Qu'est-ce que la loi transposant les ANI sur les seniors et le dialogue social ?
En ce qui concerne les salariés expérimentés, force est de constater que la France est encore loin de la moyenne européenne : si le taux d’emploi des 55-59 ans est à présent au-dessus de la moyenne, celui des 60-64 ans reste parmi les plus bas de l’Union européenne."
ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés
En France, le taux d'emploi des salariés seniors (55 à 64 ans) est de 60,4 % contre 65,2 % à l'échelle de l'Union européenne. Pour la seule tranche des 60-64 ans, le taux d'emploi en France atteint péniblement les 38,9 % (1).
Partant de ce constat, les partenaires sociaux ont négocié plusieurs mesures en 2024 pour favoriser le maintien dans l'emploi des salariés expérimentés. Sur le long terme, celles-ci devraient permettre notamment :
-
de lutter contre le chômage de longue durée qui touche particulièrement cette tranche de la population ;
-
et de lutter contre les situations dans lesquelles ces personnes se retrouvent sans emploi ni retraite.
La loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relative à l'évolution du dialogue social (aussi dite "loi senior"), vise donc à transposer, au sein du Code du travail, les dispositions négociées par les partenaires sociaux (CPME, MEDEF, CFDT, CGT-FO, etc.) (2).
💡 De manière plus précise, la loi :
-
transpose l'accord national interprofessionnel des partenaires sociaux sur l'emploi des salariés expérimentés (3) ;
-
transpose l'accord national interprofessionnel des partenaires sociaux sur l'évolution du dialogue social (4) ;
-
apporte une base légale à certaines dispositions relatives à l'assurance chômage (5) ;
-
et prévoit des dispositions sur les transitions et les reconversions professionnelles.
👉 Cette loi, présentée au printemps 2025, a été promulguée et publiée au Journal officiel le 25 octobre 2025. Certaines dispositions devront néanmoins être précisées par décret ou par arrêté avant d'être pleinement applicables (voir détail au sein de nos dossiers liés).
🔍 Découvrez aussi nos actualités sur le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026 et le Projet de loi de finances (Budget 2026) !
Renforcer le dialogue social sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés : de nouvelles obligations de négociation collective
La nouvelle obligation de négocier sur l'emploi des seniors
La loi relative à l'emploi des seniors ajoute de nouvelles obligations de négociation relatives à l'emploi et le travail des salariés expérimentés au niveau :
-
des branches professionnelles ;
-
et de certaines entreprises selon leur taille.
Effectivement, les partenaires sociaux, lors de la signature de l'ANI, ont considéré qu'il s'agit "d'enjeux à traiter au niveau national, sectoriel et au niveau de l'entreprise" (6).
Négociation sur l'emploi des seniors au niveau de la branche
📍Classiquement, au niveau de la branche, les organisations doivent se réunir au moins une fois tous les 4 ans pour négocier sur certains thèmes (salaires, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, etc.).
À ceux-ci, la loi ajoute désormais une obligation de négociation concernant l'emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge (voir détail ci-après) (7).
💡 Bon à savoir : les branches professionnelles peuvent fixer une autre périodicité de négociation, dans la limite des 4 ans précités. À défaut d'accord, la négociation est triennale.
Négociation sur l'emploi des seniors au niveau de l'entreprise de 300 salariés
Lorsque certaines conditions sont réunies, l'entreprise d'au moins 300 salariés doit, elle aussi, engager une fois tous les 4 ans une négociation sur (8) :
-
l'emploi ;
-
le travail ;
-
et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés en considération de leur âge.
Les thèmes de la négociation collective sur les salariés expérimentés
La négociation, de branche ou d'entreprise, porte sur (obligatoire) (9) :
-
le recrutement des salariés expérimentés ;
-
leur maintien dans l'emploi ;
-
l'aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
-
la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.
Elle peut également porter sur (facultatif) :
-
le développement des compétences et l'accès à la formation de ces salariés ;
-
les effets des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;
-
les modalités d'écoute, d'accompagnement et d'encadrement de ces salariés ;
-
etc.
Préparer la deuxième partie de carrière du salarié : le nouvel entretien de parcours professionnel
L'entretien de parcours professionnel : définition
L'entretien professionnel devient "l'entretien de parcours professionnel".
1er octobre 2026entrée en vigueur générale
📍Actuellement, le salarié bénéficie d'un entretien professionnel tous les 2 ans qui permet d'échanger avec son employeur sur ses perspectives d'évolution professionnelle.
À partir du 1er octobre 2026 (pour les entreprises dont un accord d'entreprise ou de branche prévoit la périodicité des entretiens professionnels, ou à défaut, dès l'entrée en vigueur de la loi), le salarié bénéficiera d'un entretien de parcours professionnel dès la première année suivant son embauche (10).
Ensuite, cet entretien devra être organisé tous les 4 ans (au lieu de tous les 2 ans actuellement).
Il sera consacré :
-
aux compétences du salarié et aux qualifications mobilisées dans son emploi actuel ainsi qu'à leur évolution possible au regard des transformations de l'entreprise ;
-
à sa situation et à son parcours professionnel, au regard des évolutions des métiers et des perspectives d'emploi dans l'entreprise ;
-
à ses souhaits d'évolution professionnelle. L'entretien peut par exemple ouvrir la voie à une validation des acquis de l'expérience (VAE) ;
-
à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF) ;
-
etc.
Enfin, tous les 8 ans (au lieu de 6 ans actuellement), l'entretien de parcours professionnel devra faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.
Le rendez-vous de mi-carrière
L'entretien de parcours professionnel devra être organisé dans un délai de 2 mois à compter de la visite médicale de mi-carrière (qui se tient dans l'année des 45 ans du salarié) (11), sans aucune condition d'ancienneté dans l'entreprise.
45 ansRendez-vous de mi-carrière
Les mesures proposées par le médecin du travail lors de cette visite médicale seront alors évoquées.
📌 Exemple : le médecin peut proposer des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail justifiées par l'âge ou l'état de santé du salarié, etc.
De plus, les parties devront évoquer, s'il y a lieu :
-
l'adaptation ou l'aménagement des missions et du poste de travail ;
-
la prévention des situations d'usure professionnelle ;
-
etc.
L'objectif est donc de créer un lien entre la visite médicale de mi-carrière et le parcours professionnel du salarié.
📌 Exemple : en raison de son état de santé qui limite sa capacité à se tenir debout toute la journée, le salarié souhaiterait augmenter ses tâches administratives en bureau et réduire ses interventions sur le terrain.
Le rendez-vous de dernière partie de carrière pour les seniors
Enfin, dès que le salarié va atteindre 60 ans, le premier entretien de parcours professionnel intervenant dans les 2 ans avant cet anniversaire, permettra d'évoquer, en plus des sujets mentionnés ci-dessus :
-
les conditions de maintien dans l'emploi ;
-
et les possibilités d'aménagement de fin de carrière (passage à temps partiel, retraite progressive).
💡 Bon à savoir : il ne faut pas confondre entretien professionnel et entretien annuel d'évaluation. Ce dernier, facultatif, n'est pas impacté par la réforme.
Lever les freins au recrutement des demandeurs d'emplois seniors : le contrat de valorisation de l'expérience (CVE) ou "CDI senior"
Compte-tenu des difficultés de retour à l’emploi des demandeurs d’emploi seniors, particulièrement exposés au risque de chômage de longue durée, est créé, à titre expérimental pour une durée de 5 ans, un "contrat de valorisation de l’expérience".
ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés
Pendant 5 ans à compter de la promulgation de la loi, soit le 24 octobre 2025, le contrat de valorisation de l'expérience (CVE, aussi dit "CDI senior") va être expérimenté.
Bénéficiaires du CDI senior
Le CDI senior est ouvert aux personnes :
-
âgées d'au moins 60 ans (ou d'au moins 57 ans si une convention ou un accord de branche le prévoit) ;
-
inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi de France Travail ;
-
ne bénéficiant pas d'une pension de retraite de base de droit propre à taux plein.
Les modalités du CDI senior
Ce contrat est, sauf exceptions, soumis aux mêmes règles qu'un contrat à durée indéterminée (CDI).
L'avantage du CDI senior réside notamment dans la capacité pour l'employeur de déroger aux règles actuelles concernant la mise à la retraite du salarié.
Effectivement, via ce dispositif, l'employeur peut mettre à la retraite le salarié :
-
dès lors qu'il atteint 67 ans (12) (hors CVE, le salarié ne peut pas s'opposer à sa mise à la retraite à partir de 70 ans (13)) ;
-
ou dès lors qu'il a atteint 64 ans et justifie d'une durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein (14).
Si ces conditions ne sont pas respectées par l'employeur, la rupture du contrat de travail constitue un licenciement classique (versement des indemnités afférentes, etc.).
Enfin, dans le cadre du CVE et dans un délai de 3 ans suivant la promulgation de la loi, l'employeur est exonéré de la contribution fixée à 30 % sur l'indemnité versée à l'occasion de la mise à la retraite (15).
💡 Bon à savoir : selon le ministère du Travail, le CVE permettra de donner plus de visibilité sur la fin de carrière du salarié. En effet, il permet à l'employeur de pouvoir mettre fin au contrat de travail du salarié lorsque celui-ci aura atteint l'âge de départ à la retraite à taux plein, tout en bénéficiant d'une exonération sur l'indemnité de mise à la retraite à verser à ce dernier. Pour le salarié senior demandeur d'emploi, il offre la sûreté d'un CDI avant le départ à la retraite.
Faciliter les aménagements de fin de carrière : la réforme de la retraite progressive
Un salarié qui souhaite bénéficier d'une retraite progressive peut en faire la demande à son employeur. Pour rappel, la retraite progressive permet au salarié de réduire son activité en passant à temps partiel, en percevant une fraction de sa retraite et tout en continuant à améliorer ses droits à la retraite (16).
📍Actuellement, l'employeur peut refuser cette demande s'il justifie de l'incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l'activité économique de l'entreprise.
L'objectif du texte est de faciliter l'accès et de renforcer l'attractivité de ce dispositif. Avec ces nouvelles dispositions, la justification de son refus que doit apporter l'employeur est plus stricte. Elle doit rendre notamment compte :
-
des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ;
-
ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des difficultés pour y procéder sur le poste concerné.
S'il ne peut pas justifier son refus par ces critères, l'employeur devra accepter la demande du salarié.
🔍 Pour aller plus loin : L'impact de la dernière réforme des retraites sur les entreprises
Améliorer la qualité du dialogue social : la réforme des mandats des élus du CSE
La fin des 3 mandats successifs du CSE
📍Jusqu'alors, les membres de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) sont élus pour 4 ans, et sauf exceptions, ne pouvaient exercer que 3 mandats successifs (17).
La loi supprime purement et simplement la limitation du nombre de mandats successifs. Autrement dit, un membre du CSE peut désomais être réélu plusieurs fois de manière successive, et ce, sans limitation.
🔍 À lire aussi : Calendrier des élections du CSE : étapes, démarches, délais légaux
L'objectif de la réforme du mandat des élus du CSE
Le souhait des partenaires sociaux à l'origine de cette demande, exprimé au sein de l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif au dialogue social, est de permettre le renouvellement des représentants du personnel :
-
dans les meilleures conditions possibles ;
-
en préservant l’expérience et les compétences acquises de ces derniers ;
-
dans un objectif d’amélioration de la qualité du dialogue social.
Assurance chômage : des précisions attendues
Précisions sur les conditions d'activité requises pour bénéficier du chômage
La présente loi contient une disposition sur l'assurance chômage, qui devait faire l'objet d'une intervention législative pour être applicable.
L'objectif est de permettre à un certain public (notamment les plus jeunes et ceux n'ayant pas bénéficié d'allocations chômage sur une longue période) de bénéficier de conditions plus souples pour ouvrir droit à cette allocation chômage (18).
Désormais, les conditions d'activité antérieure pour l'ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l'allocation d'assurance peuvent être modulées par les partenaires sociaux (19) :
-
en tenant compte d'indicateurs conjoncturels sur l'emploi et le fonctionnement du marché du travail (ce qui était le cas jusqu'alors) ;
-
[nouveauté] et, dorénavant, de tenir compte :
- soit de ce que le demandeur d’emploi n’a jamais bénéficié de l’allocation d’assurance (exemple : les jeunes) ;
- soit de ce qu’il n’en a plus bénéficié depuis un nombre d’années défini (le demandeur d'emploi qui n'a pas bénéficié de l'allocation chômage depuis X années).
📌 Exemple : le ministère du Travail prend l'exemple des jeunes diplômés qui n'auraient signé qu'un contrat court (comme un CDD de quelques mois) après l'obtention de leur diplôme, et dont la durée est inférieure à la durée de travail requise pour être indemnisé par l'assurance chômage. La modulation leur permettrait ainsi d'être indemnisé au titre de l'assurance chômage.
Précisions sur le bonus-malus de l'assurance chômage
📍De plus, le taux de contribution d'assurance chômage de chaque employeur peut être minoré ou majoré en fonction de certains critères afin de lutter contre le recours massif aux contrats précaires (dit dispositif de bonus-malus sur le taux de contribution d'assurance chômage) (20).
Comme la démission ou la fin d'un contrat d'apprentissage, la loi précise désormais que ne sont pas pris en compte dans le bonus-malus :
-
le licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident d'origine non professionnelle ;
-
et le licenciement pour faute lourde.
En d'autres termes, ces ruptures du contrat de travail, indépendantes de la seule volonté de l'employeur, n'auront aucun effet sur le bonus-malus applicable à l'entreprise.
🔍 Faites le point sur la thématique : Réforme de l'Assurance chômage : les règles au 1er septembre 2025
La transition et la reconversion professionnelle
Enfin, la loi intervient sur les transitions et les reconversions professionnelles.
Par exemple, la loi crée la possibilité pour le salarié souhaitant bénéficier d'une mobilité professionnelle, qu'elle soit interne ou externe à l'entreprise, de demander une période de reconversion (21).
Cette période de reconversion peut se faire au sein de l'entreprise ou à l'extérieur. Elle prend la forme d'actions de formation afin de permettre au salarié d'acquérir certaines certifications ou compétences, tout en bénéficiant d'un conseil en évolution professionnelle pendant son temps de travail, s'il le souhaite.
📌 Exemple : le salarié peut exercer sa période de reconversion dans une entreprise afin d'acquérir un savoir-faire en relation avec les qualifications d'une activité professionnelle qu'il recherche.
Les modalités de mise en oeuvre de cette période de reconversion (durée, etc.) pourront être précisées par la voie de la négociation collective.
💡 Bon à savoir : la loi précise également le financement de cette période de reconversion (CPF, opérateur de compétences, etc.).
Références :
(1) "Les seniors sur le marché du travail en 2024", Insee, publié le 23 juillet 2025
(2) Loi n°2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social (JO du 25 octobre 2025)
(3) Accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés
(4) Accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 relatif à l’évolution du dialogue social
(5) Convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage
(6) Préambule de l'ANI en faveur de l'emploi des salariés expérimentés précité
(7) Nouvelle version de l'article L2241-1 du Code du travail
(8) Nouvel article L2242-2-1 du Code du travail
(9) Nouveaux articles L2241-14-1 et L2242-22 du Code du travail
(10) Future version de l'article L6315-1 du Code du travail (à partir du 1er octobre 2026)
(11) Article L4624-2-2 du Code du travail
(12) Articles L161-17-2 et L351-8 du Code de la sécurité sociale
(13) Article L1237-5 du Code du travail
(14) Articles L161-17-3 et L351-8 du Code de la sécurité sociale
(15) Article L137-12 du Code de la sécurité sociale
(16) Articles L3121-60-1 et L3123-4-1 du Code du travail
(17) Nouvelle version de l'article L2314-33 du Code du travail
(18) Article 9 de la Convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage
(19) Article L5422-2-2 du Code du travail
(20) Article L5422-12 du Code du travail
(21) Nouvelle version de l'article L6324-1 du Code du travail






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