Le harcèlement moral au travail constitue un fléau en pleine recrudescence notamment au sein de l'entreprise. Lorsqu'une personne se dit victime de harcèlement moral, elle se fonde sur un ressenti qui n'est pas toujours en phase avec la définition légale ou scientifique conventionnelle. C'est donc pour cette raison que la définition donnée par le législateur au départ était délibérément imprécise afin d'octroyer au juge une certaine marge d'interprétation lors de la qualification des faits. Cependant, avec le temps, la définition du harcèlement s'est considérablement affinée sous l'action de la jurisprudence.

Examinons brièvement à présent le régime juridique du harcèlement moral.

 

I- Définition du harcèlement moral

Le harcèlement moral est un délit sanctionné à la fois par le Code du travail (Art. L. 1152 et s; L. 2313- 2; L. 4121-2; L. 8112-2 et par le Code pénal (Art. 222-33-2 et s.).

Aux termes des dispositions de l’art. L. 1152-1 du Code du travail, le délit de harcèlement moral est constitué d’agissements répétés envers un salarié qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

 

II- Qualité d'auteur ou de victime

Toute personne peut se rendre coupable ou être victime du délit de harcèlement moral au sein de l’entreprise, peu important son statut : employeur, supérieur hiérarchique, simple collègue de travail ou même un subordonné (Crim. 6 déc. 2011, n°10-82.266). En outre, le régime d'incrimination et de protection du harcèlement moral s'étend également aux personnes en formation ou en stage au sein de l'entreprise. Il en résulte qu'aucun salarié ne peut faire l'objet de sanction, licenciement ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés (art. L. 1152-2 du Code du travail). Ainsi, toute rupture du contrat de travail intervenue en violation de ces textes, toute disposition ou tout acte contraire est nul (art L. 1152-3 du Code du travail).

III- Éléments constitutifs du harcèlement moral

Pour que l'infraction de harcèlement moral soit consommée, il faut que soient rassemblés deux éléments constitutifs : un élément matériel et un élément intentionnel.

A- Élément matériel

L'élément matériel du harcèlement moral est caractérisé dès lors que sont commis des agissements répétés ayant pour objet ou pour conséquence de dégrader les conditions de travail du salarié, peu importe leur durée. Les actes de harcèlement moral peuvent être constitués par des brimades, des humiliations, une surveillance excessive ou encore une mise à l'écart, ou encore le non-respect des droits du salarié. Il convient de préciser que cette liste d'agissements n'est pas exhaustive. De même, matérialisent le délit du harcèlement moral des agissements commis au domicile de la victime ou dans le cadre de sa vie privée par un collègue ou un supérieur hiérarchique. Toutefois, la qualification de harcèlement moral peut être écartée par les juges lorsque la dégradation des conditions de travail du salarié résulte de son propre fait. Notons cependant à cet égard que son comportement désagréable et agressif à l'encontre de ses collègues ne peut revêtir la qualification de harcèlement moral (Soc. 24 nov. 2009, n° 08-43.481).

 

B- Élément intentionnel

Une intention de nuire de la part de l'auteur des faits n'est pas nécessaire pour caractériser des agissements de harcèlement moral. La simple dégradation des conditions de travail susceptible de causer un dommage au salarié, en portant atteinte à ses droits ou à sa dignité, à sa santé ou à son avenir professionnel suffit à caractériser l'élément intentionnel requis par l'incrimination.

 

IV- La preuve du harcèlement moral

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a révisé les règles relatives à l'administration de la preuve en matière de harcèlement moral. Ces règles sont désormais soumises au même régime que celles applicables en matière de discrimination. Ainsi, Il appartient désormais au salarié s'estimant victime de harcèlement moral de faire état d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, à charge pour le prévenu de démontrer que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs (art. L. 1154-1 du Code du travail).

 

V- La prévention du harcèlement moral

L'employeur est tenu par une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de son personnel. Notamment, il doit tout mettre en ½uvre pour empêcher la réalisation du risque. Pour ne pas voir engager sa responsabilité, il est tenu de justifier avoir pris toutes les mesures de prévention, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un acte de harcèlement, et avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser (Soc. 1er juin 2016, n° 14-19.702).

 

VI- La répression du harcèlement moral

La personne victime de harcèlement peut saisir alternativement le Conseil des Prudhommes ou le juge pénal. Dans le premier cas, toute méconnaissance de l'employeur de son obligation de sécurité est sanctionnée par l'octroi de dommages-intérêts et autorise le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur. L'inspection du travail veille au respect des dispositions relatives au harcèlement et constate les infractions commises au sein de l'entreprise (art. L. 8112-2 du Code du travail). Dans le deuxième cas, le Code pénal sanctionne le harcèlement moral par 2 ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amendes.

Des questions ? Je me tiens à votre disposition en conseil et contentieux.

 

Gérard VILON GUEZO

Docteur en droit privé/sciences criminelles

Enseignant chercheur en droit pénal économique

Avocat à la Cour

13 rue Saint-Honoré 78 000 – VERSAILLES

[email protected]

Tel : 06-25-68-56-82

 

Bibliographie

I- Ouvrages et manuels Droit du travail, Hypercours, 2021, Droit privé, 14e éd., 2020.

  • Droit du travail, 2020, Alain Coeuret/Jean-Philippe Lieutier,
  • Droit privé, 2e éd., 2019. Droit du travail,
  • Bernard Gauriau/Michel Miné, Droit privé, 4e éd., 2020.
  • Les grands arrêts du droit du travail, Jean Pélissier/Antoine Lyon-Caen/Antoine Jeammaud/Emmanuel Dockès, Grands arrêts, 4e éd., 2008.

II- Textes de lois

Art. L. 1152 et s; L. 2313-2; L. 4121-2; L. 8112-2 du Code du travail Art. 222-33-2 et s. du Code pénal.