Vers une reconnaissance de la prime de démission ?

Les pratiques françaises de management et de gestion des Ressources Humaines évoluent en s'inspirant du droit anglo-saxon. De la même manière que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur a obtenu sa reconnaissance légale grâce à la pratique et la jurisprudence, la prime à la démission pourrait, elle aussi, suivre le même chemin.

Démission : quelques rappels...

La démission est une rupture unilatérale du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) à l'initiative du salarié, qui est prévue par le Code du travail (1). 

Conditions de validité de la démission 

Ses conditions de validité sont encadrées par la loi et la jurisprudence, afin d'éviter toute démission forcée et de garantir le fait que le salarié agisse en toute connaissance de cause sans avoir été poussé vers la sortie.

En principe et toutes conditions remplies, le salarié ne peut pas se rétracter de sa démission.

Pour en savoir plus : Mon salarié peut-il revenir sur sa décision de démissionner ?

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Bon à savoir : 

Pour être considérée comme valable, la démission doit :
- être issue de la volonté libre et éclairée du salarié ;
- être donnée sans aucune contrainte ni pression ;
- être donnée de manière claire et non équivoque.

Quelles sont les indemnités et les aides en cas de démission ?

Depuis plusieurs années, la démission tend à se raréfier, car le salarié démissionnaire, s'il peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés (2), se trouve exclu du droit au chômage.

En pratique en effet, nombre de salariés préfèrent attendre que leur employeur prenne l'initiative de les pousser vers la porte de sortie, via notamment la mise en place d'une procédure de rupture conventionnelle

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Qu'est-ce que la prime à la démission "The Offer" ?

Par le passé, le géant Amazon (3) a permis à ses salariés français justifiant d'une certaine ancienneté dans l'entreprise de démissionner en début d'année, tout en touchant une prime dont le montant était variable en fonction de leur temps de travail effectif pendant les périodes d'activité les plus soutenues - appelées "peaks" - comme les fêtes de fin d'année.

2.000 à 8.000 eurosPrime de démission

Cette prime s'adressait donc à un nombre limité d'employés non satisfaits de leur emploi, n'arrivant pas à suivre les cadences de travail et désireux de partir de l'entreprise.

Pour prétendre au versement de la prime et en profiter, le salarié devait remplir plusieurs conditions, notamment :

  • être en contrat à durée indéterminée (CDI) depuis au moins un an ;
  • porter un projet professionnel afin d'être à nouveau et rapidement en activité après son départ de l'entreprise, faute de toucher le chômage ;
  • être pleinement conscient de la portée de sa décision.

Le montant de la prime était fonction de la participation passée du collaborateur aux "peaks". Plus il avait été présent à ces périodes "critiques" pour le chiffre d'affaires de l'entreprise, plus il recevait une prime élevée, car sa contribution avait été importante.

De plus, cette faculté était limitée dans le temps puisqu'elle intervenait en début d'année - dans le cas présent entre le 23 janvier et le 5 février - soit après les entretiens annuels d'évaluation et le rush des fêtes de Noël. Ainsi, le Géant du web n'entendait pas faire de cette opportunité dans l'évolution de carrière d'un salarié, une mesure pérenne. 

Prime à la démission : qu'en dit le juge français ? 

Il n'apparaît pas qu'une prime de départ donnée à un salarié démissionnaire puisse être contestable juridiquement.

En effet, la Cour de cassation semble avoir reconnu l'existence et la légalité de la prime à la démission (4). Dans une décision datée de 2017, la Cour a en effet eu à se prononcer sur le traitement social d'une indemnité versée à des salariés volontaires d'une société ayant démissionné. 

Le juge n'a pas contesté la légalité de cette indemnité, dont il a rappelé qu'elle était calculée en fonction de l'ancienneté des salariés et qu'elle visait à compenser la rupture de contrat, et a estimé qu'elle devait être intégrée à l'assiette des cotisations sociales.

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Avantages et inconvénients de la prime à la démission

Avantages

En soi, ce dispositif encore nouveau a l'avantage d'être plus souple que la rupture conventionnelle.

Il paraît satisfaire les deux parties grâce à la rapidité de sa mise en œuvre et les garanties assurées au salarié démissionnaire. Ce dernier, même s'il ne touche pas l'aide au retour à l'emploi (ARE), ne part pas d'une entreprise dans laquelle il ne se sent plus épanoui, sans indemnité ni avenir professionnel, contrairement à une démission classique.

Dans tous les cas, la prime à la démission évite beaucoup de pertes de temps aux employeurs et responsables des ressources humaines : sa facilité de mise en œuvre est sans conteste. 

Inconvénients

Au vu des textes applicables et de la jurisprudence de la Cour de cassation, il semble que cette prime doive être soumise à cotisations sociales (4) (5).

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Prime à la démission : quelles précautions prendre pour cette indemnité de départ ?

Si vous souhaitez mettre en place une prime à la démission, vous devez vous montrer particulièrement vigilant.

En effet, ce type de prime n'est pas explicitement prévu par le droit français, et il reste possible que le juge vienne sanctionner sa mise en place s'il estime que celle-ci contrevient aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. 

Entre autres sujets, il semble que vous deviez veiller :

  • à ce que la démission des salariés concernés soit libre et éclairée, afin d'éviter la requalification en démission déguisée et donc en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • à limiter le bénéfice de la prime dans le temps, afin qu'elle ne devienne pas un outil de gestion de la masse salariale ;
  • à ce que les critères de choix des collaborateurs qui souhaitent partir soient objectifs, afin d'éviter toute suspicion de discrimination ;
  • à restreindre le nombre de bénéficiaires de la prime, dans le but de ne pas enfreindre la réglementation relative à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ;
  • à intégrer cette prime dans l'assiette des cotisations sociales.

Quelle que soit votre situation, il est impératif de faire appel aux services d'un conseil spécialisé pour sécuriser la mise en place d'un tel dispositif et prendre l'ensemble des mesures qui s'imposent. 

Références :


(1) Articles L1231-1 et suivants du Code du travail
(2) Article L3141-28 du Code du travail
(3) L'Express, le 1er février 2017, La "prime à la démission" d'Amazon est-elle légale ?
(4) Cass. 2ème chambre civile., 9 février 2017, n°16-10490
(5) Article L242-1 du Code de la Sécurité sociale