Ainsi l'adjudication forcée consacrée par les précédentes dispositions ne devient plus que l'une des issues possibles de la procédure destinée à être largement suppléée par le mécanisme de la vente amiable sur autorisation judiciaire. Ce mécanisme qui est parvenu à assurer un équilibre entre les intérêts parfois divergents des parties concernées par la procédure. Intérêt du débiteur tout d'abord qui a désormais la faculté de ne plus "subir" la procédure mais d'en devenir un acteur essentiel. Intérêt des créanciers également, dont le principal souci est de parvenir à une vente rapide à des conditions financières optimisées. Aussi, après un bref rappel de la procédure dont la maîtrise est indispensable à l'avocat chargé de traiter d'une telle opération (I), je me propose d'aborder avec vous quelques difficultés pratiques qu'elle soulève et tenter d'y apporter quelques solutions (II).

 

I - Rappel de la procédure

A - La demande formulée par le saisi

Le commandement de payer valant saisie signifié au débiteur doit désormais expressément préciser que ce dernier conserve la possibilité de rechercher un acquéreur pour procéder à une vente amiable ou consentir un mandat à cet effet. Cette faculté suppose néanmoins que le débiteur en fasse la demande au juge compétent en respectant certains délais et que ce dernier accède à cette requête. Seul le saisi est en effet compétent pour solliciter du juge la possibilité de procéder à une vente amiable à l'exclusion notamment des créanciers. Cette requête doit être formulée devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire et ce, au plus tard lors de l'audience d'orientation. Si cette demande est formulée avant l'audience d'orientation, le débiteur sera tenu de mettre en cause les créanciers inscrits, ce qui se justifie pleinement dans la mesure où ces derniers, dans le cadre d'une vente amiable sur autorisation judiciaire, sont privés de la faculté de surenchérir. En pratique cette demande suppose nécessairement un écrit alors qu'elle peut être formulée simplement verbalement lors de l'audience d'orientation. Il appartient au débiteur de motiver sa demande en justifiant qu'une vente non judiciaire peut intervenir dans des conditions satisfaisantes.

 

B- L'audience d'orientation

C'est lors de l'audience d'orientation que le juge de l'exécution, après contrôle des conditions de la saisie, peut accéder à cette demande après s'être assuré que la vente amiable peut être conclue "dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur". S'il fait droit à cette demande, l'autorisation du juge devra a minima comporter:

- l'indication du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu au regard des conditions économiques du marché,

- les conditions particulières de la vente au regard de la nature de l'immeuble saisi et des caractéristiques du marché,

- la taxe des frais de poursuite à la requête du créancier saisissant,

- la date de l'audience dite de renvoi à laquelle l'affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois.

Le débiteur doit alors accomplir les diligences nécessaires à la conclusion de la vente amiable, sous un double contrôle. Le contrôle du créancier poursuivant qui pourrait en cas de négligence du débiteur l'assigner en vue de la procédure de vente forcée et le contrôle du juge.

 

C- L'audience de renvoi

Lors de cette audience de renvoi, le juge bénéficiera de plusieurs options :

- il pourra décider de la reprise de la procédure de saisie immobilière pour le cas où le débiteur n'aurait pas été en mesure de trouver un acquéreur dans le délai qui lui était imparti ou pour le cas où les modalités de l'autorisation judiciaire de vente amiable n'auraient pas été respectées,

- il pourra consentir au saisi un délai supplémentaire qui ne saurait excéder trois mois pour constater la vente amiable mais à la condition expresse que le débiteur soit en mesure de justifier d'un engagement écrit d'acquisition respectant les modalités de l'autorisation judiciaire,

- il pourra enfin constater la vente amiable. Cette dernière hypothèse suppose que l'acte de vente ait été établi préalablement en la forme authentique. Le rôle du juge consiste alors à vérifier que les conditions qu'il a lui-même fixées ont été respectées, que le prix de vente et les frais ont bien été consignés. Le juge, après avoir constaté la vente, ordonne par ailleurs la radiation des inscriptions puisque, et c'est l'une des particularités de la vente amiable de l'immeuble saisi - la constatation de la vente opère purge des inscriptions privant ainsi les créanciers de toute faculté de surenchérir.

 

II - Aspects pratiques

La vente amiable sur autorisation judiciaire est assimilée à une vente amiable ordinaire en vertu de l'article 2202 du code civil. Il s'agit donc d'une vente de droit commun dont la rédaction ne soulève a priori aucune difficulté et qui est même destinée à être facilitée par la transmission faite au notaire du cahier des conditions de vente établi par l'avocat du créancier saisissant. L'avocat doit essentiellement veiller à ce que les conditions particulières fixées par le juge lors de l'audience d'orientation soient bien respectées, tenir compte scrupuleusement des délais imposés par la procédure et procéder à la consignation du prix de vente et des frais. Malgré cette apparente simplicité, cette réforme a posé, dans sa mise en

application quelques difficultés ou interrogations. Je me propose d'évoquer avec vous trois d'entre elles qui concernent plus directement la pratique notariale : la notion de constatation de l'acte de vente par le juge (A), le sort de la conversion de la vente forcée en vente volontaire que nous pratiquions avant cette réforme (B) et le problème posé par la consignation de la provision sur les frais et droits de mutation (C).

 

A - La constatation de la vente par le juge

Le législateur utilise le terme de "constatation" de la vente pour définir le contrôle exercé par le juge. Certains commentateurs ont cru pouvoir rapprocher cette notion de celle plus classique de l'homologation. Les deux notions sont indiscutablement très proches. Rappelons que l'homologation peut se définir comme un contrôle judiciaire auquel est subordonnée l'efficacité d'un contrat. La procédure d'homologation renvoie au pouvoir souverain du juge qui dispose d'une marge d'appréciation qu'il peut librement exercer pour décider d'homologuer ou de refuser d'homologuer une convention. La notion de "constatation" semble quant à elle limiter ce pouvoir d'appréciation : le rôle du juge se bornerait dans notre cas à vérifier que les conditions qu'il a lui-même formulées ou qui sont imposées par la loi sont bien respectées. Si tel est le cas, la vente doit être constatée sans qu'il ne dispose de la faculté d'en décider autrement. Cette seconde solution est bien entendu nettement plus sécurisante. La constatation de la vente ne devient plus dans ce cas qu'une simple formalité.

Dès lors que les conditions requises ont été respectées il n'y a aucune raison pour que la condition suspensive qui affecte l'acte authentique de vente ne soit pas levée. Cette qualification n'est pas anodine : dans le cas d'une homologation, il existe un aléa dont l'acquéreur doit pouvoir être prémuni. Il convient dans cette hypothèse de différer par précaution le transfert de propriété et de jouissance et d'assortir l'acte de vente d'une condition suspensive particulière ayant trait à la constatation judiciaire de la vente. Dans le second cas, l'aléa peut être chassé : la vente est définitive entre les parties dès la signature de l'acte authentique qui peut constater le transfert de propriété et de jouissance. De même la problématique de la prise de garanties au profit d'un établissement prêteur ne soulève aucune difficulté. C'est sans nul doute cette seconde interprétation qu'il faut retenir : il n'est donc pas nécessaire de soumettre nos actes de vente à une quelconque condition suspensive dès lors que l'avocat a pu contrôler le respect des conditions et délais fixés par le juge lors de l'audience d'orientation.

 

B- Le sort de la vente volontaire

Certains auteurs ont estimé que le nouveau mécanisme de la vente amiable sur autorisation judiciaire était destiné à remplacer le précédent mécanisme de la vente volontaire. Rappelons que la vente volontaire permet au débiteur saisi de procéder à une vente amiable de son bien à la condition d'obtenir un accord en ce sens du créancier saisissant et des créanciers inscrits appelés à la procédure. En effet, le débiteur saisi doit pouvoir retrouver la liberté de disposer de son bien, ce qui suppose en pratique de procéder à une mainlevée du commandement de saisie le grevant. Cette vente volontaire présente l'inconvénient de ne pas emporter purge des inscriptions et d'exposer l'acquéreur à un risque de surenchère qui ne pourra être écarté que par voie judiciaire ou par l'intervention des créanciers à l'acte de vente afin de leur faire accepter le prix de vente et constater leur renonciation à toute faculté de surenchère. En réalité les deux procédures coexistent et constituent des alternatives pour le débiteur saisi. Le débiteur saisi pourra ainsi préférer la vente volontaire peut en effet se dénouer plus rapidement si le prix est suffisant pour désintéresser les créanciers inscrits.

 

C- La consignation des frais et droits

L'article 2203 du code civil, énonce que : "L'acte notarié de vente n'est établi que sur consignation du prix et des frais de la vente et, justification du paiement des frais taxés ".

Lors de l'audience de renvoi, le juge est tenu préalablement à la constatation de la vente amiable de vérifier que le prix et les frais ont bien été consignés. L'interprétation de cette notion de frais a suscité quelques interrogations : le notaire peut il dresser un acte authentique sans avoir la libre disposition des frais nécessaires à la taxation de son acte et à l'accomplissement des différentes formalités qui nous sont confiées. Rappelons à ce titre que notre règlement intérieur nous interdit formellement de recevoir un acte sans s'être assuré de détenir une provision suffisante et qu'une jurisprudence de la Cour de Cassation consacre la responsabilité du notaire qui n'aurait pas perçu la provision sur frais nécessaire à l'accomplissement de sa mission. En réalité, la notion de frais est insuffisamment précise dans la rédaction des nouvelles dispositions : il faut considérer quelle s'applique aux frais de poursuite engagés par le créancier saisissant et non aux frais et droits de mutation.