Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel d’AMIENS statue sur le bien-fondé d’un licenciement pour faute grave.

Il était question d’un salarié, embauché en 1996, occupant, au dernier état de la relation contractuelle, un poste de chargé d’études de prix. Par courrier du 14 septembre 2017, ce salarié a été convoqué à un entretien préalable.

Il a finalement été licencié pour faute grave à la suite dudit entretien au motif d'avoir fait prendre en charge par son employeur des travaux réalisés dans son appartement personnel. Il a saisi les juridictions prud'homales en vue de contester son licenciement.

Avant de s’intéresser à la réalité et la gravité de la faute reprochée au salarié, la Cour d’appel d’AMIENS rappelle d’importantes règles en la matière.

Tout d’abord, elle rappelle que la faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis.

Les faits invoqués comme constitutifs d'une faute grave doivent par conséquent être sanctionnés dans un bref délai.

Autrement dit, l'employeur doit respecter un délai restreint entre la connaissance des faits fautifs et la mise en ½uvre de la procédure de licenciement et ne pas attendre le délai légal de prescription de deux mois, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

Cette règle jurisprudentielle d’engager dans les plus brefs délais une procédure de licenciement pour faute grave n’est pas nouvelle comme en atteste un arrêt récent de la Cour de cassation. Ainsi, elle casse un arrêt au motif que la Cour d’appel n’a pas vérifié si la procédure de licenciement avait été mise en ½uvre dans un délai restreint (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-20.984).

Tel n’est pas le cas par exemple d’une procédure de licenciement engagée un mois après la connaissance par l’employeur des faits fautifs (Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-45.103).

Au contraire, l’engagement de la procédure de licenciement par l’envoi d’un courrier de convocation à un entretien préalable six jours après la date de connaissance des faits fautifs est raisonnable (Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-66.770).


De même, un délai de 17 jours entre la connaissance du comportement fautif et l’enclenchement de la procédure de licenciement peut se comprendre en pleine période hivernale entrainant la fermeture de l’entreprise (Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-72.817).

En revenant au cas présent, on constatera que l’employeur a attendu un délai particulièrement long. En effet, il avait connaissance des faits fautifs, dès le 17 juillet 2017, alors qu’il a convoqué le salarié, le 14 septembre de la même année, soit plus d’un mois et demi après.

La Cour note cette tardiveté et exclut donc l’existence d’une quelconque faute grave. Pour autant, elle rappelle que l'engagement de la procédure de licenciement au-delà du délai restreint ne fait pas obstacle à ce que le fait invoqué constitue une cause et réelle et sérieuse justifiant le licenciement et ce, comme le juge de manière constante la Cour de cassation (Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-23.565).

Ainsi, elle estime que le fait pour un salarié de tenter de faire prendre en charge financièrement par son employeur des travaux personnels constitue un fait fautif empêchant la continuité de la relation de travail, ce dernier perdant la confiance nécessaire en son salarié, peu important que l'entreprise n'ait pas subi de pertes financières, l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et l'absence d'antécédents disciplinaires.

Dès lors, le salarié ne peut réclamer qu’une indemnité compensatrice de congés payés et une indemnité de licenciement, sans pouvoir prétendre à des dommages et intérêts.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

 

N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.