Dans un arrêt du 13 avril 2023 (n° 22-10.476), inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation s'est intéressée à la question des interactions entre la condamnation pénale du salarié et la justification du licenciement en résultant. 

Un salarié a été engagé en 1990 par une société de champagne et a exercé en dernier lieu les fonctions de vigneron tractoriste. 

Il a été incarcéré trois ans, de 2013 à 2016, pour des faits de nature pénale commis dans sa vie privée (agression sexuelle sur mineurs).

Il a repris le travail le 14 novembre 2016 puis a été en arrêt de travail du 15 novembre 2016 au 27 mars 2017, avant d'être licencié le 07 avril 2017 avec dispense de préavis, pour trouble objectif causé au bon fonctionnement de la société. Il a contesté son licenciement. 

L'arrêt d'appel a relevé que le salarié, déclaré coupable de faits d'agression sexuelle sur mineurs commis à l'occasion de ses activités d'entraîneur de football dans un club au sein de la commune où il exerçait ses fonctions de vigneron tractoriste, n'a pu durablement reprendre son travail après son incarcération. 

La cour d'appel ajoute que, dès son retour dans l'entreprise le 27 mars 2017, après un arrêt maladie, une quarantaine de salariés a manifesté son refus de travailler avec lui et que le lendemain, les salariés ont à nouveau manifesté leur désaccord avec le retour de l'intéressé, n'hésitant pas à faire grève pour être entendus par leur employeur. L'arrêt constate que les faits ont suscité un émoi durable et légitime au sein de la commune. 

Le salarié a formé un pourvoi en cassation en faisant valoir que la cour d'appel n'a pas tenu compte de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise pour apprécier si son comportement avait créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière. Il a également soutenu que la manifestation des salariés à son encontre avait été orchestrée par l'employeur. 

La Cour de cassation devait ainsi trancher la question de savoir si la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise et justifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse. 

Elle a rappelé le principe applicable dans cette matière : 

« Si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée du salarié, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise ». 

Elle a ensuite mis en exergue les constatations de la cour d'appel suivant lesquelles, d'une part, le salarié n'a pu durablement reprendre son travail après son incarcération, d'autre part, les salariés de l'entreprise ont majoritairement refusé de travailler avec lui et ont fait grève pour être entendus par leur employeur. 

Dès lors, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en estimant que la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise et justifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse. 

Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail

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