Non-discrimination
Éléments de preuve : jurisprudence fondamentale et innovante
L'employeur peut-il refuser de fournir à un salarié qui s'estime victime d'une discrimination salariale les contrats de travail et fiches de paie de ses collègues, en se fondant sur le principe du respect de leur vie personnelle ?
Non, vient de répondre la Cour de cassation, dans la mesure où ces documents sont susceptibles d'établir la discrimination dont se plaint le salarié.
La procédure prévue par l'article 145 du Code de procédure civile n'étant pas limitée à la conservation des preuves et pouvant aussi tendre à leur établissement, le juge peut, dans l'exercice de son pouvoir souverain, décider que le salarié qui s'estime victime d'une discrimination justifie d'un motif légitime à obtenir en référé la communication de documents nécessaires à la protection de ses droits, dont seul l'employeur dispose et qu'il refuse de fournir.
Après des années de rejet par les juges des référés, c’est la première fois que la chambre sociale de la Cour de cassation admet le recours à cette procédure en matière de discrimination. Elle considère que le respect de la vie personnelle des salariés et le secret des affaires ne constituent pas un obstacle à l'application de l'article 145 du Code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les demandes procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les sollicite.
L'appréciation du motif légitime relève du pouvoir souverain des juges du fond. Selon ces derniers, le salarié qui s'estime victime d'une discrimination salariale devant établir des éléments de faits laissant supposer l'existence de la discrimination, ces éléments sont donc nécessaires à la protection de ses droits. Or, en matière salariale, seul l'employeur dispose des informations relatives au montant des rémunérations versées à son personnel, le salarié n'ayant aucun moyen de connaître exactement celles de ses collègues. En conséquence, les salariés justifiaient bien d'un motif légitime puisque, pour voir aboutir leurs demandes, ils devaient produire des éléments connus seulement de l'employeur.
Par ailleurs, les juges ont relevé que cette demande n'opérait pas un renversement de la charge de la preuve, dans la mesure où il appartiendra aux parties, au vu des documents communiqués, de démontrer l'existence ou l'absence de discrimination, fondement de l'action en justice éventuelle des salariés.
On soulignera (pour les juristes sociaux) que cette solution vise à tort une discrimination salariale, alors qu'il s'agissait en réalité d'une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" puisqu’aucun motif discriminatoire n'était invoqué (par exemple, sexe, origine, âge). Cette "erreur" est toutefois sans incidence sur la légitimité de la demande. La solution retenue ainsi par la Cour de cassation concerne l'ensemble du contentieux de la discrimination et celui relatif au principe d'égalité salariale qui repose sur le même dispositif de charge de la preuve.
Par Me Aubert
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