Le salarié qui refuse de présenter un pass sanitaire ou de se faire vacciner peut il se faire valablement licencier ?

La loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et ses décrets d’application ont entraîné un bouleversement dans la vie des Français.

Après un an et demi à être contraints de respecter des mesures restrictives de liberté comme les confinements ou les couvres-feus, les Français doivent désormais justifier d’un pass sanitaire dans certains lieux limitativement fixés par la loi du 5 août 2021 et le décret du 7 août 2021[1].

Sans être exhaustif, il s’agit notamment des cinémas, musées, salles de spectacles, enceintes sportives, bibliothèques, bars, cafés et restaurants (avec certaines exceptions), etc.

Concrètement, pour accéder aux lieux visés par les textes légaux et réglementaires, les usagers doivent justifier d’un pass sanitaire en présentant l’un des trois documents suivants :

-       Un schéma vaccinal complet :

-       Un résultat négatif d’un test RT-PCR, test antigénique ou autotest réalisé sous la supervision d’un professionnel de santé de moins de 72 heures ;

-       Un résultat positif d’un test RT-PCR ou test antigénique attestant du rétablissement du Covid-19 datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.

A fortiori, le fait de contraindre les usagers des lieux susvisés à justifier d’un pass sanitaire entraîne pour conséquence la même obligation pour les salariés travaillant au sein de ces lieux.

Cette obligation est effective depuis le 30 août 2021 pour les salariés majeurs, à compter du 30 septembre 2021 pour les salariés mineurs travaillant des les établissements visés par les textes légaux et réglementaires.

Pour certains salariés, la contrainte va même plus loin.

En effet, les salariés travaillant dans les établissements listés au I de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 ont l’obligation de se faire vacciner.

Il s’agit essentiellement de salariés travaillant dans le milieu médical au contact de personnes vulnérables.

La mise en place de la vaccination obligatoire les concernant est progressive et en toute état de causes, les salariés concernés devront justifier d’un schéma vaccinal complet au plus tard le 15 octobre 2021.

Le salarié concerné bénéficiera d’un schéma vaccinal complet quand il aura bénéficié de l’injection de deux doses de vaccin, ou une dose s’il a déjà contracté le Covid-19.

Les salariés soumis à l’obligation vaccinale bénéficient d’une période transitoire entre le 15 septembre et le 15 octobre 2021 au cours de laquelle ils peuvent continuer à exercer leur activité professionnelle s’il justifie de l’administration d’une dose de vaccin et d’un test virologique négatif au Covid-19 selon la loi du 5 août 2021.

Que ce soit pour le pass sanitaire obligatoire ou pour la vaccination obligatoire, l’autorité de contrôle désignée par la loi du 15 août 2021 est « l’exploitant de l’établissement » qui dans l’immense majorité des cas est l’employeur.

Pour cette raison, le choix est fait d’utiliser le terme « employeur » par la suite.

L’employeur qui est exploitant d’un des établissements visés par la loi du 5 août 2021 et le décret du 7 août 2021 doit contrôler que ses salariés justifient de leur pass sanitaire, ou le cas échéant de leur schéma vaccinal complet.

Si le salarié qui y est contraint pas la loi refuse de présenter son pass sanitaire ou, le cas échéant, les justificatifs de sa vaccination complète, il ne peut plus exercer son activité et son employeur devra suspendre son contrat de travail si aucune autre alternative (télétravail, changement temporaire de poste, prise de congés en accord avec le salarié…) n’est envisageable.

La période de suspension du contrat de travail du salarié n’est pas assimilable à du temps de travail effectif de sorte que le salarié ne percevra aucune rémunération durant toute la période de suspension de son contrat de travail[2].

Le salarié ne pourra pas non plus acquérir de droits légaux ou conventionnels ou de droits à congés payés.

A noter que lorsque la suspension du contrat de travail se prolonge au-delà de trois jours, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser la situation selon l’article 1er de la loi du 5 août 2021.

Ce même article 1er prévoit que l’employeur a l’obligation de contrôler les justificatifs des salariés concernés et de suspendre le contrat de travail des salariés réfractaires sous peine de mise en demeure, voire d’une fermeture administrative de son établissement, d’une peine d’emprisonnement et d’une amende.

En revanche, la question se pose de savoir si l’employeur peut user de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner un salarié qui refuserait de justifier de son pass sanitaire, ou le cas échéant, de son schéma vaccinal complet.

L’employeur a-t-il le pouvoir de licencier les salariés réfractaires ?

 

1.    Les arguments contre le licenciement :

La possibilité pour les employeurs de licencier les salariés refusant de justifier d’un pass sanitaire ou d’un schéma vaccinal était initialement prévue dans le projet de loi présenté par le gouvernement.

Le projet de loi initial prévoyait que le défaut de présentation du pass sanitaire entraînait la suspension du contrat de travail du salarié puis, après un délai de deux mois, sa rupture.

Le projet de loi prévoyait donc de créer un nouveau motif de licenciement autonome : le défaut de présentation du pass, ou le cas échéant le défaut de présentation du schéma vaccinal complet.

Le Sénat a fait barrage à l’adoption de cette mesure très controversée.

Curieusement, la possibilité de rompre le CDD de manière anticipée en raison d’un défaut de présentation du pass sanitaire ou du schéma vaccinal complet était maintenue.

Le 5 août 2021, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi concernant la rupture des CDD au titre d’une rupture d’égalité avec les salariés engagés au moyen d’un CDI :

« En prévoyant que le défaut de présentation d'un « passe sanitaire » constitue une cause de rupture des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leur contrat de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi »[1].

La disposition sur la rupture anticipée des CDD a donc disparu de la loi du 5 août 2021.

L’employeur n’a donc pas été habilité légalement à licencier les salariés qui ne justifieraient pas d’un pass sanitaire ou d’un schéma vaccinal complet.

Et pour cause, le pouvoir de licencier un salarié en raison du fait qu’il ne justifie pas d’un pass sanitaire ou qu’il n’est pas vacciné entrerait frontalement en conflit avec plusieurs libertés fondamentales du salarié.

Premièrement, un tel pouvoir porterait atteinte au droit au respect de la vie privée du salarié garanti par des sources européennes, internationales et nationales, notamment :

-       L’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) dispose que « la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Le Conseil constitutionnel rattache le respect de la vie privée au principe de liberté individuelle[2] qui fait partie du bloc de constitutionnalité.

-       L’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH) : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance »

-       L’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». 

Les révélations concernant l’état de santé de la personne relèvent de la protection de la vie privée.

Ainsi, le salarié licencié pourrait arguer de ce que le fait de le contraindre à présenter un pass sanitaire ou un schéma vaccinal complet revient à l’obliger à faire des révélations sur son état de santé, ce qui pourrait être jugé contraire au droit au respect de la vie privée.

Deuxièmement, les salariés bénéficient d’un droit à disposer de leur corps en application du principe d’inviolabilité du corps humain.

Le principe d’inviolabilité du corps humaine n’a pas reçu de consécration constitutionnelle mais il est englobé dans le principe plus général de la sauvegarde de la dignité humaine.

La sauvegarde de la dignité humaine est garantie par une multitude de textes, notamment :

-       Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme : « la dignite? et la liberte? de l’homme sont l’essence me?me de la Convention »[3] ;

-       Préambule de la Charte de l’Organisation des Nations-Unies, les signataires décident de proclamer à nouveau leur foi « dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites »

-       Préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) alinéa 1er : « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la paix dans le monde » ;

-       Préambule du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) : « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » ;

-       Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 1er : « La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée » ;

-       Jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle de la sauvegarde de la dignité humaine : « la sauvegarde de la dignite? de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de de?gradation est un principe a? valeur constitutionnelle »[4] ;

-       Article 16 du Code civil : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. »

En vertu de toutes ces normes, le corps humain ne peut être violé par autrui.

Les atteintes illicites au corps humains sont réprimées par le droit pénal français (infraction de coups et blessures, infraction d’homicide…) et le droit civil permet la réparation des dommages corporels subis par une victime.

Il existe des hypothèses limitées d’atteintes licites au corps humain en application des dispositions de l’article 16-3 alinéa 1er du Code civil : «  Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui ».

Néanmoins, même dans un cas où l’atteinte au corps humain est possible, il est absolument nécessaire de recueillir le consentement libre et éclairé de l’intéressé après que le médecin a délivré une information sur la nature et les risques engendrés par l’acte médical projeté.

Ce consentement doit être sollicité en amont de tout acte préventif ou curatif.

L’exigence de consentement aux actes médicaux a pour corollaire la possibilité pour chaque individu de refuser de subir un acte médical, chaque individu étant acteur de sa propre santé.

Dans ce cas, l’article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique dispose qu’ « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne ».

Ainsi, un individu peut très bien refuser de procéder à un test PCR ou antigénique dans la mesure où cela porte atteinte à son intégrité physique. A fortiori, l’individu peut refuser l’injection d’un vaccin.

Ainsi, le salarié licencié pourrait arguer que son licenciement justifié par un refus  de justifier d’un pass sanitaire ou d’un schéma vaccinal complet serait une mesure attentatoire à sa liberté fondamentale de disposer de son corps et donc à la dignité humaine.

Cette affirmation sera contestée par la suite dans la mesure où il existe des textes internationaux permettant la vaccination obligatoire.

Troisièmement, le licenciement d’un salarié réfractaire au pass sanitaire ou au vaccin porterait atteinte au principe d’égalité et de non-discrimination garanti par de nombreux textes :

-       Article 1er de la Constitution de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée » ;

-       Article 1er de la DDHC « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune » ;

-       Article 14 de la CESDH : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » [5];

-       Article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne : « Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. »

-       Article 2 du Traité sur l’Union Européenne : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes » ;

-       Article L. 1132-1 du Code du travail : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m½urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français. »

-       Enfin les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal répriment la discrimination.

Le salarié licencié en raison du refus de justifier d’un pass sanitaire ou d’une vaccination complète pourrait arguer que le réel motif de son licenciement est son état de santé.

Le salarié devrait alors démontrer que c’est son état de santé qui est à l’origine du licenciement.

Or, tout licenciement fondé sur l’état de santé du salarié est discriminatoire et donc nul.

Néanmoins, la charge de la preuve pèse en partie sur le salarié ce qui complique une éventuelle action judiciaire.

 

Quatrièmement, le licenciement d’un salarié réfractaire pourrait également porter atteinte à la liberté de pensée et de conscience de ce dernier.

Cette liberté fondamentale essentielle dans un Etat de droit est garantie par une multitude de textes, notamment :

-       Article 1er de la Constitution de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »

-       Article 10 de la DDHC : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »

-       Préambule de la Constitution de 1946 : « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »

-       Le Conseil constitutionnel a reconnu que la liberté de conscience était un Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République le 23 novembre 1977.[6]

-       Article 9 de la CESDH : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (…) »

La liberté de pensée peut être définie comme la liberté d’avoir des opinions de toute nature et de pouvoir les exprimer sans être inquiété.

Ainsi, un salarié est libre d’avoir une opinion sur l’exigence de pass sanitaire et sur la vaccination obligatoire.

Cette liberté lui permet d’être contre le pass sanitaire et contre la vaccination obligatoire.

La liberté de pensée du salarié peut se manifester par un refus de présenter un pass sanitaire ou par un refus de se faire vacciner.

Dès lors, le salarié réfractaire qui est licencié pourrait arguer que le réel motif de son licenciement est son opinion sur le pass sanitaire ou la vaccination obligatoire.

Si tel est le cas, le licenciement est nécessairement nul.

De manière générale, il convient de préciser que, quand bien même la loi du 5 août 2020 impose à certains salariés travaillant dans les établissements listés par le décret n°2021-1059 du 7 août 2020 de justifier de leur pass sanitaire ou d’un schéma vaccinal complet, il convient de rappeler qu’il existe en droit français un principe de hiérarchie des normes.

En vertu de ce principe, les normes constitutionnelles et les normes conventionnelles ont une valeur supra-légale.

Ainsi, le juge interne saisi d’un litige est tenu d’écarter l’application de dispositions législatives qui seraient contraire à des textes internationaux ou européens.

Ainsi, le licenciement prononcé pour refus de présentation du pass sanitaire ou du schéma vaccinal complet pourrait être jugé nul car contraire aux libertés fondamentales susvisées garanties par des normes constitutionnelles et conventionnelles.

Dans ce cas, en application de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, le salarié aurait le droit à être réintégré dans son emploi.

Si le salarié ne le souhaite pas ou si sa réintégration est impossible, l’employeur serait condamné à verser une indemnité pour licenciement nul dont le montant ne peut être inférieur à six mois de salaire.

A noter que dans le cas d’un licenciement nul, le plafond d’indemnité prévu par le barème Macron (article L. 1235-3 du Code du travail) ne s’applique pas et l’indemnité octroyée au titre du licenciement nul n’est limitée par aucun plafond.

 

2. Les arguments pour le licenciement du salarié réfractaire :

A l’heure actuelle, il n’existe pas de motif spécifique de licenciement tiré du refus du salarié de justifier d’un pass sanitaire, ou le cas échéant, d’une vaccination complète.

Cela ne signifie pas que l’employeur n’a aucun moyen d’agir.

S’il ne peut arguer du refus du salarié de justifier d’un pass sanitaire ou d’une vaccination complète, l’employeur peut se rattacher à un fondement juridique tout à fait légal : l’obligation de sécurité du salarié.

La santé et la sécurité au travail sont avant tout l’affaire de l’employeur qui est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Ainsi, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Néanmoins, cela ne signifie pas que le salarié est exempt de toute obligation en matière de santé et sécurité au travail.

En effet, le salarié est aussi tenu à une obligation de sécurité en application des dispositions prévues par l’article L. 4122-1 alinéa 1er du Code du travail :  

« Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. »

En d’autres termes, le salarié ne doit pas se mettre en danger et ne doit pas mettre en danger les autres salariés de l’entreprise.

Concrètement, cette obligation de sécurité du salarié le contraint à respecter les consignes de sécurité de l’employeur.

Plus généralement, cette obligation contraint le salarié à un devoir général de prudence dans ses actes et son attitude au travail. 

A la différence de l’obligation de l’employeur, l’obligation de sécurité du salarié n’est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens.

Le comportement du salarié est apprécié en fonction de sa formation et de ses possibilités selon l’article L. 4122-1 du Code du travail.

Si le salarié adopte un comportement dangereux pour sa santé et/ou pour celle des autres membres de l’entreprise, il commet une faute disciplinaire passible d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

La Cour de cassation a en effet jugé que :

« Les manquements à l'obligation faite à un salarié par l'article L. 230-3 du code du travail (aujourd’hui L. 4122-1) , de prendre soin de sa sécurité et de sa santé, ainsi que de celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail engagent la responsabilité de celui qui les commet de sorte qu'une faute grave peut être retenue contre lui »[7].

Ainsi, l’employeur qui souhaite sanctionner un salarié ne justifiant pas de son pass sanitaire ou d’un schéma vaccinal complet pourrait arguer de ce que ce refus est une mise en danger délibérée de sa propre santé et de celle de ses collègues.

L’employeur n’aurait pas à justifier de la contamination au Covid-19 de salariés de son entreprise, le simple fait d’exposer ses collègues à un risque pour la santé est constitutif d’une faute.

A l’heure actuelle, ce motif de licenciement demeure cependant largement incertain et rien ne garantit que les juges ne considèrent pas que le licenciement est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse s’ils estiment que le motif du licenciement est le refus du salarié de justifier de son pass ou de sa vaccination et non pas un manquement à son obligation de sécurité.

 

Sandrine PARIS, Avocat associé, Société d’avocats ATALANTE AVOCATS

Matthieu LORCET, eleve avocat