’acte doivent être bien anticipées
Les conséquences sont multiples.
1. Le contrat de travail est immédiatement rompu
La lettre de prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat (Cass. soc. 31 octobre 2006, n° 04-46280 ; Cass. soc. 25 février 2009, n° 06-46436), sans préavis.
Toute rétractation est impossible.
2. La saisine du Conseil de prud’hommes
Après avoir envoyé sa lettre de prise d’acte, le salarié doit saisir le Conseil de prud'hommes dans un délai qui court à compter de la date de sa prise d'acte.
Le Conseil de Prud’hommes devra décider si les faits reprochés à l’employeur étaient suffisamment graves pour justifier la prise d’acte par le salarié.
Et là, deux options :
a. La prise d’acte est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Soit le Conseil de prud’hommes estime que les faits sont suffisamment graves.
Dans ce cas, la prise d’acte est requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou un licenciement nul.
Le salarié percevra des indemnités :
- Indemnité de licenciement,
- Indemnité compensatrice de préavis
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
b. La prise d’acte est requalifiée en une démission
Soit le Conseil de prud’hommes estime que les faits ne sont pas suffisamment graves.
Dans ce cas, les effets de la prise d’acte sont ceux d’une démission.
Le salarié n’a droit ni à l’indemnité de licenciement, ni à une indemnité compensatrice de préavis, ni à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Attention : l’employeur est en droit de réclamer au salarié le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis puisqu’il n’a pas effectué de préavis (Cass. soc. 4 février 2009, n° 07-44142 ; Cass. soc. 8 juin 2011, n° 09-43208 ; Cass. soc. 23 janvier 2019, n° 17-19393).
V. Attention aux risques de la prise d’acte
1. Le premier risque porte sur les conséquences du départ volontaire
Lorsque le salarié quitte l’entreprise après la prise d’acte, il perd son emploi immédiatement et ne perçoit à ce moment-là aucune indemnité : ni indemnité de licenciement, ni indemnité de préavis.
Il ne perçoit non plus aucune allocation chômage.
2. Le second risque porte sur les conséquences de l’action prud’homale
Au moment de la décision du Conseil de Prud’hommes, si le CPH requalifie la prise d’acte en une démission, le salarié sera considéré comme démissionnaire définitivement.
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 30 mars 2010 : RG n° 08-44236
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 juillet 2017 : RG n° 16-11520
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 mars 2014, n° 12-23634
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 4 février 2009 : RG n° 07-44142
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 juin 2011 : RG n° 09-43208
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 janvier 2019 : RG n° 17-19393
Par Maitre Virginie LANGLET
Avocat au Barreau de Paris
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